La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/11/2020 | FRANCE | N°18MA05448

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 02 novembre 2020, 18MA05448


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire récapitulatif, enregistrés le 27 décembre 2018 et le 5 novembre 2019, la SAS Digne Distribution, représentée par la SCP Bouyssou et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler le permis de construire délivré le 29 octobre 2018 par le maire de Digne-les-Bains à la société Lidl en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale ;

2°) de mettre à la charge solidaire de la commune de Digne-les-Bains et de la société Lidl la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de

justice administrative.

Elle soutient que :

- la signataire du permis de construire...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire récapitulatif, enregistrés le 27 décembre 2018 et le 5 novembre 2019, la SAS Digne Distribution, représentée par la SCP Bouyssou et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler le permis de construire délivré le 29 octobre 2018 par le maire de Digne-les-Bains à la société Lidl en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale ;

2°) de mettre à la charge solidaire de la commune de Digne-les-Bains et de la société Lidl la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la signataire du permis de construire attaqué ne bénéficiait pas d'une délégation régulière ;

- les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) n'ont pas reçus les documents prévus à l'article R. 722-35 du code de commerce ;

- les signataires des avis exprimés par les ministres chargés du commerce et de l'urbanisme ne bénéficiaient pas d'une délégation régulière ;

- le dossier transmis à la CNAC était incomplet ;

- la CNAC a inexactement apprécié l'impact du projet en matière d'aménagement du territoire ;

- elle a également inexactement apprécié son impact en matière de développement durable ;

- elle a également inexactement apprécié son impact en matière de protection des consommateurs ;

- elle a également inexactement apprécié son impact en matière sociale.

Par un mémoire en défense et un mémoire récapitulatif, enregistrés le 4 septembre 2019 et le 2 janvier 2020 la commune de Digne-les-Bains, représentée par Me H..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête présentée par la SAS Digne Distribution ;

2°) de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la SAS Digne Distribution ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense et un mémoire récapitulatif, enregistrés le 14 mai et le 27 décembre 2019, la société Lidl, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête présentée par la SAS Digne Distribution ;

2°) de mettre à sa charge la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la SAS Digne Distribution ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la Commission nationale de l'aménagement commercial, qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. F...,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la SNC Lidl, et de Me H..., représentant la commune de Digne-les-Bains.

Considérant ce qui suit :

1. La SNC Lidl a demandé le 27 décembre 2017 au maire de Digne-les-Bains un permis de construire un supermarché d'une surface de plancher de 2343,57 mètres carrés et d'une surface de vente de 1423,37 mètres carrés au sein de la zone industrielle Saint-Christophe. La commission départementale d'aménagement commercial des Alpes-de-Haute-Provence a rendu un avis favorable sur le projet le 23 avril 2018. A l'issue de sa séance du 19 juillet 2018, la Commission national d'aménagement commercial (CNAC) a rejeté les recours présentés par la SAS Digne Distribution et la SAS Sodimodis Hypermarché, qui exploitent respectivement des supermarchés sous les enseignes " Intermarché " et " Carrefour " sur le territoire de la commune, et rendu un avis favorable sur le projet de la SNC Lidl. Le maire de Digne-les-Bains a délivré le permis de construire demandé par un arrêté du 29 octobre 2018. La SAS Digne Distribution demande l'annulation de cet arrêté en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

Sur la légalité externe :

2. Mme I... J..., deuxième adjointe, a régulièrement reçu délégation de fonctions et de signature en matière d'urbanisme et d'habitat par un arrêté du maire de Digne-les-Bains du 10 mars 2017. Cet arrêté est devenu exécutoire en application de l'article L. 2131-3 du code général des collectivités territoriales suite à son affichage le 13 mars 2017. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire du permis de construire attaqué doit en conséquence être écarté.

3. Ainsi qu'il ressort de la convocation adressée par le secrétariat général de cette commission, les documents prévus à l'article R. 752-35 du code de commerce ont été mis à la disposition des membres de la CNAC sur une plate-forme de téléchargement cinq jours au moins avant la séance d'examen du dossier. Le moyen tiré de la méconnaissance de cet article manque dès lors en fait.

4. M. G... E..., chef du service tourisme, commerce, artisanat et services et signataire de l'avis du 12 juillet 2018 du ministre en charge du commerce, a reçu délégation de signature à cet effet par un arrêté du 19 septembre 2014 du directeur général des entreprises. Mme B... D..., adjointe à la sous-directrice de la qualité et du développement durable dans la construction et signataire de l'avis du 18 juillet 2018 du ministre chargé de l'urbanisme, a reçu délégation à cet effet par une décision du 20 décembre 2017 du directeur de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages. Ces délégations, d'ailleurs produites au dossier, ont été respectivement publiées au Journal officiel de la République française le 24 septembre 2014 et le 28 décembre 2017. Le moyen tiré de l'incompétence des signataires de ces avis ministériels doit en conséquence être écarté.

Sur la légalité interne :

En ce qui concerne le caractère complet du dossier de demande :

5. En premier lieu, le dossier transmis à la CNAC par la SNC Lidl comporte le " plan faisant apparaître l'organisation du projet sur la ou les parcelles de terrain concernées " prévu au b) du 3° de l'article R. 752-6 du code de commerce dans sa rédaction alors applicable. Ce plan indique clairement la configuration du projet par rapport à son assiette foncière.

6. En deuxième lieu, aucune disposition du même article n'imposait au pétitionnaire de joindre au dossier une déclaration préalable de travaux ayant entraîné une division parcellaire.

7. En troisième lieu, l'aménagement du parking du site du magasin Decathlon pour permettre l'accès à celui du projet se rapporte aux modalités d'accès immédiat au site, et non à sa desserte par les axes de circulation et les moyens de transport. La SAS Digne Distribution ne peut utilement soutenir que les dispositions du g) du 4° de l'article R. 752-6, qui porte sur les aménagements envisagés de la desserte du projet, auraient imposé de joindre au dossier de demande des documents garantissant le financement et la réalisation effective d'un tel aménagement à la date d'ouverture de l'équipement commercial.

8. Il suit de là que le moyen tiré du caractère incomplet du dossier de demande doit être écarté.

En ce qui concerne l'objectif d'aménagement du territoire :

9. En premier lieu, le projet est situé le long de l'axe principal menant à la commune de Digne-les-Bains, à six kilomètres du centre-ville, dans une zone dédiée aux activités économiques et à proximité du centre hospitalier. La zone de chalandise, concernant les consommateurs résidant à moins de dix minutes en voiture, comprend 20 748 personnes. Contrairement à ce que soutient la société requérante, le critère relatif à l'animation de la vie urbaine n'implique pas que le projet soit nécessairement situé en centre-ville ou à proximité de celui-ci. En outre, si la commune de Digne-les-Bains, d'un faible dynamisme démographique, se caractérise par un taux structurellement élevé de vacance des commerces, compris entre 10 et 15 %, que la commune a été bénéficiaire d'une subvention du fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce (FISAC) et qu'elle est inscrite au plan " Action Coeur de ville ", il n'est pas établi que le projet contesté, compte tenu des grandes surfaces existant dans un rayon plus rapproché du centre - dont deux hypermarchés -, soit de nature à fragiliser le commerce alimentaire de centre-ville, essentiellement constitué de boulangeries et de boucheries.

10. En deuxième lieu, la CNAC, pour considérer que le projet était compact, a retenu que celui-ci portait sur la création d'un supermarché Lidl adjacent à un magasin Décathlon avec lequel le parc de stationnement, de quatre-vingt-quinze places, était mutualisé, et que les locaux techniques étaient installés en étage. Le seul fait que le terrain d'assiette soit non construit et partiellement boisé ne suffit pas pour considérer que le projet ne respecterait pas une consommation autonome de l'espace, notamment en termes de stationnement. Ce critère n'impose pas de réhabiliter une friche préexistante.

11. En troisième lieu, les critiques de la société requérante relatives à l'aménagement du parking du supermarché et à celui de la zone de livraison sont étrangères à l'appréciation portée par la CNAC quant à l'effet du projet sur les flux de transports, et, partant, sur le respect de l'objectif d'aménagement du territoire. Les allégations quant aux effets du projet sur les flux de véhicules aux heures de pointe et la sous-estimation du flux de véhicules de livraison ne sont pas établies par les pièces du dossier. Le site est desservi par deux lignes de bus régionales et une ligne de bus communale. Si les accès au site ne comportent que partiellement des trottoirs et pas de piste cyclable, l'insuffisance des modes de transport doux ne saurait justifier à elle seule le refus d'accorder l'autorisation sollicitée.

12. Il suit de là que le moyen tiré de ce que le projet porte atteinte à l'objectif d'aménagement du territoire doit être écarté.

En ce qui concerne l'objectif de développement durable :

13. En premier lieu, la CNAC a retenu que le site comptera 5 041 mètres carrés d'espaces verts, que la plantation d'arbres est prévue pour densifier l'espace boisé du terrain d'assiette, que soixante-dix-neuf places de stationnement seront perméables, de type " Evergreen ", que le bâtiment comportera une toiture photovoltaïque de 500 mètres carrés, et que ses performances énergétiques seront supérieures à celles imposées par la réglementation thermique 2012. Contrairement à ce que soutient la société requérante, le fait que certaines de ces mesures soient destinées à respecter des prescriptions d'urbanisme n'exclut pas leur prise en compte par la commission. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les conditions de traitement des eaux pluviales et la réalisation de travaux nécessitant une autorisation au titre de la loi sur l'eau soulèvent une difficulté pouvant caractériser une atteinte à l'objectif de développement durable.

14. En deuxième lieu, le projet, dépourvu d'intérêt architectural particulier, est situé dans une zone industrielle comportant d'autres bâtiments similaires. La circonstance qu'il présente une co-visibilité avec la route nationale qui le dessert, ainsi qu'avec plusieurs montagnes environnantes - dans une vallée des Alpes-du-Sud -, ne suffit pas pour retenir que l'insertion paysagère et architecturale du projet porterait atteinte à l'objectif de développement durable.

15. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'utilisation normale du parc de stationnement par des véhicules à moteur puisse être regardée comme à l'origine de nuisances de toute nature pour l'environnement proche.

16. Il suit de là que le moyen tiré de ce que le projet porte atteinte à l'objectif de développement durable doit être écarté.

En ce qui concerne l'objectif de protection des consommateurs :

17. En premier lieu, l'argumentation de la société requérante quant à la revitalisation du tissu commercial et à la préservation des centres urbains est identique à celle relative à l'animation de la vie urbaine. Il convient de l'écarter par les mêmes motifs que ceux figurant au point 9.

18. En deuxième lieu, la commission, à laquelle il n'appartient pas de se substituer aux autorités compétentes pour apprécier la conformité du projet aux règles d'urbanisme, telles que le plan de prévention des risques naturels, s'est attachée à vérifier des précautions prises par le pétitionnaire concernant le risque inondation. Elle a pu valablement se fonder sur le fait que le premier plancher du bâtiment serait construit vingt centimètres au-dessus du niveau des plus hautes eaux de la Bléone pour estimer que l'objectif relatif à la protection des consommateurs était respecté concernant le risque d'inondation par écoulement torrentiel. Le risque d'inondation par ruissellement de versant n'est pas établi compte tenu de la configuration du site.

19. Il suit de là que le moyen tiré de ce que le projet porte atteinte à l'objectif de protection des consommateurs doit être écarté.

En ce qui concerne la contribution du projet en matière sociale :

20. La CNAC ne s'est pas fondée sur la contribution du projet en matière sociale à titre accessoire. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du II de l'article L. 752-6 du code de commerce est en conséquence inopérant.

21. Il résulte de ce qui précède que la SAS Digne Distribution n'est pas fondée à demander l'annulation du permis de construire délivré le 29 octobre 2018 par le maire de Digne-les-Bains à la société Lidl en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

Sur les frais liés au litige :

22. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la SAS Digne Distribution le versement de la somme de 3 000 euros chacune à la commune de Digne-les-Bains et à la SNC Lidl au titre des frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés.

23. La commune de Digne-les-Bains et la SNC Lidl ne sont pas parties perdantes dans la présente instance. Les dispositions de cet article font ainsi obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la SAS Digne Distribution sur le même fondement.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Digne Distribution est rejetée.

Article 2 : La SAS Digne Distribution versera à la commune de Digne-les-Bains et à la société Lidl la somme de 3 000 euros chacune en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Digne Distribution, à la commune de Digne-les-Bains, à la société Lidl, à la Commission nationale d'aménagement commercial et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2020, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- M. F..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 2 novembre 2020.

2

No 18MA05448


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA05448
Date de la décision : 02/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. Réglementation des activités économiques. Activités soumises à réglementation. Aménagement commercial.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : SCP BOUYSSOU ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-11-02;18ma05448 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award