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15/09/2020 | FRANCE | N°19MA03688

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 15 septembre 2020, 19MA03688


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... H... A... D... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler les décisions du 7 novembre 2018 par lesquelles le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1900805 du 5 juillet 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 1er août 2019, Mme A... D..., repr

sentée par Me G..., demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... H... A... D... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler les décisions du 7 novembre 2018 par lesquelles le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1900805 du 5 juillet 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 1er août 2019, Mme A... D..., représentée par Me G..., demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 5 juillet 2019 ;

2°) d'annuler les décisions du 7 novembre 2018 par lesquelles le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à venir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les articles L. 121-1 et R. 121-2-1 à R. 121-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale ;

- elle contrevient aux dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les paragraphes 1 et 2 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.

La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

La demande d'aide juridictionnelle de Mme A... D... a été rejetée par une décision du 25 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- l'accord entre la France et le Cap-Vert du 24 novembre 2008 ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... D..., ressortissante capverdienne née en 1986 et déclarant être entrée en France en 2011, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Par des décisions du 7 novembre 2018, le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. L'intéressée relève appel du jugement du 5 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

2. En premier lieu, les stipulations de l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et les dispositions de l'article 7 de la directive du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, confèrent au ressortissant mineur d'un Etat membre, en sa qualité de citoyen de l'Union, ainsi que, par voie de conséquence, au ressortissant d'un Etat tiers, parent de ce mineur et qui en assume la charge, un droit de séjour dans l'Etat membre d'accueil à la double condition que cet enfant soit couvert par une assurance maladie appropriée et que le parent qui en assume la charge dispose de ressources suffisantes. L'Etat membre d'accueil, qui doit assurer aux citoyens de l'Union la jouissance effective des droits que leur confère ce statut, ne peut refuser à l'enfant mineur, citoyen de l'Union, et à son parent, le droit de séjourner sur son territoire que si l'une au moins de ces deux conditions, dont le respect permet d'éviter que les intéressés ne deviennent une charge déraisonnable pour ses finances publiques, n'est pas remplie. Dans pareille hypothèse, l'éloignement forcé du ressortissant de l'Etat tiers et de son enfant mineur ne pourrait, le cas échéant, être ordonné qu'à destination de l'Etat membre dont ce dernier possède la nationalité ou de tout Etat membre dans lequel ils seraient légalement admissibles.

3. Aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui transpose les dispositions évoquées au point précédent de la directive du 29 avril 2004 : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne (...) a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : (...) / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie (...) ". L'article L. 121-3 du même code dispose que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° ou 5° de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... D... réside en France avec ses trois enfants mineurs, citoyens de l'Union européenne, de nationalité portugaise. D'une part, la circonstance que l'intéressée et ses enfants bénéficient de l'aide médicale d'Etat, qui est une aide sociale prévue par l'article L. 251-1 du code de l'action sociale et des familles, ne permet pas de les regarder comme disposant d'une assurance maladie au sens des dispositions citées ci-dessus du 2° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. D'autre part et au surplus, Mme A... D... n'établit pas, par les seules pièces qu'elle produit, qu'elle disposait pour elle et ses enfants, à la date de la décision de refus de titre de séjour en litige, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale français. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 121-1 et R. 121-2-1 à R. 121-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". En vertu du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. Pour l'application de ces stipulations et dispositions, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

6. Mme A... D..., qui indique être entrée sur le territoire français le 12 mars 2011, n'établit pas qu'elle y résiderait de manière continue depuis cette date. Si elle fait état de la présence en France du père, de nationalité portugaise, de ses deux plus jeunes enfants nés à Nice en 2013 et 2015, elle ne démontre pas que ce dernier séjournait habituellement sur le territoire français à la date de la décision litigieuse, ni qu'il entretiendrait des liens avec eux. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... D... serait dans l'impossibilité de reconstituer sa cellule familiale hors de France, notamment dans son pays d'origine ou au Portugal, pays dont ses trois enfants mineurs et leurs pères ont la nationalité. Enfin, l'intéressée ne justifie pas d'une insertion sociale particulière sur le territoire français. Dans ces conditions, à supposer même que la mère ainsi que l'un des membres de la fratrie de Mme A... D... résideraient régulièrement en France et en dépit des efforts d'insertion professionnelle de l'intéressée, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Par suite, cette décision ne méconnaît ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation de Mme A... D....

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ".

8. En se bornant à produire une promesse d'embauche en qualité d'agent d'entretien et à arguer de son insertion tant professionnelle que sociale en France, Mme A... D... ne justifie pas de l'existence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens et pour l'application des dispositions citées au point précédent. Dans ces conditions, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas, en refusant l'admission exceptionnelle au séjour de l'intéressée tant au titre de la vie privée et familiale qu'en qualité de salariée, commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. / 2. Les Etats parties s'engagent à assurer à l'enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être, compte tenu des droits et des devoirs de ses parents, de ses tuteurs ou des autres personnes légalement responsables de lui, et ils prennent à cette fin toutes les mesures législatives et administratives appropriées (...) ".

10. La décision de refus de titre de séjour en litige n'a ni pour objet ni pour effet de séparer Mme A... D... de ses trois enfants mineurs. L'intéressée ne démontre pas, ainsi qu'il a été dit précédemment, que sa cellule familiale ne pourrait être reconstituée hors de France, notamment au Portugal, pays dont ses trois enfants et leurs pères ont la nationalité. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que les enfants de Mme A... D... ne pourraient poursuivre leur scolarité dans leur pays d'origine, notamment. Par suite, et compte tenu de ce qui a été dit au point 6, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations citées ci-dessus de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

11. En cinquième et dernier lieu, Mme A... D... n'est pas fondée, compte tenu de ce qui précède, à exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... H... A... D..., au ministre de l'intérieur et à Me G....

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2020, où siégeaient :

- Mme B..., présidente assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme F..., première conseillère,

- M. C..., premier conseiller.

5

N° 19MA03688


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03688
Date de la décision : 15/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIMON
Rapporteur ?: M. Raphaël MOURET
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : TRAVERSINI

Origine de la décision
Date de l'import : 26/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-09-15;19ma03688 ?
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