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16/10/2020 | FRANCE | N°18MA03542

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 16 octobre 2020, 18MA03542


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Lara Holding a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la commune de Nîmes à lui verser à titre indemnitaire la somme de 23 208,60 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de sa réclamation préalable.

Par un jugement n° 1601260 du 29 mai 2018, le tribunal administratif de Nîmes a, à l'article 1er, condamné la commune de Nîmes à verser à la société Lara Holding la somme de 11 604,30 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter

du 13 avril 2016 et, à l'article 2, rejeté le surplus des conclusions de la société Lara Hold...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Lara Holding a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la commune de Nîmes à lui verser à titre indemnitaire la somme de 23 208,60 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de sa réclamation préalable.

Par un jugement n° 1601260 du 29 mai 2018, le tribunal administratif de Nîmes a, à l'article 1er, condamné la commune de Nîmes à verser à la société Lara Holding la somme de 11 604,30 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 avril 2016 et, à l'article 2, rejeté le surplus des conclusions de la société Lara Holding.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2018, sous le n° 18MA03542, la société Lara Holding, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 mai 2018 du tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il a déchargé pour moitié la commune de Nîmes de sa responsabilité ;

2°) de condamner la commune de Nîmes à lui verser la somme de 23 208,60 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de sa réclamation préalable ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Nîmes la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- Le tribunal a statué au-delà des conclusions de la commune de Nîmes en procédant à un partage de responsabilité ;

- elle n'a commis aucune négligence ;

- le fait qu'elle ne se soit pas rendu compte de l'erreur de superficie est sans lien avec le préjudice qui trouve sa seule source dans l'erreur de métrage de la commune ;

- sa demande est recevable ;

- en application des articles 1er et 3 de la loi du 31 décembre 1968, la prescription a commencé à courir à compter du 1er janvier 2016 ;

- la commune de Nîmes a reconnu son erreur de métrage par arrêté du 10 mars 2015 ;

- sa créance est évaluée à la somme de 23 208,60 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2020, la commune de Nîmes, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête de la société Lara Holding et, par la voie de l'appel incident, demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement du 29 mai 2018 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) de rejeter la demande de la société Lara Holding ;

3°) à titre subsidiaire, de confirmer ce jugement du 29 mai 2018 ;

4°) de mettre à la charge de la société Lara Holding la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance de la société Lara Holding était irrecevable dès lors que les titres exécutoires sont devenus définitifs et la requérante était forclose à demander, en 2016, la restitution des sommes indument perçues ;

- les moyens soulevés par la société Lara Holding ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 8 juillet 2020, la clôture d'instruction a été fixée le même jour.

Un mémoire présenté pour la société Lara Holding a été enregistré le 11 septembre 2020, postérieurement à la clôture d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., pour la société Lara Holding et de Me B... pour la commune de Nîmes.

Considérant ce qui suit :

1. La société Lara Holding, qui exploite un restaurant à l'enseigne " Chez Hubert " situé 2 boulevard des Arènes à Nîmes, a été autorisée par la commune à installer sur le domaine public une véranda ainsi qu'une terrasse, en contrepartie du versement d'une redevance déterminée en fonction de la superficie occupée. Estimant avoir acquitté au titre des années 2006 à 2014 une redevance d'un montant supérieur à la surface réelle de sa véranda, la société Lara Holding a demandé, par une réclamation préalable du 13 avril 2016, à la commune de Nîmes de lui verser la somme de 23 208,60 euros due au titre de ce trop perçu qui a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. La société Lara Holding relève appel du jugement du 29 mai 2018 en tant que le tribunal administratif de Nîmes a déchargé pour moitié la commune de Nîmes de sa responsabilité et a condamné la collectivité à lui verser seulement la somme de 11 604,30 euros. Elle doit ainsi être regardée comme demandant l'annulation de l'article 2 du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions. La commune de Nîmes est seulement fondée à demander à la Cour l'annulation de l'article 1er de ce jugement par lequel le tribunal l'a condamnée à verser à la société Lara Holding la somme de 11 604,30 euros assortie des intérêts au taux légal.

Sur la régularité du jugement attaqué :

En ce qui concerne le moyen tiré de ce que le tribunal a statué au-delà des conclusions qui lui étaient soumises :

2. Si la société Lara Holding soutient que les premiers juges ont statué ultra petita en retenant un partage de responsabilité qui n'était pas invoqué par la commune de Nîmes, il ressort des écritures de cette dernière qu'elle a fait valoir devant le tribunal que le métrage était parfaitement connu de la société requérante qui était donc informée de la superficie prise en compte et qu'étant propriétaire de la véranda, elle devait légitimement en connaître les dimensions. Ainsi, les premiers juges ont pu, en application de leur pouvoir d'interprétation, estimé que la commune de Nîmes se prévalait de la négligence fautive commise par la société Lara Holding.

Sur l'irrecevabilité de la demande de première instance soulevée par la commune de Nîmes :

3. L'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales dispose que : " L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite ". Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le non-respect de l'obligation d'informer le débiteur sur les voies et délais de recours, prévue par l'article R. 421-5 du code de justice administrative, ou l'absence de preuve d'une telle information, est de nature à faire obstacle à ce que le délai de forclusion de deux mois prévu par l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales soit opposable.

4. Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci en a eu connaissance. Dans cette hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. S'agissant des titres exécutoires, sauf circonstances particulières dont se prévaudrait son destinataire, le délai raisonnable ne saurait excéder un an à compter de la date à laquelle le titre, ou à défaut, le premier acte procédant de ce titre ou un acte de poursuite a été notifié au débiteur ou porté à sa connaissance.

5. La règle énoncée ci-dessus, qui a pour seul objet de borner dans le temps les conséquences de la sanction attachée au défaut de mention des voies et délais de recours, ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours, mais tend seulement à éviter que son exercice, au-delà d'un délai raisonnable, ne mette en péril la stabilité des situations juridiques et la bonne administration de la justice, en exposant les défendeurs potentiels à des recours excessivement tardifs. Il appartient, dès lors, au juge administratif d'en faire application au litige dont il est saisi, quelle que soit la date des faits qui lui ont donné naissance.

6. Par ailleurs, l'expiration du délai permettant d'introduire un recours en annulation contre une décision expresse dont l'objet est purement pécuniaire fait obstacle à ce que soient présentées des conclusions indemnitaires ayant la même portée.

7. Il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que la société Lara Holding a eu connaissance des titres exécutoires émis au titre des années 2006 à 2014 par la commune de Nîmes en vue du recouvrement des droits de place au titre de la véranda du restaurant " Chez Hubert " au plus tard aux dates auxquelles elle a réglé les sommes mises à sa charge par ces titres et en dernier lieu le 31 décembre 2014 et n'a exercé aucun recours juridictionnel à leur encontre. Ainsi, il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 6 que ces titres exécutoires qui ont un objet exclusivement pécuniaire étaient devenus définitifs, alors même que les voies et délais de recours les concernant n'auraient pas été régulièrement notifiés, à la date à laquelle la société Lara Holding a formé sa demande indemnitaire préalable du 13 avril 2016 laquelle était tardive. Par suite, ses conclusions présentées le 14 avril 2016 devant le tribunal administratif de Nîmes, par lesquelles elle a demandé au tribunal de condamner la commune de Nîmes à lui verser la somme de 23 208,60 euros correspondant à un indû de trop perçu par la collectivité au titre de ces redevances sur cette même période, qui ont la même portée que celles qui auraient contesté ces titres exécutoires, ne sont pas recevables.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Lara Holding n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté le surplus de ses conclusions. Par ailleurs, la commune de Nîmes est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er de ce jugement, le tribunal administratif de Nîmes l'a condamnée à verser à la société Lara Holding la somme de 11 604,30 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 avril 2016.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Nîmes, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la société Lara Holding au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Nîmes présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : L'article 1er du jugement du 29 mai 2018 du tribunal administratif de Nîmes est annulé.

Article 2 : La demande de la société Lara Holding présentée devant le tribunal administratif de Nîmes et le surplus de ses conclusions sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Nîmes présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Lara Holding et à la commune de Nîmes.

Délibéré après l'audience du 2 octobre 2020, où siégeaient :

- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Coutier, premier conseiller,

- Mme E..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 16 octobre 2020.

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N° 18MA03542

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA03542
Date de la décision : 16/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Domaine - Domaine public - Régime - Occupation - Utilisations privatives du domaine - Redevances.

Procédure - Introduction de l'instance - Délais.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité et illégalité - Illégalité engageant la responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : M. GUIDAL
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS BLANC - TARDIVEL

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-10-16;18ma03542 ?
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