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10/03/2020 | FRANCE | N°17MA05034

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 10 mars 2020, 17MA05034


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête n° 1600177, Mme C... E... et M. B... E... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler le titre exécutoire émis par la commune de Caux le 22 octobre 2015 en vue du recouvrement de la somme de 9 815,67 euros et de les décharger de l'obligation de payer cette somme.

Par une requête n° 1600179, M. et Mme E... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'une part, d'annuler la décision du 16 novembre 2015 par laquelle le maire de Caux a rejeté leur demande d

u 4 novembre 2015 tendant à ce qu'il leur soit exigé le versement de la taxe lo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête n° 1600177, Mme C... E... et M. B... E... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler le titre exécutoire émis par la commune de Caux le 22 octobre 2015 en vue du recouvrement de la somme de 9 815,67 euros et de les décharger de l'obligation de payer cette somme.

Par une requête n° 1600179, M. et Mme E... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'une part, d'annuler la décision du 16 novembre 2015 par laquelle le maire de Caux a rejeté leur demande du 4 novembre 2015 tendant à ce qu'il leur soit exigé le versement de la taxe locale d'équipement et de les décharger de l'obligation du paiement de la participation instituée au titre du programme d'aménagement d'ensemble (PAE) " Le Causse " et d'autre part, d'enjoindre à la commune de Caux de liquider la participation d'urbanisme au titre de la taxe locale d'équipement.

Par un jugement n° 1600177, 1600179 du 27 octobre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a, d'une part, annulé le titre exécutoire émis le 22 octobre 2015 par la commune de Caux et la décision du maire de Caux du 16 novembre 2015, déchargé M. et Mme E... de l'obligation de payer la somme de 9 815,67 euros et d'autre part, rejeté le surplus de leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 décembre 2017, la commune de Caux, représentée par la SCP Margall-F..., demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1 et 2 de ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 27 octobre 2017 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par M. et Mme E... devant le tribunal administratif de Montpellier ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme E... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, les premiers juges ont rejeté à tort l'exception de chose jugée s'attachant à l'arrêt n° 12MA01476 du 13 janvier 2015 alors que les parties, l'objet et la cause sont identiques au présent recours et il leur appartenait de rejeter la demande pour irrecevabilité ;

- à titre subsidiaire, le maire pouvait donc légalement émettre le 25 octobre 2015 un titre exécutoire à l'encontre de M. et Mme E... en exécution de cet arrêt devenu définitif dès lors que ce titre n'est pas dépourvu de cause et il était tenu de mettre en oeuvre le recouvrement des sommes dues en l'exécution du programme d'aménagement d'ensemble ;

- le recours contre ce titre a pour objet exclusif de faire obstacle à l'exécution de cet arrêt passé en force de chose jugée ;

- la délibération instituant le programme d'aménagement d'ensemble est légale, n'ayant jamais fait l'objet de recours en annulation ;

- l'action en répétition de l'indu se prescrit par cinq ans.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2019, M. et Mme E..., représentés par la SCP SVA, concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Caux, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par la commune de Caux ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné le 16 janvier 2020, Mme A..., présidente assesseure, pour assurer les fonctions de présidente par intérim de la 9ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme H...,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me F..., représentant la commune de Caux, et de Me D..., représentant M. et Mme E....

Considérant ce qui suit :

1. Par délibération du 14 septembre 1989, le conseil municipal de Caux a institué un programme d'aménagement d'ensemble (PAE) dans le secteur " Le Causse ". Par arrêté du 13 juillet 2000, le maire de Caux a délivré à M. et Mme E... un permis de construire en vue d'édifier une maison à usage d'habitation sur la parcelle cadastrée B section n° 1172 d'une surface de 1.145 m², située dans le périmètre de ce programme et leur a imposé le paiement d'une participation au titre du PAE précité d'un montant de 63 455,90 francs, soit 9 673,80 euros. En vue du recouvrement de cette participation, la commune a émis deux titres exécutoires n° 169 et n° 166 respectivement les 8 septembre 2000 et 28 septembre 2001. M. et Mme E... ont intégralement réglé le paiement de ces titres par des versements dont les derniers sont intervenus en octobre 2003 pour le titre n° 169 et le 12 juin 2007 pour le titre n° 166. Le 21 octobre 2010, M. et Mme E... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier le remboursement de l'intégralité de la participation. Par un jugement du 16 février 2012, le tribunal administratif de Montpellier a condamné la commune de Caux à verser à M. et Mme E... la somme de 9 673,80 euros assortie des intérêts au taux légal. La commune de Caux a exécuté le jugement en versant le 18 avril 2013 à M. et Mme E... une somme de 9 792, 62 euros, dont 9 673,80 euros au titre du PAE et 118,82 euros au titre des intérêts légaux. Par arrêt n° 12MA01476 du 13 janvier 2015, la Cour administrative d'appel de Marseille a, sur la requête de la commune, annulé ce jugement. Par courrier du 15 octobre 2015, le maire de Caux a informé M. et Mme E... qu'il émettait à leur encontre un titre exécutoire de 9 815,67 euros. Le titre exécutoire a été émis le 22 octobre 2015. Par courrier du 4 novembre 2015, le conseil de M. et Mme E... ayant adressé une réclamation préalable afin de demander que la créance litigieuse soit calculée sur la base de la taxe locale d'équipement (TLE) et non de la participation au PAE, le maire de Caux a rejeté cette demande par une décision du 16 novembre 2015. Par un jugement du 27 octobre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a, d'une part, annulé le titre exécutoire émis le 22 octobre 2015 et la décision du 16 novembre 2015 du maire de Caux, déchargé M. et Mme E... de l'obligation de payer la somme de 9 815,67 euros et, d'autre part, a rejeté le surplus de leur demande. La commune de Caux relève appel des articles 1er et 2 de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 1351 du code civil : " L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. ". L'autorité de chose jugée dont est revêtu un jugement s'attache à son dispositif et aux points qu'il a tranchés implicitement ou explicitement et qui viennent au soutien de son dispositif.

3. La commune de Caux soutient qu'eu égard à l'autorité de chose jugée s'attachant à l'arrêt de la Cour, rendu le 13 janvier 2015, les demandes présentées par M. et Mme E... devant le tribunal administratif de Montpellier étaient irrecevables. Toutefois, l'exception ainsi soulevée ne constitue pas une fin de non-recevoir mais un moyen en défense. Dès lors, la commune de Caux ne peut soutenir que les demandes de première instance étaient irrecevables.

4. En deuxième lieu, devant le tribunal administratif de Montpellier, par requête n° 1004691, le 21 octobre 2010, M. et Mme E... ont demandé, sur le fondement de l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme, la répétition de la somme acquittée correspondant à la participation au PAE " Le Causse " mise à leur charge par le permis de construire qui leur avait été délivré le 13 juillet 2000. Dans son arrêt du 13 janvier 2015, la Cour a annulé le jugement ayant rejeté leur demande en considérant que, sur le fondement de l'article L. 332-30, contrairement à ce qu'avait jugé le tribunal administratif de Montpellier, d'une part, l'illégalité de certaines dispositions du PAE dont M. et Mme E... entendaient se prévaloir à l'appui de leur demande ne permettait pas de regarder la participation contestée comme dépourvue de cause au sens de ces dispositions. D'autre part, la Cour a estimé qu'il ne résultait pas de l'instruction que les requérants avaient entendu saisir le juge d'une " action de droit commun en répétition de l'indu ". La demande présentée, dans le présent litige, par requête n° 1600177, tend à l'annulation du titre exécutoire émis par la commune de Caux le 22 octobre 2015 en vue du recouvrement de la somme de 9 815,67 euros en application de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales et à les décharger de l'obligation de payer cette somme. La seconde requête n° 1600179 vise à l'annulation de la décision du 16 novembre 2015 par laquelle le maire de Caux a rejeté la demande formée par M. et Mme E... le 4 novembre 2015 afin de leur rendre exigible la taxe locale d'équipement au lieu de la participation contestée. Les recours engagés par M. et Mme E..., dans la présente instance, ne constituent pas l'action spécifique de répétition de l'indu fondée sur les dispositions de l'article L. 333-30 du code de l'urbanisme et, ainsi, ne sont pas fondés sur une cause qui serait identique à celle de la demande présentée le 21 octobre 2010 devant le tribunal administratif de Montpellier. Dès lors, en l'absence d'identité de cause entre les instances, la commune de Caux n'est pas fondée à soutenir que l'autorité de chose jugée s'attachant à l'arrêt de la Cour, rendu le 13 janvier 2015 s'oppose à l'examen des nouvelles demandes présentées par M. et Mme E....

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme en vigueur à la date de la délibération du conseil municipal de Caux du 14 septembre 1989 : " Dans les secteurs du territoire de la commune où un programme d'aménagement d'ensemble a été approuvé par le conseil municipal, celui-ci peut mettre à la charge des bénéficiaires d'autorisations de construire tout ou partie des dépenses de réalisation des équipements publics correspondant aux besoins des habitants actuels ou futurs du secteur concerné et rendus nécessaires par la mise en oeuvre du programme d'aménagement. /Dans les communes où la taxe locale d'équipement est instituée, les constructions édifiées dans ces secteurs sont exclues du champ d'application de la taxe. / Le conseil municipal détermine le secteur d'aménagement, la nature, le coût et le délai prévus pour la réalisation du programme d'équipements publics. Il fixe, en outre, la part des dépenses de réalisation de ce programme qui est à la charge des constructeurs, ainsi que les critères de répartition de celle-ci entre les différentes catégories de constructions. (...). "

6. Il résulte des dispositions de l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme que la délibération du conseil municipal instituant un plan d'aménagement d'ensemble et mettant à la charge des constructeurs une participation au financement des équipements publics à réaliser doit identifier avec précision les aménagements prévus ainsi que leur coût prévisionnel et déterminer la part de ce coût mise à la charge des constructeurs, afin de permettre le contrôle du bien-fondé du montant de la participation mise à la charge de chaque constructeur. Ces dispositions impliquent également, afin de permettre la répartition de la participation entre les constructeurs, que la délibération procède à une estimation quantitative des surfaces dont la construction est projetée à la date de la délibération et qui serviront de base à cette répartition.

7. Il résulte des termes mêmes de la délibération du conseil municipal du 14 septembre 1989 instituant le PAE " Les Causses " et de son annexe que la participation exigible au titre du PAE est calculée au prorata de la surface du terrain d'assiette de l'opération, soit tout le terrain urbanisable ou les surfaces libres, unités foncières entières afin de fixer une contribution mise à la charge des constructeurs et lotisseurs, également répartie sur toutes les unités foncières. En déterminant le critère de répartition de la participation entre les constructeurs sur cette base et non sur une estimation quantitative des surfaces dont la construction est projetée à la date de la délibération et qui serviront de base à cette répartition, le conseil municipal de Caux a entaché d'illégalité la délibération en cause quand bien même celle-ci déterminait la nature des équipements publics, leur coût, le délai prévu pour la réalisation du programme de ces équipements et fixait à concurrence de 60 % la part des dépenses de réalisation de ce programme. Dès lors, le titre de recette émis par la commune de Caux en recouvrement de la participation au titre du PAE " Le Causse ", prescrite par le permis de construire délivré le 13 juillet 2000, et la décision du maire du 16 novembre 2015 rejetant la réclamation préalable de M. et Mme E... sont entachés d'illégalité.

8. En quatrième lieu, contrairement à ce qu'affirme la commune de Caux, alors que celle-ci a entendu récupérer la somme versée en exécution du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 16 février 2012, le titre exécutoire émis le 22 octobre 2015 à l'encontre de M. et Mme E... ne constitue pas une mesure d'exécution de l'arrêt rendu par la Cour le 13 janvier 2015, laquelle a statué sur le bien-fondé de l'action en répétition de l'indu engagée par ceux-ci.

9. En dernier lieu, la commune de Caux ne peut utilement soutenir que M. et Mme E... qui ne se prévalent pas, comme il a été indiqué au point 4, des dispositions de l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme n'établissent pas que la participation au titre du PAE " Les Causses " serait dépourvue de cause et que l'action en répétition de l'indu prévue par ces dispositions serait prescrite.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Caux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé le titre de recette émis le 22 octobre 2015 par la commune de Caux et la décision du maire de Caux du 16 novembre 2015 et a déchargé M. et Mme E... de l'obligation de payer la somme de 9.815,67 euros.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. et Mme E..., qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnés à verser une somme à la commune de Caux au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Caux la somme de 2 000 euros à verser à M. et Mme E... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Caux est rejetée.

Article 2 : La commune de Caux versera une somme de 2 000 euros à M. et Mme E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Caux, à M. B... E... et à Mme C... E....

Délibéré après l'audience du 18 février 2020, où siégeaient :

- Mme A..., présidente assesseure, présidente de formation de jugement, en application de l'article R. 222 26 du code de justice administrative,

- Mme H..., première conseillère,

- Mme G..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 10 mars 2020.

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N° 17MA05034


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 17MA05034
Date de la décision : 10/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Procédure - Jugements - Chose jugée - Chose jugée par la juridiction administrative - Absence.

Urbanisme et aménagement du territoire - Contributions des constructeurs aux dépenses d'équipement public - Participation dans le cadre d'un programme d'aménagement d'ensemble.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIMON
Rapporteur ?: Mme Micheline LOPA-DUFRENOT
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SCP SVA

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-03-10;17ma05034 ?
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