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15/09/2020 | FRANCE | N°18MA03537

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 15 septembre 2020, 18MA03537


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 22 mars 2016 par laquelle le président du conseil départemental de l'Aude a refusé de lui payer les jours de congés payés non pris et une indemnité compensatrice correspondant au solde de neuf jours de son compte épargne temps et de condamner le conseil départemental de l'Aude à lui verser, d'une part la somme de 1 728,44 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés, d'autre part, la somme de

501,30 euros au titre de l'indemnité compensatrice du solde de compte épargn...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 22 mars 2016 par laquelle le président du conseil départemental de l'Aude a refusé de lui payer les jours de congés payés non pris et une indemnité compensatrice correspondant au solde de neuf jours de son compte épargne temps et de condamner le conseil départemental de l'Aude à lui verser, d'une part la somme de 1 728,44 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés, d'autre part, la somme de 501,30 euros au titre de l'indemnité compensatrice du solde de compte épargne temps non pris.

Par le jugement n° 1602442 du 7 juin 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 26 juillet 2018 et un mémoire complémentaire du 18 juillet 2019, Mme A..., représentée par la SELARL d'avocats Lysis, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 juin 2018 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler la décision du président du conseil départemental de l'Aude du 22 mars 2016 ;

3°) de condamner le conseil départemental de l'Aude à lui verser, d'une part, la somme de 1 728,44 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés, d'autre part, la somme de 501,30 euros au titre de l'indemnité compensatrice du solde de compte épargne temps non pris ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'article 7 de la directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, applicable à sa situation, lui ouvre le droit à l'indemnisation des jours de congé annuels non pris ;

- les droits à congés payés et ses droits aux jours épargnés sur son compte épargne-temps (CET) font partie du patrimoine de l'agent qui les détient, protégé par l'article 1er alinéa 1er du protocole additionnel n° 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 juin 2019, le département de l'Aude, représenté par la SELARL d'avocats Jean-Pierre et Walgenwitz, conclut au rejet de la requête et que soit mise à la charge de la requérante la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 relative à certains aspects de l'aménagement du temps de travail, ensemble les arrêts C-350/06, C-520/06 du 20 janvier 2009 et C-214/10 du 22 novembre 2011 de la Cour de justice des Communautés européennes ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 2004-878 du 26 août 2004 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me B... représentant le département de l'Aude.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., agent titulaire du département de l'Aude affectée à l'entretien du service ménager, a été mise à la retraite d'office avec effet à compter du 9 août 2012 pour des faits disciplinaires. Elle a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 22 mars 2016 par laquelle le président du conseil départemental de l'Aude a rejeté sa demande du 2 février 2016 tendant à l'indemnisation de ses congés payés non pris d'un montant estimé à 1 728,44 euros bruts ainsi que celle de son solde de neuf jours de compte épargne temps d'un montant estimé à 501,30 euros bruts. Mme A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Montpellier qui a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'indemnité compensatrice pour jours de congés annuels non pris :

2. D'une part, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit : / 1° A un congé annuel avec traitement dont la durée est fixée par décret en Conseil d'Etat (...) ". L'article 1er du décret du 26 novembre 1985 relatif aux congés annuels des fonctionnaires territoriaux prévoit que : " Tout fonctionnaire territorial en activité a droit (...) à un congé annuel d'une durée égale à cinq fois ses obligations hebdomadaires de service (...) / Un jour de congé supplémentaire est attribué au fonctionnaire dont le nombre de jours de congé pris en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre est de cinq, six ou sept jours ; il est attribué un deuxième jour de congé supplémentaire lorsque ce nombre est au moins égal à huit jours. ". Aux termes du premier alinéa de l'article 3 du même décret : " Le calendrier des congés définis aux articles 1er et 2 est fixé, par l'autorité territoriale, après consultation des fonctionnaires intéressés, compte tenu des fractionnements et échelonnements de congés que l'intérêt du service peut rendre nécessaire. ". Enfin, l'article 5 du même décret précise que : " (...) / Un congé non pris ne donne lieu à aucune indemnité compensatrice. ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 : " Congé annuel 1. Les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d'un congé annuel payé d'au moins quatre semaines, conformément aux conditions d'obtention et d'octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales. 2. La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail. ". En application de la partie B de l'annexe I de cette directive, le délai de transposition de l'article 7 était fixé au 23 mars 2005. Par ailleurs, dans son arrêt C-350/06 et C-520/06 du 20 janvier 2009, la Cour de Justice de l'Union européenne a rappelé que " le droit au congé annuel payé de chaque travailleur doit être considéré comme un principe général du droit social communautaire revêtant une importance particulière, auquel il ne saurait être dérogé (...) " et que " l'article 7 § 1 de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à des dispositions ou à des pratiques nationales qui prévoient que le droit à congé annuel payé s'éteint à l'expiration de la période de référence et/ou d'une période de report fixée par le droit national même lorsque le travailleur a été en congé de maladie durant toute la période de référence et que son incapacité de travail a perduré jusqu'à la fin de sa relation de travail, raison pour laquelle il n'a pas pu exercer son droit au congé annuel payé (...) ". Par un arrêt C-341/15 du 20 juillet 2016, cette même Cour a jugé que l'article 7, paragraphe 2, de ladite directive " doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une législation nationale (....) qui prive du droit à une indemnité financière pour congé annuel non pris le travailleur dont la relation de travail a pris fin suite à sa demande de mise à la retraite et qui n'a pas été en mesure d'épuiser ses droits avant la fin de cette relation de travail ".

4. Il résulte des points précédents que les dispositions de l'article 5 du décret précité du 26 novembre 1985 qui prévoit que le congé dû pour une année de service accompli ne peut se reporter sur l'année suivante, sauf autorisation exceptionnelle donnée par l'autorité territoriale, sans réserver le cas des agents qui ont été dans l'impossibilité de prendre leurs congés annuels pour des motifs indépendants de leur volonté en raison d'un congé de maladie ou pour des motifs tirés de l'intérêt du service, et qui se trouvent en fin de relation de travail, sont incompatibles, dans cette mesure, avec les dispositions de l'article 7 de la directive précitée et sont, par suite, illégales.

5. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme A... a été dans l'impossibilité de prendre ses congés annuels avant la fin de sa relation de travail avec le département de l'Aude le 9 août 2012, non pas pour un motif indépendant de sa volonté en raison d'un congé de maladie ou pour des motifs tirés de l'intérêt du service, mais en raison de son placement à la retraite d'office pour des faits disciplinaires. Par suite, elle ne peut utilement soutenir que l'article 7 de la directive 2003/88/CE, qui ne lui est pas applicable, lui ouvrirait droit à l'indemnisation de ses jours de congés annuels non pris. Par suite, le président du conseil départemental de l'Aude a pu légalement refuser de lui payer ses jours de congés payés non pris avant son éviction du service.

En ce qui concerne le paiement des jours épargnés sur son compte épargne-temps :

6. L'article 7-1 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives la fonction publique territoriale dispose que les règles relatives à la définition, à la durée et à l'aménagement du temps de travail des agents des collectivités territoriales et des établissements publics mentionnés au premier alinéa de l'article 2 sont fixées par la collectivité ou l'établissement, dans les limites applicables aux agents de l'Etat, en tenant compte de la spécificité des missions exercées par ces collectivités ou établissements. Le même article prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du premier alinéa. Ce décret prévoit les conditions dans lesquelles la collectivité ou l'établissement peut, par délibération, proposer une compensation financière à ses agents, d'un montant identique à celle dont peuvent bénéficier les agents de l'Etat, en contrepartie des jours inscrits à leur compte épargne-temps. Le décret du 26 août 2004 relatif au compte épargne-temps dans la fonction publique territoriale, applicable aux agents non titulaires, en vigueur à la date du litige institue dans la fonction publique territoriale un compte épargne-temps. Aux termes de l'article 3, ce compte est alimenté par le report de jours de réduction du temps de travail et par le report de congés annuels tels que prévus par le décret du 26 novembre 1985 susvisé, sans que le nombre de jours de congés annuels pris dans l'année puisse être inférieur à vingt. L'article 4 de ce décret énonce que " lorsqu'une collectivité ou un établissement a pris une délibération, en vertu du deuxième alinéa de l'article 7-1 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, tendant à l'indemnisation ou à la prise en compte au sein du régime de retraite additionnelle de la fonction publique des

droits ainsi épargnés sur le compte épargne-temps et dès lors qu'au terme de chaque année civile le nombre de jours inscrits sur le compte est supérieur à vingt : I.-Les jours ainsi épargnés n'excédant pas vingt jours ne peuvent être utilisés par l'agent que sous forme de congés, pris dans les conditions mentionnées à l'article 3 du décret du 26 novembre 1985 susvisé. ". Il résulte des dispositions de l'article 7-1 de la loi du 26 janvier 1984 et des autres dispositions précédemment citées que les agents des collectivités locales ne peuvent solliciter l'indemnisation des jours qu'ils ont épargnés sur leur compte épargne-temps que si une délibération a prévu une telle possibilité. En l'absence de délibération du conseil municipal sur le sort des droits ainsi épargnés sur le compte épargne-temps et dès lors qu'au terme de chaque année civile le nombre de jours inscrits sur le compte est inférieur à vingt, les jours ainsi épargnés n'excédant pas vingt jours ne peuvent être utilisés par l'agent que sous forme de congés, pris dans les conditions mentionnées à l'article 3 du décret du 26 novembre 1985.

7. Il est constant que le département de l'Aude n'a pas délibéré pour mettre en place de nouvelles règles de gestion du compte épargne-temps en permettant aux agents de la collectivité, de bénéficier des options pour les jours épargnés au-delà du seuil de vingt jours. Par suite, Mme A... ne pouvait utiliser les neuf jours restant crédités sur son CET que sous forme de congés avant sa mise à la retraite d'office. Dès lors, c'est à bon droit que le président du conseil départemental de l'Aude a pu refuser de lui payer ses jours épargnés non utilisés sur son CET.

8. Enfin, Mme A... ne peut utilement soutenir que le refus d'indemniser ses congés payés et ses jours épargnés porterait atteinte au patrimoine qu'elle détiendrait et au respect de la propriété privée au sens de l'article 1er alinéa 1er du protocole additionnel n° 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du département de l'Aude, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme de 500 euros à verser au département de l'Aude au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Mme A... versera au département de l'Aude la somme de 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et au département de l'Aude.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2020, où siégeaient :

- Mme C..., présidente assesseure, présidant la formation de jugement, en application de l'article R. 222- 26 du code de justice administrative,

- Mme E..., première conseillère,

- M. Mouret, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 septembre 2020.

4

N° 18MA03537


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA03537
Date de la décision : 15/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-08 Fonctionnaires et agents publics. Rémunération.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIMON
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SELARL JEAN-PIERRE et WALGENWITZ AVOCATS ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 26/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-09-15;18ma03537 ?
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