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22/07/2020 | FRANCE | N°19MA04807

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 22 juillet 2020, 19MA04807


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme Hamida A... Hamadi a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui renouveler son titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1905222 du 14 octobre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 novembre 2019, Mme A... Hamadi, repr

ésentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme Hamida A... Hamadi a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui renouveler son titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1905222 du 14 octobre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 novembre 2019, Mme A... Hamadi, représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 14 octobre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 31 janvier 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Elle soutient que :

- les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français méconnaissent les articles L. 313-11 11° et L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Le préfet des Bouches-du-Rhône, qui a reçu communication de la requête, n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... Hamadi, de nationalité comorienne, née le 31 décembre 1972, a sollicité le 5 octobre 2018 le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 31 janvier 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de faire droit à sa demande et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Mme A... Hamadi relève appel du jugement du 14 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. / La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article L. 511-4 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".

3. Aux termes de l'article R. 31322 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 31311, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 31323 de ce code : " (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. (...) ". L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 31322, R. 31323 et R. 5111 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. (...) ".

4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tout élément permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

5. Dans un avis du 25 novembre 2018, le collège de médecin de l'OFII a estimé que si l'état de santé de Mme A... Hamadi nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, celle-ci peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié aux Comores, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de ce pays. Dans l'arrêté contesté, le préfet des Bouches-du-Rhône a considéré, au vu notamment de cet avis, que l'état de santé de Mme A... Hamadi ne nécessite plus son maintien sur le territoire français dès lors qu'elle peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié aux Comores, pays vers lequel elle peut voyager sans risques. Aucune disposition législative ou règlementaire n'oblige l'autorité administrative à mentionner dans sa décision, de manière exhaustive, les différents points sur lesquels le collège de médecins de l'OFII s'est prononcé en application des dispositions précitées de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016. Par ailleurs, et contrairement à ce que soutient la requérante, la circonstance que l'arrêté contesté ne fasse pas expressément état de l'exceptionnelle gravité des conséquences qu'entraînerait un défaut de prise de charge n'est de nature à démontrer ni que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait considéré que le défaut de prise en charge n'était pas de nature à entraîner de telles conséquences, ni qu'il aurait méconnu le sens de l'avis du collège de médecins, qui conclut également à la possibilité pour l'intéressée de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, et auquel le préfet n'est, au demeurant, pas tenu de se conformer.

6. Mme A... Hamadi produit au dossier plusieurs certificats médicaux, qui font état de la pathologie dont elle est atteinte, à savoir un goitre nodulaire ayant nécessité une thyroïdectomie totale en 2013 et la mise en place consécutive d'un traitement par Levothyrox impliquant un suivi régulier, ainsi que ses bilans d'hormonologie et ses ordonnances de prescription de ce médicament. Ces différents documents, notamment les certificats médicaux, ne concluent pas à l'indisponibilité du traitement suivi par la requérante aux Comores. La preuve de cette indisponibilité n'est pas davantage apportée par un extrait d'un rapport sur la politique nationale de santé 2015-2024 établi par le ministère de la santé de l'Union des Comores, qui se borne à faire état de la " faible qualité des services offerts " et du manque de spécialistes en endocrinologie et par l'extrait d'une thèse de doctorat de 2014 décrivant les services existants à l'hôpital d'El Maarouf, alors que, de son côté, le préfet a justifié en première instance de ce que le Levothyrox figurait sur la liste nationale des médicaments essentiels de l'Union des Comores en 2014. Dans ces conditions, Mme A... Hamadi ne contredit pas utilement l'avis précité du collège de médecins de l'OFII, sur lequel s'est appuyé le préfet des Bouches-du-Rhône, quant à la possibilité, pour elle, de bénéficier effectivement, dans son pays d'origine, d'un traitement approprié à son état de santé. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de lui renouveler son titre de séjour en qualité d'étranger malade et en prenant à son encontre une obligation de quitter le territoire français, le préfet des Bouches-du-Rhône aurait méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 et du 10 ° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

8. Si Mme A... Hamida soutient résider en France depuis 2012, les pièces qu'elle produit, essentiellement les documents médicaux énoncés au point 6 du présent arrêt, ses avis d'imposition 2016, 2017 et 2018 ne faisant état d'aucun revenu et des contrats de travail à durée déterminée couvrant la période de juin à octobre 2018, sont insuffisamment nombreuses, diversifiées par leur origine et probantes pour démontrer une présence sur le territoire national autre que ponctuelle depuis cette date. Elle est célibataire, sans charge de famille et n'est pas dépourvue d'attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine. Elle ne justifie pas, du seul fait qu'elle a travaillé à temps partiel pendant quelques mois en 2018, d'une insertion particulière dans la société française. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, l'arrêté contesté n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vues desquels il a été pris. Par suite, il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... Hamadi n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 janvier 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui renouveler son titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent également être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... Hamadi est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Hamida A... Hamadi et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 3 juillet 2020, où siégeaient :

- M. Lascar, président,

- Mme F..., présidente assesseure,

- Mme E..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 juillet 2020.

2

N° 19MA04807


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA04807
Date de la décision : 22/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: M. OUILLON
Avocat(s) : BRUSCHI

Origine de la décision
Date de l'import : 04/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-07-22;19ma04807 ?
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