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06/03/2020 | FRANCE | N°18MA00524

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 06 mars 2020, 18MA00524


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les associations France Nature Environnement (FNE), France Nature Environnement Languedoc-Roussillon (FNE LR) et la fédération pour les Espaces Naturels et l'Environnement des Pyrénées-Orientales (FRENE 66) ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de modifier les articles 2 et 3 de l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales, du 18 mai 2015, portant prescription complémentaire de relèvement du débit réservé au titre du code de l'environnement relatif à la prise d'eau de l'association synd

icale autorisée (ASA) du canal de Céret, Reynès, Maureillas et Saint-Jean-Pla-...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les associations France Nature Environnement (FNE), France Nature Environnement Languedoc-Roussillon (FNE LR) et la fédération pour les Espaces Naturels et l'Environnement des Pyrénées-Orientales (FRENE 66) ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de modifier les articles 2 et 3 de l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales, du 18 mai 2015, portant prescription complémentaire de relèvement du débit réservé au titre du code de l'environnement relatif à la prise d'eau de l'association syndicale autorisée (ASA) du canal de Céret, Reynès, Maureillas et Saint-Jean-Pla-de-Corts située sur la commune d'Amélie-les-Bains.

Par un jugement n° 1602587 du 12 décembre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a :

- à l'article 1er, remplacé les termes de l'article 2 de l'arrêté contesté par les dispositions suivantes : " Débit réservé : Le débit minimal à laisser à l'aval immédiat de la prise d'eau ne saurait être inférieur à 650 l/s ou au débit naturel du cours d'eau en amont de la prise si celui-ci est inférieur à cette valeur " ;

- à l'article 2, remplacé les termes " à compter du 1er janvier 2016 " de l'article 3 de l'arrêté contesté par les termes " à compter du 1er juin 2018 " ;

- à l'article 3, rejeté le surplus des conclusions de la requête et les conclusions de l'ASA du canal de Céret, Reynès, Maureillas et Saint-Jean-Pla-de-Corts présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistré le 6 février 2018, sous le n° 18MA00524, l'ASA du canal de Céret, Reynès, Maureillas et Saint-Jean-Pla-de-Corts, représentée par Me B... demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 12 décembre 2017 ;

2°) de rejeter la demande des associations France Nature Environnement, France Nature Environnement Languedoc-Roussillon et de la fédération pour les Espaces Naturels et l'Environnement des Pyrénées-Orientales ;

3°) de mettre à la charge des associations France Nature Environnement, France Nature Environnement Languedoc-Roussillon et de la fédération pour les Espaces Naturels et l'Environnement des Pyrénées-Orientales la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a commis une erreur de droit en omettant de mettre en oeuvre le principe de gestion équilibrée et de conciliation des intérêts posé par l'article L. 211-1 du code de l'environnement ;

- l'arrêté contesté n'avait pas à se conformer strictement aux conclusions de l'étude " volumes prélevables " de novembre 2011 qui ne constituent pas une référence contraignante ;

- l'arrêté contesté respecte l'équilibre entre les exigences de la vie biologique et la réponse aux besoins mesurés de l'agriculture et des autres usages ;

- la fixation du débit réservé en deçà du 10ème du module pendant l'année et le refus d'une modulation estivale au 20ème, aurait pour effet de remettre en cause la continuité du service public d'irrigation et d'entretien des canaux de l'ASA et porte une atteinte grave à la sécurité de la production agricole au sens de l'article L. 211-1 du code de l'environnement ainsi qu'aux autres activités humaines, publiques et privées.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 9 mai 2019, 10 juillet 2019 et 6 septembre 2019, les associations France Nature Environnement, France Nature Environnement Languedoc-Roussillon et la fédération pour les Espaces Naturels et l'Environnement des Pyrénées-Orientales, représentées par Me C..., concluent au rejet de la requête et demandent à la Cour de mettre à la charge de l'ASA du canal de Céret, Reynès, Maureillas et Saint-Jean-Pla-de-Corts la somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la chambre d'agriculture des Pyrénées-Orientales, intervenante volontaire n'est pas recevable à demander l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- les moyens soulevés par l'ASA du canal de Céret, Reynès, Maureillas et Saint-Jean-Pla-de-Corts et la chambre d'agriculture des Pyrénées-Orientales ne sont pas fondés.

Par des interventions, enregistrées les 19 juin 2019, 23 août 2019 et 26 septembre 2019 présentées à l'appui de la requête, la chambre d'agriculture des Pyrénées-Orientales, représentée par Me H..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 12 décembre 2017 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de rejeter les demandes des associations France Nature Environnement, France Nature Environnement Languedoc-Roussillon et de la fédération des espaces naturels des Pyrénées-Orientales ;

3°) de mettre à la charge in solidum des associations France Nature Environnement, France Nature Environnement Languedoc-Roussillon et de la fédération des espaces naturels des Pyrénées-Orientales la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son intervention est recevable dès lors que le seuil du débit réservé est de nature à porter préjudice aux usagers agricoles des canaux et à l'activité agricole en général ;

- les premiers juges ont, à tort, fixé le seuil du débit réservé sur le débit minimum biologique proposé par l'étude " volumes prélevables " de novembre 2011 qui est un débit mensuel ;

- ce seuil ne permet pas de concilier les usages tel que celui de l'agriculture en application de l'article L. 211-1 du code de l'environnement ;

- le décret n° 2019-827 du 3 août 2019 rappelle la nécessaire satisfaction des prélèvements destinés à l'irrigation gravitaire dans la fixation des débits réservés pour les canaux d'irrigation ;

- l'ASA respecte les objectifs environnementaux en termes de débit imposés par le SDAGE ;

- un plan d'investissements et des travaux permettront d'économiser l'eau et d'améliorer la qualité environnementale du Tech ;

- le CODERST a donné un avis majoritaire favorable.

Le mémoire, enregistré le 16 octobre 2019, présenté pour les associations France Nature Environnement, France Nature Environnement Languedoc-Roussillon et la fédération pour les Espaces Naturels et l'Environnement des Pyrénées-Orientales n'a pas été communiqué.

La requête a été communiquée à la ministre de la transition écologique et solidaire qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le décret n° 2019-827 du 3 août 2019 ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G...,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me B... et de M. F..., vice-président de l'ASA du canal de Céret, Reynès, Maureillas et Saint-Jean-Pla-de-Corts, représentant cette ASA, de Me A... et de M. D..., technicien eau, représentant la chambre d'agriculture des Pyrénées-Orientales et de Me C..., représentant les associations France Nature Environnement, France Nature Environnement Languedoc-Roussillon et la fédération pour les Espaces Naturels et l'Environnement des Pyrénées-Orientales.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 18 mai 2015 portant prescription complémentaire de relèvement du débit réservé au titre du code de l'environnement relatif à la prise d'eau de l'ASA du canal de Céret, Reynès, Maureillas et Saint-Jean-Pla-de-Corts, le préfet des Pyrénées-Orientales a décidé de fixer, à l'article 1er, le module inter-annuel au droit de la prise d'eau du canal de Céret à 5 200 l/s, à l'article 2, le débit réservé, en dehors de la période allant du 15 juin au 15 septembre de chaque année à 520 l/s et pour la période allant du 15 juin au 15 septembre à 260 l/s. L'article 3 de cet arrêté prévoit que les dispositions de l'article 2 seront mises en oeuvre à compter du 1er janvier 2016. L'ASA du canal de Céret, Reynès, Maureillas et Saint-Jean-Pla-de-Corts relève appel du jugement du 12 décembre 2017 du tribunal administratif de Montpellier qui a modifié les articles 2 et 3 de l'arrêté précité en prévoyant, d'un part, que le débit minimal à laisser à l'aval immédiat de la prise d'eau ne saurait être inférieur à 650 l/s ou au débit naturel du cours d'eau en amont de la prise si celui-ci est inférieur à cette valeur et, d'autre part, que ces dispositions de l'article 2 seront mises en oeuvre à compter du 1er juin 2018.

Sur l'intervention de la chambre d'agriculture des Pyrénées-Orientales :

2. Aux termes de l'article L. 510-1 du code rural et de la pêche maritime : " (...) Les établissements qui composent le réseau des chambres d'agriculture ont, dans le respect de leurs compétences respectives, une fonction de représentation des intérêts de l'agriculture auprès des pouvoirs publics et des collectivités territoriales. / Ils contribuent, par les services qu'ils mettent en place, au développement durable des territoires ruraux et des entreprises agricoles, ainsi qu'à la préservation et à la valorisation des ressources naturelles, à la réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et à la lutte contre le changement climatique. (...) ".

3. En vertu de l'article L. 510-1 du code rural et de la pêche maritime, la chambre d'agriculture, assure une fonction de représentation des intérêts de l'agriculture auprès des pouvoirs publics et contribue au développement durable des territoires ruraux et des entreprises agricoles, ainsi qu'à la préservation et à la valorisation des ressources naturelles. Dès lors, elle justifie, part son objet et ses fonctions, d'un intérêt de nature à la rendre recevable à intervenir dans le présent litige.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Il appartient au juge de plein contentieux des installations soumises à la législation sur l'eau de se prononcer sur l'étendue des obligations mises à la charge des exploitants par l'autorité compétente au regard des circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle il statue.

5. Aux termes de l'article L. 214-18 du code de l'environnement : " I.- Tout ouvrage à construire dans le lit d'un cours d'eau doit comporter des dispositifs maintenant dans ce lit un débit minimal garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces vivant dans les eaux au moment de l'installation de l'ouvrage ainsi que, le cas échéant, des dispositifs empêchant la pénétration du poisson dans les canaux d'amenée et de fuite. / Ce débit minimal ne doit pas être inférieur au dixième du module du cours d'eau en aval immédiat ou au droit de l'ouvrage correspondant au débit moyen interannuel, évalué à partir des informations disponibles portant sur une période minimale de cinq années, ou au débit à l'amont immédiat de l'ouvrage, si celui-ci est inférieur. (...)/ II.- Les actes d'autorisation ou de concession peuvent fixer des valeurs de débit minimal différentes selon les périodes de l'année, sous réserve que la moyenne annuelle de ces valeurs ne soit pas inférieure aux débits minimaux fixés en application du I. En outre, le débit le plus bas doit rester supérieur à la moitié des débits minimaux précités. Lorsqu'un cours d'eau ou une section de cours d'eau est soumis à un étiage naturel exceptionnel, l'autorité administrative peut fixer, pour cette période d'étiage, des débits minimaux temporaires inférieurs aux débits minimaux prévus au I. (...) / IV.- Pour les ouvrages existant à la date de promulgation de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques, les obligations qu'elle institue sont substituées, dès le renouvellement de leur concession ou autorisation et au plus tard le 1er janvier 2014, aux obligations qui leur étaient précédemment faites. Cette substitution ne donne lieu à indemnité que dans les conditions prévues au III de l'article L. 214-17. ". Aux termes de l'article L. 211-1 du même code : " I.- Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; (...) / 1° La prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ; (...) / 2° La protection des eaux et la lutte contre toute pollution (...) / ; / 3° La restauration de la qualité de ces eaux et leur régénération ; / 4° Le développement, la mobilisation, la création et la protection de la ressource en eau ; / 5° La valorisation de l'eau comme ressource économique et, en particulier, pour le développement de la production d'électricité d'origine renouvelable ainsi que la répartition de cette ressource ; / 5° bis La promotion d'une politique active de stockage de l'eau pour un usage partagé de l'eau permettant de garantir l'irrigation, élément essentiel de la sécurité de la production agricole et du maintien de l'étiage des rivières, et de subvenir aux besoins des populations locales ; / 6° La promotion d'une utilisation efficace, économe et durable de la ressource en eau ; / 7° Le rétablissement de la continuité écologique au sein des bassins hydrographiques. (...) / II.- La gestion équilibrée doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l'alimentation en eau potable de la population. Elle doit également permettre de satisfaire ou concilier, lors des différents usages, activités ou travaux, les exigences : / 1° De la vie biologique du milieu récepteur, et spécialement de la faune piscicole et conchylicole ; / 2° De la conservation et du libre écoulement des eaux et de la protection contre les inondations ; / 3° De l'agriculture, des pêches et des cultures marines, de la pêche en eau douce, de l'industrie, de la production d'énergie, en particulier pour assurer la sécurité du système électrique, des transports, du tourisme, de la protection des sites, des loisirs et des sports nautiques ainsi que de toutes autres activités humaines légalement exercées. (...) ".

6. Ces dispositions combinées que l'administration est tenue de prendre en compte pour déterminer le débit à maintenir dans le lit du cours d'eau concerné peuvent conduire à fixer un débit supérieur au débit minimal prévu par l'article L. 214-18 du code de l'environnement pour assurer en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces peuplant les eaux en cause. Cet objectif peut, lui-même, conduire à fixer un débit supérieur au débit minimal en fonction des particularités du cours d'eau. Toutefois, l'administration ne peut prendre en compte les autres exigences prévues à l'article L. 211-1 du même code et notamment les besoins de l'activité agricole lorsque ce débit minimal n'est pas atteint.

7. Pour modifier le débit réservé fixé par cet arrêté, le tribunal s'est fondé sur une étude de détermination des volumes prélevables pour le bassin versant du Tech, réalisée entre juin 2009 et novembre 2011, sous pilotage de l'agence de l'Eau et de la direction départementale des territoires et de la mer, avec l'appui de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement et de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA) laquelle a été notifiée au préfet des Pyrénées-Orientales le 31 juillet 2013. Cette étude a permis de déterminer, selon plusieurs méthodes hydraulique et habitat (ESTIMHAB), qui correspondent à celles préconisées par la circulaire du 5 juillet 2011, des " valeurs guides " des débits minimums biologiques au droit de la prise d'eau du canal de Céret. Par ailleurs, dans une lettre du 16 mars 2015, la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) du Languedoc-Roussillon a informé le directeur départemental des territoires et de la mer des Pyrénées-Orientales de ce que l'étude des volumes préalables concernant les " débits biologiques " constituait les éléments de connaissance scientifique les plus aboutis, permettant de mettre en action les acteurs pour résorber le déficit. Si l'ASA du canal de Céret, Reynès, Maureillas et Saint-Jean-Pla-de-Corts soutient que cette étude est le contraire d'une étude spécifique au sens de la circulaire n° DEVL1117584C du 5 juillet 2011 relative à l'application de l'article L. 214-18 du code de l'environnement, cet article se borne à prévoir que le débit minimal est évalué à partir des informations disponibles portant sur une période minimal de cinq années, sans renvoyer aux études spécifiques mentionnées par la circulaire précitée. Ainsi, cette étude pouvait être prise en compte alors même qu'elle n'a aucune valeur contraignante et que son objet serait purement écologique.

8. La chambre d'agriculture des Pyrénées-Orientales n'est pas fondée à se prévaloir d'une confusion entre les notions de débit minimum biologique (DMB), de débit biologique et de débit réservé dès lors que l'arrêté contesté fait explicitement référence à la fixation " d'un débit minimum biologique " qui correspond, comme l'indique d'ailleurs la circulaire du 5 juillet 2011, à la notion définie par le premier paragraphe du I de l'article L. 214-18 du code de l'environnement, soit le " débit minimal garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces vivant dans les eaux ".

9. Ainsi qu'il a été dit au point 7, l'étude de détermination des volumes prélevables a permis de fixer des " valeurs guides " des débits minimums biologiques au droit de la prise d'eau du canal de Céret, à Amélie-les-Bains qui s'établissent à 580 l/s selon l'approche hydraulique et entre 590 et 690 l/s selon l'approche Estimhab. D'après cette étude, la valeur de 840 l/s constitue le seuil d'un fonctionnement " confortable " du cours d'eau et la valeur de 650 l/s correspond au seuil inférieur de la zone d'un fonctionnement " satisfaisant " de ce milieu. Par ailleurs, dans son avis du 16 mars 2015 adressé au CODERST, la DREAL a préconisé de fixer le débit réservé au droit du canal de Céret à 700 l/s, sans modulation sous cette valeur en étiage. Par suite, la valeur de 520 l/s prévue par l'arrêté contesté qui se situe très en deçà de la zone du fonctionnement satisfaisant pour la préservation de la ressource en eau, méconnaît les dispositions de l'article L. 214-18 du code de l'environnement. Il en va de même de la fixation, par l'article 2 de l'arrêté en litige, d'un débit réservé à 260 l/s entre le 15 juin et le 15 septembre, la DREAL estimant sur ce point qu'une telle modulation n'est pas justifiée au motif que le Tech présente naturellement un régime hydrique très soutenu en période d'étiage, avec une ressource en eau très conséquente l'été et qu'un débit inférieur à 600 l/s conduirait à une perte critique d'habitat piscicole. Si l'arrêté contesté multiplie par quatre le débit minimal laissé au cours d'eau par rapport à la situation antérieure, ce qui améliorerait considérablement la situation écologique au droit de l'ouvrage, ce fait n'est pas de nature à garantir en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces vivant dans les eaux au sens de ces dispositions. Les circonstances que le SDAGE Rhône Méditerranée 2016-2021 indique que l'objectif de " bon état écologique " au sens de la directive-cadre sur l'eau est atteint depuis 2015 de la source du Tech à Elne et qu'un plan d'investissement permettra de générer des économies d'eaux sont sans incidence. En outre, l'avis favorable du CODERST ne lie ni le préfet, ni la juridiction administrative. Il s'ensuit que le tribunal n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation ni n'a méconnu le champ d'application de la loi en fixant le seuil du débit minimal à laisser à l'aval immédiat de la prise d'eau à 650 l/s.

10. S'il résulte d'une analyse de la chambre d'agriculture des Pyrénées-Orientales réalisée au mois de janvier 2018 dont se prévaut la requérante que la valeur du débit minimum biologique de 650 l/s retenue par le tribunal entraîne davantage de jours de restriction en période d'été pour le canal de Céret par rapport aux valeurs fixées par l'arrêté contesté, cette étude ne démontre pas que l'ASA ne serait plus en mesure d'assurer son service public d'irrigation et d'entretien des canaux ni que ce débit réservé serait de nature à faire totalement disparaître les effets bénéfiques du réseau de ce canal. Elle n'établit pas davantage que cette valeur ne permettrait pas de satisfaire ou de concilier les exigences liées à l'agriculture. Par ailleurs, la seule production d'une lettre du 26 avril 2019 de la papeterie Sterimed qui emploie 280 salariés et bénéficie d'un droit d'eau sur le canal de Céret à hauteur de 2 000 l/s, qui se borne à demander des informations sur la procédure judiciaire en cours et mentionne que l'entreprise a remis un mémoire à la sous-préfecture de Céret, le 16 février 2018, faisant apparaître un déficit en eau sur la période courant de septembre 2017 à décembre 2017 avec un débit réservé tout juste atteint selon la base du jugement contesté au droit de la prise d'eau, ne laissant place à aucun prélèvement n'est pas de nature à établir que cet établissement ne disposerait plus du débit lui permettant de fonctionner pendant plusieurs mois de l'année. Ainsi, l'ASA du canal de Céret, Reynès, Maureillas et Saint-Jean- Pla-de-Corts et la chambre d'agriculture des Pyrénées-Orientales ne justifient pas de ce qu'un débit réservé fixé à 650 l/s serait contraire au principe de gestion équilibrée prévu par l'article L. 211-1 du code de l'environnement.

11. Aux termes de l'article R. 214-111 du code de l'environnement : " Doit être regardé comme présentant un fonctionnement atypique au sens du I de l'article L. 214-18 le cours d'eau ou la section de cours d'eau entrant dans l'un des cas suivants : (...) / 4° Il s'agit d'un cours d'eau méditerranéen dont la moyenne interannuelle du débit mensuel naturel le plus bas est inférieur au dixième du module. On entend par cours d'eau méditerranéen, les cours d'eau situés en Corse et, pour ceux relevant du bassin Rhône-Méditerranée, leurs parties situées dans les départements des Hautes-Alpes, des Alpes-de-Haute-Provence, des Alpes-Maritimes, du Var, des Bouches-du-Rhône, du Vaucluse, du Gard, de l'Hérault, de l'Aude, des Pyrénées-Orientales, de la Drôme, de l'Ardèche ou de la Lozère. (...) / Dans le cas prévu au 4°, la fixation d'un débit minimal inférieur est toutefois subordonnée à la condition que malgré la mise en oeuvre ou la programmation de toutes les mesures d'économie d'eau techniquement et économiquement réalisables, le respect du débit minimum du vingtième du module ne permet pas de satisfaire les prélèvements destinés à l'alimentation en eau potable ou à l'irrigation gravitaire en période d'étiage estival. Ce débit minimal inférieur est limité à une durée de trois mois à l'intérieur de la période d'étiage estival et ne peut pas être inférieur au quarantième du module. "

12. Il résulte de l'avis technique de la DREAL du 16 mars 2015 que la moyenne interannuelle du débit mensuel naturel le plus bas du Tech est supérieure au dixième du module interannuel fixé à 520 l/s. Dès lors, la chambre d'agriculture des Pyrénées-Orientales ne peut utilement se prévaloir des dispositions du 4° l'article R. 214-111 du code de l'environnement.

13. Il résulte de tout ce qui précède que l'ASA du canal de Céret, Reynès, Maureillas et Saint-Jean-Pla-de-Corts et la chambre d'agriculture des Pyrénées-Orientales ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a modifié les articles 2 et 3 de l'arrêté préfectoral du 18 mai 2015.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des associations France Nature Environnement, France Nature Environnement Languedoc-Roussillon et de la fédération pour les Espaces Naturels et l'Environnement des Pyrénées-Orientales, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme que l'ASA du canal de Céret, Reynès, Maureillas et Saint-Jean-Pla-de-Corts demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ASA du canal de Céret, Reynès, Maureillas et Saint-Jean Pla-de-Corts la somme globale de 2 000 euros au titre des frais exposés par les associations France Nature Environnement, France Nature Environnement Languedoc-Roussillon et la fédération pour les Espaces Naturels et l'Environnement des Pyrénées-Orientales et non compris dans les dépens.

15. Les conclusions présentées au même titre par la chambre d'agriculture des Pyrénées-Orientales, qui, dans la présente instance, a la qualité d'intervenante et non celle de partie au sens des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : L'intervention de la chambre d'agriculture des Pyrénées-Orientales est admise.

Article 2 : La requête de l'ASA du canal de Céret, Reynès, Maureillas et Saint-Jean-Pla-de-Corts est rejetée.

Article 3 : L'ASA du canal de Céret, Reynès, Maureillas et Saint-Jean Pla-de-Corts versera aux associations France Nature Environnement, France Nature Environnement Languedoc-Roussillon et à la fédération pour les Espaces Naturels et l'Environnement des Pyrénées-Orientales une somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association syndicale autorisée (ASA) du canal de Céret, Reynès, Maureillas et Saint-Jean-Pla-de-Corts, à l'association France Nature Environnement, à l'association France Nature Environnement Languedoc-Roussillon, à la fédération pour les Espaces Naturels et l'Environnement des Pyrénées-Orientales et à la chambre d'agriculture des Pyrénées-Orientales.

Copie en sera adressée à la ministre de la transition écologique et solidaire et au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 21 février 2020, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- Mme G..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 6 mars 2020.

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N° 18MA00524

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA00524
Date de la décision : 06/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Eaux - Ouvrages - Établissement des ouvrages - Prises d'eau.

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement - Règles de procédure contentieuse spéciales - Pouvoirs du juge.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : SCP LESAGE - BERGUET - GOUARD-ROBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-03-06;18ma00524 ?
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