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15/10/2020 | FRANCE | N°19MA03176

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 15 octobre 2020, 19MA03176


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... et Sandra G..., agissant tant en leurs noms propres qu'en celui de leur fille mineure B... G..., ont demandé au tribunal administratif de Bastia, à titre principal, de condamner le centre hospitalier de Bastia à leur verser une somme globale de 236 190,17 euros en réparation des conséquences dommageables de la prise en charge de B... par cet établissement le 3 juin 2012, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale, et à titre infiniment subsidiaire, de condamner le centre hospital

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... et Sandra G..., agissant tant en leurs noms propres qu'en celui de leur fille mineure B... G..., ont demandé au tribunal administratif de Bastia, à titre principal, de condamner le centre hospitalier de Bastia à leur verser une somme globale de 236 190,17 euros en réparation des conséquences dommageables de la prise en charge de B... par cet établissement le 3 juin 2012, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale, et à titre infiniment subsidiaire, de condamner le centre hospitalier de Bastia à leur verser une somme globale de 68 953,77 euros en réparation de ces conséquences dommageables.

Par un jugement n° 1701110 du 29 mai 2019, le tribunal administratif de Bastia a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 juillet 2019, M. et Mme G..., représentés par Me C... E..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia du 29 mai 2019 ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Bastia à leur verser la somme de 236 190,17 euros ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale ;

4°) à titre infiniment subsidiaire, de condamner le centre hospitalier de Bastia à leur verser la somme de 68 953,77 euros ;

5°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Bastia la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les premiers juges n'ont pas répondu à certains arguments ;

- le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de motifs ;

- la responsabilité pour faute du centre hospitalier de Bastia est engagée en l'absence de fente du plâtre plus tôt ;

- ils sont par suite fondés à demander, au nom de leur fille B..., réparation à hauteur de 111 408 euros au titre de l'assistance par une tierce personne de façon viagère, trois heures par jour du 3 juin 2012 au 17 janvier 2017, 3 000 euros au titre du préjudice scolaire, 12 328,40 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 15 000 euros au titre des souffrances endurées, qui ont été évaluées à 5,5 sur une échelle de 7, 52 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 6 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent, qui a été évalué à 3,5 sur une échelle de 7, et 10 000 euros au titre du préjudice d'agrément résultant de l'impossibilité de pratiquer dans le futur certaines activités sportives ;

- en outre, ils sont fondés à demander chacun une somme de 10 000 euros en réparation de leur préjudice moral, ainsi qu'une somme de 6 453,77 euros en réparation des frais divers qu'ils ont engagés ;

- il convient de réserver l'indemnisation relative à la perte de gains professionnels futurs, à l'incidence professionnelle et aux frais de véhicule adapté ;

- à titre subsidiaire, il pourra être ordonné une expertise médicale afin de procéder à l'évaluation des préjudices ;

- à titre infiniment subsidiaire, ils sollicitent, outre les sommes demandées au titre de leurs préjudices propres, 6 000 euros au titre des souffrances endurées, 25 000 euros en réparation du déficit fonctionnel permanent, 1 500 euros au titre du préjudice esthétique permanent et 10 000 euros au titre du préjudice d'agrément.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 mai 2020, le centre hospitalier de Bastia, représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme G... ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme H...,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me D... substituant Me C..., représentant M. et Mme G....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme G..., agissant tant en leurs noms propres qu'en qualité de représentants légaux de leur fille B..., née le 23 août 2007, relèvent appel du jugement du 29 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Bastia à leur verser la somme de 236 190,17 euros en réparation des conséquences dommageables de la prise en charge de B... par cet établissement le 3 juin 2012 à la suite de l'accident lui ayant occasionné une fracture supra-condylienne déplacée du coude gauche, à titre subsidiaire, à ce qu'une expertise médicale soit ordonnée, et à titre infiniment subsidiaire, à la condamnation de ce même établissement à leur verser la somme de 68 953,77 euros.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, il résulte des termes mêmes du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'avaient pas à répondre à l'ensemble des arguments avancés par les requérants, ont suffisamment motivé leur décision quant à l'absence d'engagement de la responsabilité du centre hospitalier de Bastia. D'autre part, l'existence, à la supposer établie, d'une contradiction de motifs ne constitue pas un moyen de régularité du jugement mais est relative à son bien-fondé.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes du premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ".

4. Les deux rapports médicaux produits par les requérants, dont l'un se borne à citer des passages hors contexte des rapports établis par l'expert judiciaire désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Bastia les 11 février 2014 et 4 août 2015 pour en tirer des conclusions hâtives et l'autre comporte des informations qui, à l'évidence, concernent un autre patient que la jeune B..., ne peuvent être regardés comme constituant une critique sérieuse de ces rapports d'expertise judiciaire.

5. Il résulte de l'instruction, en particulier des rapports des 11 février 2014 et 4 août 2015 mentionnés au point précédent, que le chirurgien du centre hospitalier de Bastia a constaté, au début de l'intervention d'ostéosynthèse pratiquée conformément aux règles de l'art le 3 juin 2012 vers 21h30, une ischémie avec perte de coloration capillaire sous unguéale et absence de pouls radial puis, à la suite de cette intervention, la réapparition du pouls radial, la disparition de l'ischémie clinique et une paralysie aiguë et partielle des nerfs médian, radial et cubital de l'avant-bras et de la main gauches.

6. Il résulte également de l'instruction que lors de l'examen clinique effectué le 4 juin 2012, soit le lendemain de l'intervention, aucun trouble de la sensibilité et de la mobilité des doigts n'a été constaté. Ainsi, et malgré un hématome à l'épaule dont la présence peut constituer le signe d'une ischémie, mais qu'il était permis d'interpréter comme normale dès lors que l'enfant était couchée sur le dos, et d'une enflure du bras, également classique à la suite d'une telle intervention chirurgicale, il a pu être légitimement considéré qu'il n'existait pas, à ce moment, d'indication à fendre la résine brachio-anti-brachio-palmaire circulaire d'immobilisation, laquelle a été retirée le lendemain immédiatement après que l'enfant se fut plainte de ne plus sentir son pouce gauche.

7. La perte de chance d'échapper à l'aggravation d'un état pathologique n'est susceptible d'ouvrir droit à indemnisation à la charge du service public hospitalier que dans l'hypothèse où cette aggravation résulte d'un acte de prévention, de diagnostic ou de soin présentant un caractère fautif. En l'espèce, s'il peut être admis, ainsi que l'expert l'a relevé, que le retrait de la résine dès l'apparition de l'hématome, soit le 4 juin 2012, aurait amélioré les chances de l'enfant d'échapper aux conséquences de l'ischémie dont elle a souffert, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que, eu égard au tableau clinique qu'elle présentait alors, la décision de ne pas procéder à l'ablation de la résine dès cette date n'a pas revêtu de caractère fautif. Il suit de là que le tribunal a pu, sans entacher son raisonnement de contradiction, tout à la fois relever que la jeune B... avait perdu une chance d'échapper aux conséquences de l'ischémie dont elle a été victime et juger qu'en l'absence de faute du service public hospitalier, cette perte de chance n'était pas de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Bastia.

8. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de prescrire une nouvelle expertise, M. et Mme G... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme G... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... et Sandra G..., au centre hospitalier de Bastia et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020, où siégeaient :

- M. Alfonsi, président de chambre,

- Mme H..., présidente assesseure,

- M. Sanson, conseiller.

Lu en audience publique, le 15 octobre 2020.

5

N° 19MA03176


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux. Absence de faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public. Diagnostic.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Karine JORDA-LECROQ
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 15/10/2020
Date de l'import : 05/11/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19MA03176
Numéro NOR : CETATEXT000042434076 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-10-15;19ma03176 ?
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