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13/10/2020 | FRANCE | N°18MA03038

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 13 octobre 2020, 18MA03038


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... B... née A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 15 mars 2018 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par l'article 2 du jugement n° 1801621 du 17 mai 2018, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 26 juin 2018, Mme B..., représentée par

Me E..., demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... B... née A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 15 mars 2018 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par l'article 2 du jugement n° 1801621 du 17 mai 2018, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 26 juin 2018, Mme B..., représentée par Me E..., demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler l'article 2 du jugement du 17 mai 2018 du magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier ;

3°) d'annuler l'arrêté du 15 mars 2018 du préfet des Pyrénées-Orientales ;

4°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de lui délivrer dans l'attente un récépissé de demande de titre de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, qui sera versée à Me E... en cas d'obtention de l'aide juridictionnelle en contrepartie de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Elle soutient que :

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- elle a été privée de son droit à être entendue avant l'édiction de la décision en litige ;

- elle ne peut pas légalement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en application du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision en litige méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur le pays de destination :

- cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet s'est cru à tort lié par la décision de la CNDA.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 août 2018, le préfet des Pyrénées-Orientales conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 13 juillet 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., de nationalité albanaise, est entrée le 10 avril 2017 en France avec son époux. Elle a déposé le 24 mai 2017 une demande d'asile à la préfecture des Pyrénées-Orientales. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande par décision du 29 août 2017, confirmée le 17 janvier 2018 par la Cour nationale du droit d'asile. Par l'arrêté en litige du 15 mars 2018, le préfet lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. La requérante relève appel de l'article 2 du jugement du 17 mai 2018 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 mars 2018.

Sur les conclusions de la requérante tendant à l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Par décision du 13 juillet 2018, Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, ses conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sont devenues sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, la requérante, en se bornant à soutenir qu'elle "a été mise dans l'impossibilité de faire valoir des éléments lui permettant de prétendre à un titre de séjour à un autre titre" devant le préfet, qui n'était pas tenu d'examiner d'office l'état de santé de son mari ou de la requérante en tant qu'"accompagnante" de son époux ou de saisir pour avis le collège de médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) en l'absence de toute information en ce sens apportée par Mme B... lors de l'instruction de sa demande d'asile, n'établit pas que son droit d'être entendue avant l'édiction de la décision en litige aurait été méconnu.

4. En deuxième lieu, le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ". La requérante, entrée depuis un an en France à la date de la décision en litige, ne peut être regardée comme résidant habituellement en France au sens du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En tout état de cause, Mme B... n'établit pas, en se bornant à produire des pièces médicales relatives à l'état de santé de son mari sans même sérieusement soutenir que cet état de santé rendrait sa présence indispensable à ses côtés, que son propre état de santé nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité au sens du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet a pu, sans méconnaître ces dispositions, prendre la mesure d'éloignement en litige.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

6. En se bornant à invoquer, sans apporter aucune précision, sa prétendue qualité d'"accompagnante" de son mari dont l'état de santé lui permettrait selon elle de bénéficier de la protection prévue par le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile cité au point 4 du présent arrêt, la requérante n'établit pas que le préfet aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en prenant à son égard la mesure d'éloignement en litige. En tout état de cause, la Cour par arrêt n° 18MA03037 du 13 octobre 2020 a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de la mesure d'éloignement datée du même jour prise à son encontre.

En ce qui concerne le pays de destination :

7. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Ces dispositions font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.

8. Mme B..., dont la demande d'asile a été au demeurant rejetée par l'OFPRA et la CNDA qui ont estimé ses déclarations sommaires et dépourvues d'éléments tangibles, se borne à soutenir qu'elle encourt des risques en cas de retour en Albanie au motif que, malgré une protection policière qui s'est révélée insuffisante, elle serait ainsi que son époux la cible d'une "vendetta" d'une autre famille en Albanie à la suite d'une rixe au cours de laquelle son fils, désormais entré en clandestinité au Kosovo, aurait blessé le fils de cette autre famille qui lui demanderait désormais réparation selon la loi du "kanun" sous peine de vengeance. La requérante se contente de produire à l'instance des rapports et des articles de journaux sur la situation générale de l'Albanie en ce qui concerne la "vendetta albanaise", qui ne permettent pas d'établir l'existence d'un risque actuel et personnel de Mme B... d'être exposée à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, en désignant l'Albanie ou tout autre pays pour lequel la requérante établit être légalement admissible comme pays de destination de la mesure d'éloignement, le préfet des Pyrénées-Orientales, qui ne s'est pas cru à tort lié par la décision de la CNDA, n'a ainsi méconnu, ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le premier juge a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme B... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le surplus des conclusions de Mme B... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... B... née A..., au ministre de l'intérieur et à Me D... E....

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2020, où siégeaient :

- M. Chazan, président de chambre,

- Mme C..., première conseillère,

- M. Mouret, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 octobre 2020.

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N° 18MA03038


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SUMMERFIELD TARI

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Date de la décision : 13/10/2020
Date de l'import : 18/10/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18MA03038
Numéro NOR : CETATEXT000042423655 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-10-13;18ma03038 ?
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