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27/03/2020 | FRANCE | N°17MA04620

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 27 mars 2020, 17MA04620


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... D... ont saisi le tribunal administratif de Nîmes d'une demande tendant à la " contestation contre le plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) passé en commission d'enquête fin 2016 ".

Par une ordonnance n° 1702995 du 3 octobre 2017, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande comme manifestement irrecevable, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :
r>Par une requête enregistrée le 2 décembre 2017, M. et Mme D..., représentés par Me E..., d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... D... ont saisi le tribunal administratif de Nîmes d'une demande tendant à la " contestation contre le plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) passé en commission d'enquête fin 2016 ".

Par une ordonnance n° 1702995 du 3 octobre 2017, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande comme manifestement irrecevable, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 2 décembre 2017, M. et Mme D..., représentés par Me E..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Nîmes du 3 octobre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2017 par lequel le préfet du Gard a approuvé le plan de prévention des risques inondation de la commune de Caveirac ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'ordonnance attaquée est entachée de dénaturation des pièces du dossier et d'erreur de droit en considérant que leur requête était dirigée contre un acte préparatoire et que de tels actes ne pouvaient faire l'objet d'un recours en annulation pour excès de pouvoir ;

- la requête devait être soumise au contradictoire ;

- l'arrêté approuvant la révision partielle du PPRI est entaché d'un vice de procédure substantiel dès lors que les documents soumis à consultation et à enquête publique ne comportaient ni le document graphique ni le règlement, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 562-10 du code de l'environnement ;

- l'arrêté du 30 janvier 2015 par lequel le préfet du Gard a prescrit la révision partielle du PPRI ne comporte pas en annexe la décision du 15 janvier 2015 de l'autorité de l'Etat compétente en matière d'environnement en méconnaissance de l'article R. 562-2 du code de l'environnement ;

- le dossier soumis à enquête publique ne comportait pas une cartographie représentant le périmètre des treize territoires des communes concernées par le PPRI en méconnaissance de l'article R. 562-3 du code de l'environnement ;

- le classement des parcelles cadastrées AE n° 67 et n° 69 est entaché d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 avril 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que c'est à bon droit que le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Nîmes a rejeté la requête de M. et Mme D... sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative du fait de son caractère manifestement irrecevable.

Par lettre du 20 février 2020, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les moyens de légalité externe exposés pour la première fois dans la requête d'appel ne sont pas recevables dès lors qu'ils relèvent d'une cause juridique distincte du moyen soulevé dans le cadre de la demande de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 2 avril 1996, le préfet du Gard a approuvé le plan de prévention des risques d'inondation relatif au ruisseau " Le Rhony " sur le territoire de la commune de Caveirac. Suite à différentes inondations en 2002, 2005 et 2014, par un arrêté du 30 janvier 2015, le préfet du Gard a prescrit la révision partielle du PPRI approuvé le 2 avril 1996. Par un arrêté du 11 octobre 2016, le préfet a ordonné la réalisation d'une enquête publique qui s'est tenue du 16 novembre au 19 décembre 2016. Par un arrêté du 17 juillet 2017, le préfet du Gard a approuvé la révision du PPRI relatif au ruisseau " Le Rhony " sur le territoire de la commune de Caveirac. M. et Mme D... ont saisi le tribunal administratif de Nîmes d'une demande tendant à la " contestation contre le PPRI passé en commission d'enquête fin 2016 ". Cette demande a été requalifiée par le président de la 4ème chambre du tribunal administratif du Nîmes comme visant à contester le PPRI en tant qu'il classe en zone non urbaine inondable la parcelle leur appartenant sur le territoire de la commune de Caveirac. Toutefois par une ordonnance du 3 octobre 2017, le premier juge a rejeté cette demande sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative comme " entachée d'une irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance " au motif qu'elle était dirigée contre des actes préparatoires. M. et Mme D... relèvent appel de cette ordonnance.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel (...) et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à /es régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ;(...) ". Aux termes de l'article R. 411-1du même code : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".

3. Il ressort des pièces du dossier, que M. et Mme D... ont saisi le tribunal administratif de Nîmes d'une demande tendant à la " contestation contre le PPRI passé en commission d'enquête fin 2016 ". Cette demande a été requalifiée par le président de la 4ème chambre du tribunal administratif comme visant à contester le PPRI en tant qu'il classe en zone non urbaine inondable le terrain leur appartenant. Il a toutefois, dans le même temps, estimé que les conclusions de la demande étaient finalement dirigées contre des actes préparatoires insusceptibles de faire l'objet d'un recours en excès de pouvoir. Cependant, à la date de l'ordonnance attaquée, l'arrêté préfectoral approuvant le PPRI avait été édicté, de sorte qu'il aurait dû inviter les requérants à régulariser leur demande par la communication de la décision contestée. Par suite, le recours présenté devant le tribunal administratif par M. et Mme D... était recevable. Dans ces conditions, l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité.

4. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler l'ordonnance attaquée et de statuer, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par M. et Mme D... devant le tribunal administratif de Marseille.

Sur la légalité de l'arrêté du 17 juillet 2017 par lequel le préfet du Gard a approuvé le plan de prévention des risques inondation de la commune de Caveirac :

En ce qui concerne la légalité externe :

5. M. et Mme D... ont soulevé pour la première fois le 2 décembre 2017, date d'enregistrement de leur requête devant la Cour, des moyens tirés de l'insuffisance du dossier soumis à enquête publique et de l'absence, en annexe de l'arrêté du 30 janvier 2015 par lequel le préfet du Gard a prescrit la révision partielle du PPRI, de la décision du 15 janvier 2015 de l'autorité de l'Etat compétente en matière d'environnement. Toutefois ces moyens, qui ne sont pas d'ordre public, ne sont pas recevables dès lors qu'ils se rattachent à une cause juridique différente de celle dont relève le seul moyen de légalité interne soulevé dans le délai de recours contentieux devant le tribunal.

En ce qui concerne la légalité interne :

6. M. et Mme D... soutiennent que le classement des parcelles leur appartenant cadastrées AE n° 67 et n° 69, situées 542 chemin de Bernis, lieu-dit les Rôles, en zone rouge F-NU, " zone non urbaine inondable par un aléa fort ", est entaché d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation. Au soutien de leur moyen, les appelants font d'abord valoir que l'administration ne dispose d'aucun élément démontrant le risque d'inondation sur leurs parcelles. En particulier, il ne ressortirait pas de l'étude hydraulique menée en avril 2016 par le cabinet d'étude Egis Eau, que leurs parcelles auraient subi un évènement historique d'inondation lors des crues de 1988, 2002, 2008 ou 2014. Toutefois la carte de localisation des zones inondées du Rhony lors de la crue de référence de 1988 fait apparaître que les parcelles concernées sont incluses dans le périmètre des zones inondées. La circonstance, à la supposer établie, que les parcelles n'auraient pas été inondées en 1988 n'a pas d'incidence dès lors que le modèle hydraulique ne s'est pas borné à reprendre les limites de la crue de référence mais a effectué une projection au regard de la configuration actuelle du territoire communal, compte tenu notamment des conditions actuelles d'urbanisation et d'imperméabilisation des sols. Les requérants contestent aussi ce classement en produisant une étude hydraulique réalisée à leur demande par le cabinet Hydraul' IC en mai 2017. Il ressort de cette étude que les parcelles en cause sont traversées par un cours d'eau drainé par un bassin versant. Les secteurs inondables comprennent le fossé, les zones habitées en rive droite et le chemin de Bernis qui est inondé jusqu'à la parcelle 70. Contrairement aux allégations précédentes des appelants, ce document confirme que leurs parcelles sont bien inondables. Plus précisément, toujours selon cette étude, la parcelle 67, située en rive droite du cours d'eau, se trouve dans une zone inondable dont les hauteurs d'eau sont comprises entre 10 et 30 cm et jusqu'à 40 cm aux points les plus bas. Ces hauteurs d'eau dépassent même 50 cm au niveau du fossé situé au droit de cette parcelle. La parcelle 69 située en rive gauche du cours d'eau est également inondable sur sa partie basse aux abords immédiats du fossé. Cette étude, eu égard à la marge d'incertitude qui s'attache nécessairement aux prévisions quant aux inondations, n'est pas de nature à remettre en cause le zonage du PPRI en litige. Au demeurant, il résulte du rapport d'enquête publique, que M. et Mme D..., qui ont créé un poney-club sur leur terrain, ont présenté l'observation suivante : " suite à l'implantation de l'Intermarché, les voies d'écoulement des terrains ont été bouchées et bétonnées ce qui a accru logiquement les risques d'inondation des terrains à proximité. Nous avons proposé à la commune de réaliser un bassin de rétention ". Dans ces conditions, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de l'erreur de fait et de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entaché le classement en zone rouge des parcelles des intéressés.

Sur les frais liés au litige :

7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. et Mme D... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : L'ordonnance du 3 octobre 2017 du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Nîmes est annulée.

Article 2 : La demande de M. et Mme D... présentée devant le tribunal administratif de Marseille et le surplus de leurs conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... et Martine D... et à la ministre de la transition écologique et solidaire.

Copie en sera délivrée au préfet du Gard.

Délibéré après l'audience du 13 mars 2020, où siégeaient :

- M. Pocheron, président

- M. Guidal, président assesseur,

- Mme C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mars 2020.

N° 17MA04620

bb


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-02-01-02 Procédure. Diverses sortes de recours. Recours pour excès de pouvoir. Conditions de recevabilité.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jeannette FEMENIA
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : DSC AVOCATS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Date de la décision : 27/03/2020
Date de l'import : 18/04/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 17MA04620
Numéro NOR : CETATEXT000041781244 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-03-27;17ma04620 ?
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