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17/09/2020 | FRANCE | N°19MA04806

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 17 septembre 2020, 19MA04806


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme I... B... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 13 février 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1905220 en date du 14 octobre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 novembre 201

9, Mme A... B... épouse D... représentée par Me Bruschi, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme I... B... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 13 février 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1905220 en date du 14 octobre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 novembre 2019, Mme A... B... épouse D... représentée par Me Bruschi, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 14 octobre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 13 février 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé en ce qu'il ne mentionne pas les faits d'une gravité exceptionnelle dont elle a été victime avec ses deux enfants ;

- en raison des violences conjugales qu'elle a subies, le préfet, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, aurait dû lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 316-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme A... B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Marseille en date du 13 décembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Féménia,

- et les observations de Me Bruschi pour Mme A... B... épouse D....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B... épouse D..., de nationalité marocaine, née le 22 février 1990, relève appel du jugement du 14 octobre 2019 du tribunal administratif de Marseille qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 février 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé son admission au séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11, ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article, peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...). L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... B... est entrée sur le territoire à l'âge de vingt-quatre ans, en août 2014 sous couvert d'un visa de court séjour délivré par les autorités espagnoles à Tanger, pour y rejoindre son époux, M. C... D..., compatriote titulaire d'une carte de résident. Elle a été victime de violences commises par ce dernier dans la nuit du 12 au 13 juillet 2017, lesquelles ont conduit à la mise en examen de son conjoint et à son placement en détention provisoire du chef de tentative de meurtre. Le comportement violent de son époux, à l'origine de la rupture de sa vie conjugale et de l'engagement d'une procédure de divorce a abouti à une ordonnance de non-conciliation prononcée le 31 juillet 2018. Par ailleurs, Mme A... B..., mère de deux enfants, déclare craindre qu'en cas de retour dans son pays d'origine, elle pourrait faire l'objet, elle et ses enfants, de menaces de la part de son ex-époux, à l'encontre duquel, par un arrêt du 5 février 2020, la cour d'assises de Nice après l'avoir déclaré pénalement irresponsable pour cause de trouble mental des faits de tentative de meurtre sur son épouse, a prononcé une admission en soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète et une interdiction d'entrer en relation avec son ex-épouse pour une durée de vingt ans. Dans ces conditions, les éléments relatifs à la vie personnelle et familiale de la requérante précédemment exposés doivent être regardés comme présentant le caractère de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires au sens des dispositions de l'article L. 313-14. Par suite, Mme A... B... est fondée à soutenir que l'arrêté en litige est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées.

4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme A... B... épouse D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 février 2019 du préfet des Bouches-du-Rhône. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

5. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté attaqué, le présent arrêt implique nécessairement, la délivrance à Mme A... B... épouse D... d'une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder à cette délivrance dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

7. Mme A... B... épouse D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Bruschi, avocat de Mme A... B... épouse D..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Bruschi de la somme de 1 500 euros.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 14 octobre 2019 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 13 février 2019 du préfet des Bouches-du-Rhône est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à Mme A... B... épouse D... une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Bruschi la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme I... B... épouse D..., à Me Bruschi et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2020, où siégeaient :

- M. Lascar, président,

- Mme Bernabeu, présidente assesseure,

- Mme Féménia, première conseillère.

Lu en audience publique, le 17 septembre 2020.

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N° 19MA04806

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA04806
Date de la décision : 17/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: Mme Jeannette FEMENIA
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : BRUSCHI

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-09-17;19ma04806 ?
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