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27/03/2020 | FRANCE | N°19MA01673

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 27 mars 2020, 19MA01673


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon, par deux recours distincts, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet du Var a rejeté sa demande de titre de séjour formée le 26 avril 2018, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 20 novembre 2018 par lequel cette même autorité a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination pour l'exécution de la m

esure d'éloignement.

Par un jugement n° 1803487, 1803739 du 8 février 2019, le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon, par deux recours distincts, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet du Var a rejeté sa demande de titre de séjour formée le 26 avril 2018, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 20 novembre 2018 par lequel cette même autorité a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1803487, 1803739 du 8 février 2019, le tribunal administratif de Toulon a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet du préfet et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 8 avril 2019, M. A... B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 février 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 novembre 2018 du préfet du Var ;

3°) d'enjoindre au préfet du Var de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté querellé méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cet arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée au préfet du Var qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coutier, premier conseiller,

- et les observations de Me C..., représentant M. A... B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B... doit être regardé comme relevant appel de l'article 2 du jugement du 8 février 2019 du tribunal administratif de Toulon en ce qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 novembre 2018 par lequel le préfet du Var a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des écritures présentées par M. A... B... devant le tribunal qu'il a cité, au soutien de son moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet en rejetant sa demande d'admission au séjour, les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que celles de l'article L. 313-14 du même code. En s'abstenant de viser et de répondre au moyen tiré de la méconnaissance de ces dernières dispositions alors que, l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien stipulant que les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale", ce moyen n'était pas inopérant, les premiers juges ont entaché leur jugement d'irrégularité. Par suite, ce jugement doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... B... devant le tribunal administratif de Toulon.

4. En premier lieu, et d'une part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. D'autre part, aux termes de l'article 11 de l'accord franco-tunisien : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. / Chaque État délivre notamment aux ressortissants de l'autre État tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation ". Aux termes de l'article 7 quater du même accord : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ". Et aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. (...) ".

6. Enfin, selon l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. ".

7. Alors que M. A... B..., de nationalité tunisienne, allègue être entré en France en 2005, les pièces qu'il produit dans l'instance, essentiellement constituées jusqu'en 2013 de documents bancaires et médicaux épars, de quelques factures et d'un contrat d'abonnement auprès d'un opérateur de téléphonie mobile, ne permettent pas d'établir qu'il y a séjourné de façon continue et habituelle durant cette période. S'il justifie en revanche, notamment par la production de bulletins de salaire attestant de l'exercice d'une activité professionnelle dans le secteur de la restauration, d'un contrat de fourniture d'énergie électrique et de documents fiscaux dont des avis de taxe d'habitation, d'une telle présence à partir de l'année 2014, il totalise en tout état de cause un peu moins de cinq ans de séjour en France à la date de la décision attaquée et n'a en réalité exercé une activité professionnelle que durant six mois au cours de l'année 2014, six mois en 2015, neuf mois en 2016, huit mois en 2017 et trois mois en 2018, auprès d'employeur différents et pour des emplois variés, à savoir employé polyvalent dans une brasserie, puis pizzaiolo, puis gardien. Par ailleurs, si M. A... B... fait valoir que son épouse de nationalité tunisienne, qui est enceinte et doit accoucher en février 2019, vit en France à ses côtés, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que la présence de l'intéressée sur le territoire français, qui n'est matérialisé que par un compte rendu d'examen médical du 23 août 2018, est récente, le requérant n'ayant d'ailleurs pas déclaré sa présence en France dans le formulaire de demande de titre de séjour déposé le 26 avril 2018 et, d'autre part, que ce séjour est irrégulier. En outre, M. A... B..., qui ne justifie pas de l'existence ni de l'intensité d'autres liens personnels ou familiaux en France, ne saurait sérieusement invoquer une " parfaite intégration dans la société française " dès lors qu'il ressort des pièces produites par le préfet du Var et non contestées que l'intéressé a présenté une fausse carte nationale d'identité française pour ouvrir un compte bancaire et qu'il a fourni des attestations Pôle Emploi comportant des numéros de sécurité sociale différents. Enfin, M. A... B... n'était pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, la Tunisie, où il a passé la majeure partie de sa vie, où résident ses parents et ses deux frères et soeurs et où rien ne s'opposait à la reconstitution de sa vie familiale, avec son épouse et leur enfant à naître. Dans ces conditions, en rejetant la demande d'admission au séjour présentée par l'intéressé, le préfet du Var n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni encore celles de l'article L. 313-14 du même code. Le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.

8. En second lieu, il résulte des dispositions des articles L. 312-1 et L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la commission du titre de séjour instituée dans chaque département est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11, ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 du même code. Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à ces articles, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Il résulte de ce qui a été exposé ci-dessus que M. A... B... n'entre pas dans les catégories lui permettant de prétendre à un titre de séjour de plein droit. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet était tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 20 novembre 2018 du préfet du Var. Il y a lieu, par conséquent, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées tant en appel qu'en première instance.

D É C I D E :

Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Toulon du 8 février 2019 est annulé.

Article 2 : La demande d'annulation de l'arrêté du 20 novembre 2018 du préfet du Var présentée par M. A... B... devant le tribunal administratif de Toulon est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... B..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Var.

Délibéré après l'audience du 13 mars 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président-assesseur,

- M. Coutier, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mars 2020.

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N° 19MA01673

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA01673
Date de la décision : 27/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Bruno COUTIER
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : BOCHNAKIAN et LARRIEU-SANS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-03-27;19ma01673 ?
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