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02/10/2020 | FRANCE | N°18MA03225

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 02 octobre 2020, 18MA03225


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les associations France Nature Environnement Bouches-du-Rhône (FNE 13) et Nature et Citoyenneté Crau Camargue Alpilles (NACICCA) ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 26 juin 2015 par lequel la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a accordé à la société consortium d'investissements et de placements mobiliers (CIPM International) une dérogation à l'interdiction de destruction, altération ou dégradation de sites de reproduction ou d'aires

de repos de l'aigle de Bonelli et de l'outarde canepetière, en vue de la réali...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les associations France Nature Environnement Bouches-du-Rhône (FNE 13) et Nature et Citoyenneté Crau Camargue Alpilles (NACICCA) ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 26 juin 2015 par lequel la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a accordé à la société consortium d'investissements et de placements mobiliers (CIPM International) une dérogation à l'interdiction de destruction, altération ou dégradation de sites de reproduction ou d'aires de repos de l'aigle de Bonelli et de l'outarde canepetière, en vue de la réalisation d'un parc photovoltaïque sur le territoire de la commune de Lançon-Provence, ensemble la décision implicite de rejet de leur recours gracieux du 21 septembre 2015.

Par un jugement n° 1600540 du 31 mai 2018, le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté du 26 juin 2015 et la décision implicite de rejet du recours gracieux du 21 septembre 2015.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2018, sous le n° 18MA03225, la société Consortium d'investissements et de placements mobiliers (CIPM International), représentée par Me A... demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 31 mai 2018 ;

2°) de rejeter les demandes des associations France Nature Environnement Bouches-du-Rhône et Nature et Citoyenneté Crau Camargue Alpilles ;

3°) de mettre à la charge des associations France Nature Environnement Bouches- du-Rhône et Nature et Citoyenneté Crau Camargue Alpilles la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a commis une erreur de droit et de fait dès lors que l'article L. 411-2 du code de l'environnement ne présente aucun critère de recherche relatif aux " solutions alternatives satisfaisantes " et qu'une telle recherche a été effectuée ;

- les dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 n'ont pas été méconnues ;

- les conditions fixées par l'article L. 411-2 du code de l'environnement sont remplies.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 août 2020, les associations France Nature Environnement Bouches-du-Rhône (FNE 13) et Nature et Citoyenneté Crau Camargue Alpilles (NACICCA), représentées par Me B..., concluent au rejet de la requête de la société CIPM International et demandent à la Cour de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la requête de la société CIPM International est irrecevable dès lors qu'elle n'a ni intérêt ni qualité pour interjeter appel du jugement attaqué ;

- les moyens soulevés par la société CIPM International ne sont pas fondés.

Le mémoire présenté pour la société CIPM International, enregistré le 4 septembre 2020, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me A... pour la société Consortium d'investissements et de placements mobiliers.

Une note en délibéré présentée pour la société Consortium d'investissements et de placements mobiliers a été enregistrée le 22 septembre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. La société Consortium d'investissements et de placements mobiliers (CIPM International) relève appel du jugement du 31 mai 2018 du tribunal administratif de Marseille qui a annulé l'arrêté du 26 juin 2015 par lequel la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a accordé à la société CIPM International une dérogation à l'interdiction de destruction, altération ou dégradation de sites de reproduction ou d'aires de repos de l'aigle de Bonelli et de l'outarde canepetière, en vue de la réalisation d'un parc photovoltaïque sur le territoire de la commune de Lançon-Provence, ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux du 21 septembre 2015.

Sur la qualité à agir en première instance des associations France Nature Environnement Bouches-du-Rhône (FNE 13) et Nature et Citoyenneté Crau Camargue Alpilles (NACICCA) :

2. Il ressort des pièces du dossier que les associations France Nature Environnement Bouches-du-Rhône (FNE 13) et Nature et Citoyenneté Crau Camargue Alpilles (NACICCA) ont produit, en première instance, deux délibérations des 9 octobre 2015 et 10 février 2018 par lesquelles leur conseil d'administration les a autorisées à agir en justice afin de demander l'annulation de l'arrêté contesté. Par suite, elles avaient qualité pour agir à l'encontre de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Le I de l'article L. 411-1 du code de l'environnement comporte un ensemble d'interdictions visant à assurer la conservation d'espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats. Sont ainsi interdits en vertu du 1° du I de cet article : " La destruction ou l'enlèvement des oeufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ". Sont interdits en vertu du 2° du I du même article : " La destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel ". Sont interdits en vertu du 3 du I du même article : " La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces ". Toutefois, le 4° du I de l'article L. 411-2 du même code permet à l'autorité administrative de délivrer des dérogations à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant à l'absence de solution alternative satisfaisante, à la condition de ne pas nuire " au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle " et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs qu'il énumère limitativement, dont celui énoncé au c) qui mentionne " l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ", " d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique " et " les motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'un projet d'aménagement ou de construction d'une personne publique ou privée susceptible d'affecter la conservation d'espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats ne peut être autorisé, à titre dérogatoire, que s'il répond à une raison impérative d'intérêt public majeur. En présence d'un tel intérêt, le projet ne peut cependant être autorisé, eu égard aux atteintes portées aux espèces protégées appréciées en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, que si, d'une part, il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et, d'autre part, cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

5. Il ressort du jugement attaqué que le tribunal a annulé l'arrêté contesté au motif tiré de l'absence de l'une des trois conditions cumulatives auxquelles est subordonnée la dérogation prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement, relative à l'absence de solution alternative. Cet arrêté mentionne que " après analyse des solutions alternatives, la solution retenue est celle présentant le moins d'impacts environnementaux et offre la meilleure solution pour satisfaire les divers enjeux ". Toutefois, le dossier de demande d'autorisation de dérogation du projet en litige qui comprend une partie IV-3.2 intitulée " Etudes alternatives et choix du projet ", justifiant le choix du site de Font de Leu n'analyse aucune solution alternative contrairement à ce qu'a retenu la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Une telle analyse ne ressort d'aucune autre pièce du dossier. La circonstance qu'il s'agisse d'un projet privé qui ne permet pas à son promoteur d'assurer une maîtrise foncière via les procédures d'expropriation ou de préemption est sans incidence. Il en va de même du fait que la société CIPM International disposerait d'une maîtrise foncière totale de l'ensemble des parcelles destinées à accueillir les mesures compensatoires. Par ailleurs, la société requérante se prévaut du rapport de présentation de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement Provence-Alpes-Côte d'azur du 16 octobre 2013 adressé aux experts du conseil national de protection de la nature (CNPN), selon lequel, en 2009, il était prévu d'installer des panneaux photovoltaïques sur environ 180 hectares du domaine de Calissanne mais les diverses prospections ont amené à réduire significativement cette zone à 75 hectares en décembre 2011 et ajoute que seul le site de Font de Leu a été retenu par une délibération du 13 juin 2013 portant approbation de la déclaration de projet emportant mise en compatibilité du document d'urbanisme. Cependant, le fait que le projet ait fait l'objet d'une réduction de sa surface au fil de la procédure de son élaboration et qu'il ait été développé en évitant toutes les zones présentant des contraintes fortes liées aux enjeux environnementaux ne sauraient constituer des recherches de solution alternative. La société requérante fait valoir que de telles solutions ont été recherchées au niveau de la dimension du projet, qui concernait initialement trois sites distincts d'une surface totale de 180 hectares sur le domaine de Calissanne, seul le secteur de Font-de-Leu ayant été finalement retenu. Toutefois, les trois sites présentaient une forte sensibilité environnementale, mis en exergue dans les avis de l'autorité environnementale. Cette dernière a en particulier souligné, dans son avis du 29 mars 2013 relatif au site Font-de-Leu, l'absence de critères écologiques dans le choix du site ainsi que l'absence de présentation de site alternatif. En outre, l'expert délégué au CNPN a émis, le 11 novembre 2013, un avis défavorable quant à la demande de dérogation en litige en estimant que : " il est regrettable que d'autres solutions n'aient pas été recherchées en dehors de l'installation de ce projet dans cette ZPS ". Par suite, la demande de dérogation ne remplit pas l'une des conditions du 4° du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement.

6. Il résulte de tout ce qui précède sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par les associations France Nature Environnement Bouches-du-Rhône et Nature et Citoyenneté Crau Camargue Alpilles que la société Consortium d'investissements et de placements mobiliers n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 26 juin 2015 et la décision implicite de rejet du recours gracieux du 21 septembre 2015.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des associations France Nature Environnement Bouches-du-Rhône et Nature et Citoyenneté Crau Camargue Alpilles, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme que la société Consortium d'investissements et de placements mobiliers demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Consortium d'investissements et de placements mobiliers la somme globale de 2 000 euros au titre des frais exposés par les associations France Nature Environnement Bouches-du-Rhône et Nature et Citoyenneté Crau Camargue Alpilles et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Consortium d'investissements et de placements mobiliers est rejetée.

Article 2 : La société Consortium d'investissements et de placements mobiliers versera aux associations France Nature Environnement Bouches-du-Rhône et Nature et Citoyenneté Crau Camargue Alpilles une somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Consortium d'investissements et de placements mobiliers, aux associations France nature environnement Bouches-du-Rhône et Nature et citoyenneté Crau Camargue Alpilles et à la ministre de la transition écologique.

Délibéré après l'audience du 18 septembre 2020, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- Mme D..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 2 octobre 2020.

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N° 18MA03225

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Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : SCP BOUYSSOU ET ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Date de la décision : 02/10/2020
Date de l'import : 18/10/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18MA03225
Numéro NOR : CETATEXT000042401195 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-10-02;18ma03225 ?
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