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30/06/2020 | FRANCE | N°18MA03970

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre, 30 juin 2020, 18MA03970


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner solidairement la commune de Nîmes, la société Axa Sud Entreprises Sud-Est, son assureur, et la société Eurovia Méditerranée à leur verser, d'une part, la somme de 54 828,41 euros et, d'autre part, la somme de 100 euros par mois à compter du mois de janvier 2015, en réparation des préjudices causés par les travaux de création d'une voie sur la parcelle mitoyenne à leur propriété et par l'existence de cette voie elle-même.r>
Par un jugement n° 1602436 du 22 juin 2018, le tribunal administratif de Nîmes a ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner solidairement la commune de Nîmes, la société Axa Sud Entreprises Sud-Est, son assureur, et la société Eurovia Méditerranée à leur verser, d'une part, la somme de 54 828,41 euros et, d'autre part, la somme de 100 euros par mois à compter du mois de janvier 2015, en réparation des préjudices causés par les travaux de création d'une voie sur la parcelle mitoyenne à leur propriété et par l'existence de cette voie elle-même.

Par un jugement n° 1602436 du 22 juin 2018, le tribunal administratif de Nîmes a condamné solidairement la commune de Nîmes, la société Axa Sud Entreprises Sud-Est et la société Eurovia Méditerranée à verser à M. et Mme D... la somme de 11 022,41 euros, a décidé que la commune de Nîmes garantira la société Eurovia Méditerranée de la condamnation qu'il a prononcée, a mis les frais de l'expertise prescrite par l'ordonnance du juge des référés n° 1601446 du 5 septembre 2016 à la charge définitive de M. et Mme D..., et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 17 août 2018 et les 17 janvier et 27 février 2019, M. et Mme D..., représentés par Me I..., dans le dernier état de leurs écritures, demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement attaqué du 22 juin 2018 en ce qu'il a limité la condamnation solidaire de la commune de Nîmes, de la société Axa Sud Entreprises Sud-Est et de la société Eurovia Méditerranée à la somme de 11 022,41 euros et rejeté le surplus de leur demande ;

2°) de condamner la commune de Nîmes solidairement avec la société Axa Sud Entreprises Sud Est, à leur payer les sommes de 400 euros en remplacement de leur matériel et de 100 euros par mois à compter de janvier 2015, en réparation du préjudice tenant à la perte de jouissance de leur chambre située en rez-de-chaussée devenue insalubre ;

3°) de condamner la commune de Nîmes solidairement avec la société Axa Sud Entreprises Sud Est à leur verser la somme de 45 000 euros en réparation du préjudice anormal et spécial que l'existence même de la voie ainsi créée leur cause ;

4°) de condamner la commune de Nîmes solidairement avec la société Axa Sud Entreprises Sud Est aux dépens ;

5°) de condamner la commune de Nîmes solidairement avec la société Axa Sud Entreprises Sud Est à leur verser la somme de 8 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- si le tribunal a justement admis le préjudice de reconstruction du mur à hauteur de 8 834 euros, c'est à tort qu'il n'a retenu ni la perte d'une jarre et de deux cyprès " boule " pour une somme de 200 euros en raison de la chute de ce mur, ni la réparation pour 200 euros du vol d'un VTT, d'un fauteuil en fer et nylon et d'un bain de soleil qui s'en est suivi ;

- les frais de remise en état de la chambre doivent être indemnisés, comme l'ont retenu les premiers juges à la somme de 1 188 euros ; mais ils ont également subi un préjudice de jouissance qui sera indemnisé à hauteur de 100 euros par mois, depuis le début du constat du sinistre jusqu'à la remise en état effective de la chambre ;

- la création d'une rue bordant directement leur maison a eu pour effet d'engendrer une perte de la valeur vénale de celle-ci à hauteur de 45 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2019, la commune de Nîmes, représentée par Me E..., demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête d'appel de M. et Mme D... ;

2°) par la voie de l'appel incident :

- d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes ;

- de rejeter la demande présentée par les époux D... devant le tribunal administratif de Nîmes ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme D... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés ;

- la responsabilité de la commune dans les désordres affectant le mur des requérants n'est pas engagée ; elle ne peut être davantage retenue pour les autres désordres résultant de la chute de ce mur ;

- les requérants n'apportent pas la preuve des troubles de jouissance dont ils se prévalent ; la perte de valeur vénale alléguée de leur bien immobilier n'est justifiée ni dans son principe ni dans son montant.

Une ordonnance du 28 février 2019 a fixé la clôture de l'instruction au 5 avril 2019 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- les observations de M. et Mme D..., et de Me E... pour la commune de Nîmes.

M. et Mme D... ont déposé une note en délibéré, enregistrée le 19 juin 2019.

Considérant ce qui suit :

1. En 2012, la commune de Nîmes a démoli une propriété mitoyenne de celle de

M. et Mme D... pour réaliser une voie nouvelle, l'allée André Liégeois, destinée à assurer la liaison entre la route d'Avignon et la rue André Marquès. M. et Mme D... ont sollicité la réparation des divers préjudices qu'ils estiment avoir subis, causés tant par les travaux de réalisation de cette voie que par son existence même. Ils font appel du jugement du 22 juin 2018 en tant que le tribunal administratif de Nîmes a limité la condamnation solidaire de la commune de Nîmes, de la société Axa Sud Entreprises Sud-Est et de la société Eurovia Méditerranée à leur verser la somme de 11 022,41 euros et a rejeté le surplus de leurs conclusions. Par la voie de l'appel incident, la commune de Nîmes demande l'annulation de ce jugement.

Sur les préjudices liés à la chute du mur de clôture :

2. Le maître de l'ouvrage et les participants aux travaux publics sont responsables, même en l'absence de faute, des dommages que l'exécution de ces travaux peut causer aux tiers. Les victimes sont en droit de diriger leur demande à l'encontre de l'ensemble d'entre eux solidairement, et sans préjudice d'éventuels appels en garantie, ceux-ci ne peuvent dégager leur responsabilité que s'ils établissent que ces dommages sont imputables à la faute de la victime ou à un cas de force majeure. Dans le cas d'un immeuble, la fragilité ou la vulnérabilité de celui-ci ne peuvent être prises en compte pour atténuer la responsabilité du maître de l'ouvrage ou des participants aux travaux publics, sauf lorsqu'elles sont elles-mêmes imputables à une faute de la victime. En dehors de cette hypothèse, de tels éléments ne peuvent être retenus que pour évaluer le montant du préjudice indemnisable.

3. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise de M. B..., désigné par une ordonnance du 11 décembre 2013 du juge des référés du tribunal de grande instance de Nîmes, que le mur de clôture nord-est de la propriété de M. et Mme D... qui a basculé lors des travaux d'aménagement de la nouvelle voie, était de construction ancienne et d'une qualité médiocre, mais adapté à sa fonction de séparateur de deux parcelles privées et végétalisées. Les travaux en cause ont eu pour effet d'en faire un mur séparatif de la voie publique et en ont ébranlé les soubassements. Par ailleurs, il n'est pas contesté que ce mur a reçu un choc ponctuel par un engin de chantier à l'origine de son effondrement partiel. Ainsi, le lien de cause à effet entre le dommage subi et les travaux réalisés est établi, contrairement à ce que soutient la commune de Nîmes. Le tribunal a limité le montant de la réparation du préjudice ainsi subi par M. et Mme D... à la somme de 8 834,41 euros hors taxes, représentative de la simple reconstruction du mur à l'identique, alors que l'expert avait évalué le coût des travaux à la somme 14 051,47 euros hors taxes, compte tenu de la nécessité d'ériger un ouvrage adapté à sa fonction de barrière avec la voie publique, plus haut que le mur initial et de meilleure qualité, afin de ne pas faire supporter aux personnes condamnées cette amélioration par rapport à son état initial. Par suite, la commune de Nîmes n'est pas fondée à soutenir, par la voie de l'appel incident, qu'en raison d'un défaut d'entretien de ce mur et de son état de vétusté ainsi que d'un défaut de conception, c'est à tort que les premiers juges l'ont condamnée à verser à

M. et Mme D... une somme de 8 834,41 euros hors taxes.

4. En second lieu, M. et Mme D... soutiennent qu'ils doivent être indemnisés de la perte d'une jarre et de deux cyprès " boule " pour une somme de 200 euros, provoquée par la chute de leur mur, ainsi que du vol d'un vélo tout terrain, d'un fauteuil en fer et nylon et d'un " bain de soleil " qui s'en est suivi en raison de l'exposition de leur propriété à la vue des passants, le tout pour une valeur de 200 euros. Il y a lieu d'écarter ces demandes précédemment invoquées dans les mêmes termes devant les juges de première instance, par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif au point 5 de son jugement, les requérants ne justifiant pas plus devant la cour que devant le tribunal la réalité de ces dommages et du lien de de causalité avec la chute du mur.

Sur le préjudice lié aux infiltrations :

5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la création de la voie nouvelle a été réalisée au moyen d'un trottoir enrobé le long de la propriété de M. et Mme D... qui a bloqué l'humidité du sol, laquelle s'est évaporée au niveau d'une chambre située au rez-de-chaussée de l'habitation côté rue. La circonstance invoquée par la partie défenderesse que cette propriété ne présenterait pas un état correct d'entretien, ne saurait l'exonérer de sa responsabilité. Dans ces circonstances, la commune de Nîmes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont alloué aux époux D... la somme de 1 188 euros, à titre de réparation des dommages résultant des dégâts constatés dans cette chambre, montant évalué par l'expert judiciaire.

M. et Mme D... n'ont, autant à eux, présenté devant la cour aucune conclusion s'agissant de ce chef de préjudice.

6. En second lieu, les époux D... demandent à la cour de condamner solidairement la commune de Nîmes et la société Axa Sud Entreprises Sud Est à leur verser la somme de 100 euros par mois à compter de janvier 2015 jusqu'à la réparation effective des dégâts, en réparation du préjudice tenant à la perte de jouissance de cette chambre. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que cette chambre soit utilisée à titre principal et que la présence ponctuelle de tâches de moisissures ou le décollement des plinthes interdisent toute utilisation de cet espace. Ainsi, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que le tribunal a fait une estimation insuffisante de ce poste de préjudice en le fixant à la somme de 1 000 euros.

Sur les préjudices liés à l'aménagement urbain :

7. Les requérants soutiennent qu'ils subissent un préjudice anormal et spécial tenant à la dépréciation de leur propriété, en raison de la démolition de la propriété voisine et la création d'une nouvelle voie de circulation entre la route d'Avignon et la rue André Marquès. Selon eux, la nouvelle configuration des lieux engendre de nombreuses nuisances olfactives et sonores, une difficulté d'accès à leur propriété et une insécurité liée à leur exposition désormais directe à un quartier dit sensible, alors qu'ils étaient auparavant protégés par le bâtiment détruit.

8. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de M. G..., expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, que l'aménagement urbain critiqué n'a pas entraîné de perte de valeur vénale de la propriété de M. et Mme D... d'autant que la création d'une deuxième façade sur rue de trente-trois mètres " augmente fortement " les droits à construire. Ce constat n'est pas remis en cause par l'étude du cabinet d'expertise de M. F..., mandaté par M. et Mme D..., quand bien même celle-ci met en évidence des nuisances sonores et olfactives liées à la circulation automobile au droit de leur propriété et l'insécurité que cette nouvelle voie d'accès a pu générer. En effet, si le rapport de M. G... estime " juste " la valeur du bien évalué par le cabinet d'expertise de M. F... à 224 000 euros, il ne peut être regardé, par ses conclusions mêmes, comme ayant entériné le postulat selon lequel la valeur du bien avant les travaux devait être estimé à 280 000 euros. Par suite, les requérants n'établissent pas une perte de la valeur vénale de leur bien à hauteur de la somme de 45 000 euros qu'ils demandent. Dans ces conditions, les appelants ne démontrent pas, en tout état de cause, que la création de l'allée André Liégeois leur a causé un préjudice anormal et spécial qui serait de nature à justifier l'engagement de la responsabilité sans faute de la commune de Nîmes à leur égard.

9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que ni M. et Mme D..., ni la commune de Nîmes ne sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes a condamné solidairement la seconde avec la société Axa Sud Entreprises Sud-Est et la société Eurovia Méditerranée à verser aux premiers la somme de 11 022,41 euros.

Sur les dépens :

10. M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes a mis à leur charge les frais et honoraires de l'expertise prescrite pour déterminer les préjudices occasionnés par l'aménagement urbain, par ordonnance du juge des référés du 5 septembre 2016, liquidés et taxés à la somme de 4 500 euros TTC, par ordonnance du 6 juin 2017.

Sur les frais d'instance :

11. En premier lieu, M. et Mme D..., parties perdantes, ne sont pas fondés à demander le remboursement des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

12. En second lieu, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge des requérants la somme que réclame la commune de Nîmes au titre des frais exposés au présent litige et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident de la commune de Nîmes ainsi que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... et Liliane D..., à la commune de Nîmes, à la société Axa Sud Entreprises Sud-Est et à la société Eurovia Méditerranée.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2020, où siégeaient :

- Mme H..., présidente,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 juin 2020.

N° 18MA03970 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA03970
Date de la décision : 30/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Travaux publics - Différentes catégories de dommages - Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics - Existence de l'ouvrage.

Travaux publics - Différentes catégories de dommages - Dommages créés par l'exécution des travaux publics - Travaux publics de voirie.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: M. Didier URY
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : VOLLE TUPIN ISABELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-06-30;18ma03970 ?
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