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10/11/2020 | FRANCE | N°18MA00221

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 10 novembre 2020, 18MA00221


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 11 septembre 2015 par lequel le maire de Saint-Vincent-de-Barbeyrargues a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue d'édifier une maison individuelle et une piscine.

Par un jugement n° 1505806 du 16 novembre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a fait droit à sa demande et a mis à la charge de la commune de Saint-Vincent-de-Barbeyrargues une somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance.



Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 janvier 2018...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 11 septembre 2015 par lequel le maire de Saint-Vincent-de-Barbeyrargues a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue d'édifier une maison individuelle et une piscine.

Par un jugement n° 1505806 du 16 novembre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a fait droit à sa demande et a mis à la charge de la commune de Saint-Vincent-de-Barbeyrargues une somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 janvier 2018, la commune de Saint-Vincent-de-Barbeyrargues, représentée par la SCP Margall G..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 16 novembre 2017 ;

2°) de rejeter la demande de M. A... présentée devant le tribunal administratif de Montpellier ;

3°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le projet présente un risque pour la sécurité publique ;

- il est contraire aux articles IINA1 et IINA2 du plan d'occupation des sols de la commune ;

- le non-respect par le pétitionnaire de ne pas modifier le profil de son terrain pouvait légalement justifier le refus qui lui a été opposé ;

- la décision en litige ne peut pas être requalifiée en retrait d'un permis acquis tacitement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mai 2018, M. A..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit fait injonction au maire de Saint-Vincent-de-Barbeyrargues de lui délivrer le permis de construire sollicité et à la mise à la charge de la commune d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés par la commune de Saint-Vincent-de-Barbeyrargues ne sont pas fondés ;

- le maire n'a pas respecté la procédure contradictoire avant d'édicter l'arrêté en litige.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Simon,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me G..., représentant la commune de Saint-Vincent-de-Barbeyrargues.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Saint-Vincent-de-Barbeyrargues fait appel du jugement du 16 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 11 septembre 2015 par lequel son maire a refusé de délivrer à M. A... un permis de construire en vue d'édifier une maison individuelle et une piscine sur un terrain situé lieu-dit Chemin de Poulaillou.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Pour prendre l'arrêté du 11 septembre 2015, le maire de Saint-Vincent-de-Barbeyrargues s'est fondé, d'une part, sur la circonstance que le projet méconnaissait les dispositions générales du plan d'occupation des sols qui se réfère en particulier à l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme (anciennement article R. 111-4) au regard du risque pour la sécurité des usagers du chemin du Poulaillou dès lors que la sortie du terrain sur ce chemin est encadrée par deux murs dont le mur nord qui empêche toute visibilité, d'autre part, sur la méconnaissance des dispositions des articles IINA1 et IINA2 du plan d'occupation des sols dans la mesure où l'exhaussement du sol situé sur la partie non imperméabilisée au sud du terrain dont le rôle est de dévier une partie des eaux de ruissellement n'est pas nécessaire à l'habitation et, enfin, sur la circonstance que le projet ne respecte pas les termes de la convention passée par le pétitionnaire avec la coopérative d'électricité de Saint-Martin-de-Londres par laquelle il s'est engagé à ne pas modifier le terrain.

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme, dans sa version en vigueur depuis le 1er octobre 2007, prévoit que : " Le projet peut être refusé sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à son importance ou à la destination des constructions ou des aménagements envisagés, et notamment si les caractéristiques de ces voies rendent difficile la circulation ou l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie. Il peut également être refusé ou n'être accepté que sous réserve de prescriptions spéciales si les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant ces accès. Cette sécurité doit être appréciée compte tenu, notamment, de la position des accès, de leur configuration ainsi que de la nature et de l'intensité du trafic. ". Les dispositions générales du plan d'occupation des sols de Saint-Vincent-de-Barbeyrargues renvoient " aux articles d'ordre public du règlement national d'urbanisme ", notamment à " l'article R. 111-4 : desserte (sécurité des usagers) - accès - stationnement ". Ainsi, les auteurs du document d'urbanisme ont exprimé la volonté d'appliquer les dispositions du règlement national d'urbanisme, désormais codifiées à l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme, même si ces dernières ne sont plus d'ordre public depuis l'adoption du plan d'occupation des sols.

4. Il ressort des pièces du dossier que l'accès à la parcelle de M. A... est bordé en son côté sud par un mur d'une hauteur allant de 80 à 90 cm surmonté d'un grillage avec un maillage qui n'est pas de nature à obstruer la vue. Si, en son côté nord, il est bordé par un mur d'une hauteur de deux mètres, il ressort du dossier de demande de permis de construire que le pétitionnaire a prévu de procéder à la pose d'un miroir en face de cet accès pour remédier au problème de visibilité. Les autorisations d'urbanisme étant délivrées sous réserve des droits des tiers, la commune ne peut utilement se prévaloir du fait que le propriétaire du fonds d'en face lui a indiqué le 6 décembre 2017 être opposé à la pose d'un miroir sur son mur. Par ailleurs, cet accès débouche sur le chemin du Poulaillou qui est une voie en ligne droite avec une faible pente d'une largeur variant entre 5 m 86 et 6 m 31 où la visibilité est bonne et il n'est pas établi par les pièces du dossier que la voie serait particulièrement fréquentée alors qu'elle ne dessert que les propriétaires riverains des villas voisines, implantées sur de vastes parcelles. Dans ces conditions, et eu égard à la limitation de vitesse sur ce chemin, le maire a commis une erreur d'appréciation en refusant le permis sollicité au motif de l'atteinte à la sécurité publique qu'impliquerait la dangerosité de l'accès au terrain d'assiette.

5. En deuxième lieu, aux termes des articles IINA1 et IINA2 du plan d'occupation des sols de Saint-Vincent-de-Barbeyrargues, seuls sont admis " les affouillements et exhaussements du sol nécessaires à la réalisation d'un projet admis dans cette zone " et en vertu de l'article IINA4, les aménagements doivent permettre l'écoulement des eaux pluviales et leur recueil par le réseau public ou par des dispositifs privés appropriés.

6. Contrairement à ce que soutient la commune, il ressort du dossier de demande de permis que l'exhaussement du sol situé sur la partie non imperméabilisée au sud du terrain dont le rôle est de dévier une partie des eaux de ruissellement est nécessaire à la réalisation du projet. Si la commune soutient que ledit remblai serait trop important, cette circonstance n'est aucunement établie par la requérante.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique. ". Il résulte de ces dispositions que le permis de construire, délivré sous réserves des droits des tiers, a seulement pour objet de vérifier la conformité du projet aux règles d'urbanisme et non, en principe, sa conformité aux autres règlementations ou aux règles de droit privé. Ainsi, le maire de Saint-Vincent-de-Barbeyrargues, et alors que la commune ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que l'arrêté du 10 février 2015 portant opposition à la déclaration préalable de lotissement indiquait que toute demande d'autorisation de construire devra obligatoirement respecter les prescriptions émises par la coopérative d'électricité de Saint-Martin-de-Londres et dans les conventions antérieurement conclues avec elles, a commis une erreur de droit en fondant son refus sur la convention privée liant le pétitionnaire au distributeur du réseau électrique basse tension.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme : " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet " et que " l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés. ".

9. La commune doit être regardée comme sollicitant une substitution de motifs fondée sur la méconnaissance les dispositions de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme. Toutefois, la requérante ne démontre pas que la réalisation du projet impliquerait des travaux de raccordement qui excèderaient un simple branchement au réseau existant. Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande de substitution de motifs.

10. Il résulte de ce qui précède que la commune de Saint-Vincent-de-Barbeyrargues n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 11 septembre 2015.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

12. Lorsque le juge annule un refus d'autorisation d'urbanisme après avoir censuré l'ensemble des motifs que l'autorité compétente a énoncés dans sa décision conformément aux prescriptions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ainsi que, le cas échéant, les motifs qu'elle a pu invoquer en cours d'instance, il doit, s'il est saisi de conclusions à fin d'injonction, ordonner à l'autorité compétente de délivrer l'autorisation. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction soit que les dispositions en vigueur à la date de la décision annulée, qui, eu égard aux dispositions de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme demeurent applicables à la demande, interdisent de l'accueillir pour un motif que l'administration n'a pas relevé, ou que, par suite d'un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date de la décision juridictionnelle y fait obstacle.

13. Dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'à la date de la présente décision, des éléments de droit ou de fait nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose un nouveau refus à la demande de M. A..., le présent arrêt, qui confirme l'annulation de l'arrêté du 11 septembre 2015, implique nécessairement que le maire de Saint-Vincent-de-Barbeyrargues délivre à l'intéressé le permis de construire sollicité. Par suite, il y a lieu d'enjoindre audit maire de procéder à cette délivrance dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. A..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à la commune de Saint-Vincent-de-Barbeyrargues la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de ladite commune une somme de 2 000 euros en application de ces mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Saint-Vincent-de-Barbeyrargues est rejetée.

Article 2 : Il est enjoint au maire de Saint-Vincent-de-Barbeyrargues de délivrer à M. A... le permis de construire sollicité dans un délai d'un mois.

Article 3 : La commune de Saint-Vincent-de-Barbeyrargues versera à M. A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Vincent-de-Barbeyrargues et à M. D... A....

Délibéré après l'audience du 27 octobre 2020, où siégeaient :

- M. Chazan, président,

- Mme Simon, président assesseur,

- Mme Carassic, première conseillère.

Lu en audience publique, le 10 novembre 2020.

N° 18MA00221 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA00221
Date de la décision : 10/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Légalité interne du permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: Mme Frédérique SIMON
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SCP MARGALL. D'ALBENAS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-11-10;18ma00221 ?
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