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15/09/2020 | FRANCE | N°18MA05553

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 15 septembre 2020, 18MA05553


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 28 mai 2018 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par le jugement n° 1803675 du 22 octobre 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 22 déce

mbre 2018 et un mémoire complémentaire enregistré le 24 mai 2019, Mme C..., représentée par Me E....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 28 mai 2018 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par le jugement n° 1803675 du 22 octobre 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 22 décembre 2018 et un mémoire complémentaire enregistré le 24 mai 2019, Mme C..., représentée par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 octobre 2018 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 mai 2018 du préfet des Pyrénées-Orientales ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales de lui délivrer un certificat de résidence valable dix ans à compter du 18 octobre 2017, à titre subsidiaire, de lui délivrer un certificat de résidence d'un an ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, qui sera versée à Me E... en cas d'obtention de l'aide juridictionnelle en contrepartie de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Elle soutient que :

- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé ;

Sur le refus de titre de séjour :

- elle doit bénéficier du renouvellement de son titre de séjour sur le fondement de l'article 6 7° de l'accord franco-algérien ;

- le préfet a porté atteinte à son droit à être entendue avant l'avis du collège des médecins de l'OFII ;

- le préfet s'est cru à tort lié par l'avis de ce collège ;

- elle ne peut pas bénéficier individuellement d'un traitement approprié dans son pays d'origine au sens de l'article 3 de l'arrêté du 5 janvier 2017 ;

- elle a aussi droit à un titre de séjour sur le fondement de l'article 6 5° de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle a enfin droit à un certificat de résidence de dix ans sur le fondement de l'article 7 bis h) de l'accord franco-algérien sans avoir à formuler une demande expresse en ce sens ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- par la voie de l'exception d'illégalité du titre de séjour, cette décision est dépourvue de base légale ;

- la mesure d'éloignement méconnaît l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur le pays de renvoi :

- cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par deux mémoires en défense enregistrés les 8 mars et 17 juin 2019, le préfet des Pyrénées-Orientales conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 21 novembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante algérienne, a sollicité le 19 octobre 2017 le renouvellement de son titre de séjour en qualité d' " étranger malade " sur le fondement du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Elle a demandé l'annulation de l'arrêté en litige du 28 mai 2018 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office. Le tribunal administratif de Montpellier, par le jugement dont la requérante relève appel, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 28 mai 2018.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le refus de renouvellement de son titre de séjour :

2. L'article 6 de l'accord franco-algérien prévoit que : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ". Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande en raison de son état de santé, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser de délivrer ou de renouveler le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine.

3. Il ressort des pièces du dossier et notamment du certificat du médecin du centre médico-psychologique de Perpignan daté du 28 février 2013, qui suit la requérante depuis septembre 2011, que Mme C... souffre de graves problèmes psychiatriques liés à un état de stress post-traumatique et à un état dépressif qui nécessite un traitement régulier. Les avis médicaux rendus les 26 mars et 10 octobre 2013, 4 avril 2014, 4 septembre 2015 et 6 octobre 2016 par le médecin inspecteur de santé publique de l'agence régionale de santé de la région Languedoc-Roussillon à l'occasion de précédentes demandes de séjour et de renouvellement de séjour de la requérante en qualité d' " étranger malade ", avaient tous estimé que l'état de santé de Mme C... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il n'existait pas de traitement approprié à l'état de santé de la requérante dans son pays d'origine et que les soins nécessités par son état de santé présentaient un caractère de longue durée. Mme C... s'est ainsi vu délivrer d'abord une autorisation provisoire de séjour de six mois du 29 mars 2013 renouvelée jusqu'au 10 avril 2014, puis un certificat de résidence d'un an à compter du 11 avril 2014 renouvelé jusqu'au 13 octobre 2017. L'avis émis le 1er janvier 2018 par le collège des médecins de l'OFII, désormais compétent, pris en compte par le préfet des Pyrénées-Orientales pour prendre l'arrêté en litige, estime au contraire qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, Mme C... peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine.

4. D'abord, l'administration ne justifie pas du revirement de la position des nombreux médecins appelés à donner leur avis sur l'état de santé de la requérante et des raisons pour lesquelles le traitement dispensé à Mme C... pourrait désormais être prodigué en Algérie. La seule production par le préfet de la " fiche sanitaire détaillée " de l'Algérie, mise à jour le 25 octobre 2006, qui indique d'ailleurs pour les " états dépressifs " une " possible rupture de stock " de médicaments dans ce pays, n'est pas par elle-même de nature à établir que les soins adaptés à la situation de Mme C... seraient disponibles dans son pays d'origine. Ensuite, et en tout état de cause, il ressort du certificat du 28 février 2013 du médecin du centre médico-psychologique de Perpignan, qui mentionne qu'un retour dans son pays d'origine pourrait faire revivre à Mme C... des " mauvais souvenirs ", que le rapprochement avec sa soeur titulaire d'un certificat de résidence de dix ans qui l'héberge en France est le meilleur environnement pour la soutenir et lui faire surmonter son état post-traumatique. En outre, le certificat médical d'un psychiatre algérien daté du 23 octobre 2011 atteste que la requérante était suivie en Algérie depuis juin 2006 et jusqu'à son entrée en France en 2011 pour divers troubles du comportement associé à un syndrome de stress post-traumatique à la suite d'un évènement survenu en Algérie en 2004 et insiste lui-aussi sur l'importance d'un rapprochement de la requérante avec ses deux soeurs qui vivent régulièrement en France pour une meilleure évolution thérapeutique. Ainsi, le lien entre la pathologie dont souffre Mme C... et les événements traumatisants qu'elle a vécus en Algérie ne permettent pas, dans ce cas particulier, d'envisager un traitement effectivement approprié dans ce pays. Dans ces conditions, le préfet n'établit pas que Mme C... pouvait bénéficier, à la date de la décision en litige, d'un traitement et d'un suivi appropriés en Algérie au sens de l'article 6 7° de l'accord franco-algérien. Dans ces conditions, Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le refus de renouveler son titre de séjour ne méconnaissait pas l'article 6 7° de l'accord franco-algérien et qu'elle n'était pas fondée à demander l'annulation de la décision en litige.

5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Elle est, dès lors, fondée à demander tant l'annulation de ce jugement que de l'arrêté en litige du 28 mai 2018 du préfet des Pyrénées-Orientales portant refus de renouvellement de son certificat de résidence. Par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire français en litige et la décision fixant le pays de destination sont dépourvues de base légale et doivent, dès lors, être annulées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ".

7. Dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'à la date de la présente décision, des éléments de droit ou de fait nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose un refus à la demande de Mme C..., le présent arrêt, qui annule la décision de refus de renouveler le titre de séjour délivré à la requérante, implique nécessairement, eu égard au motif sur lequel il se fonde, que le préfet renouvelle le certificat de résidence d'une durée d'un an sollicité par la requérante sur le fondement de l'article 6 7° de l'accord franco-algérien. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales de délivrer ce certificat de résidence dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

8. Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me E..., avocat de Mme C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais engagés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 22 octobre 2018 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 28 mai 2018 du préfet des Pyrénées-Orientales est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Pyrénées-Orientales de délivrer à Mme C... un certificat de résidence valable un an dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me E... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., au ministre de l'intérieur et à Me E....

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2020, où siégeaient :

- Mme A..., présidente assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222- 26 du code de justice administrative,

- Mme D..., première conseillère,

- M. Mouret, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 septembre 2020.

6

N° 18MA05553


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA05553
Date de la décision : 15/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIMON
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SUMMERFIELD TARI

Origine de la décision
Date de l'import : 26/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-09-15;18ma05553 ?
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