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06/03/2020 | FRANCE | N°17MA03301

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 06 mars 2020, 17MA03301


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Valbeach a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision par laquelle le préfet de l'Hérault a implicitement rejeté sa demande tendant à l'abrogation de l'arrêté du 23 juin 2011 par lequel il a approuvé le plan de prévention des risques d'inondation de la commune de Sérignan.

Par un jugement n° 1505276 du 6 juin 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une r

equête enregistrée le 25 juillet 2017, la SCI Valbeach, représentée par Me A..., demande à la Cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Valbeach a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision par laquelle le préfet de l'Hérault a implicitement rejeté sa demande tendant à l'abrogation de l'arrêté du 23 juin 2011 par lequel il a approuvé le plan de prévention des risques d'inondation de la commune de Sérignan.

Par un jugement n° 1505276 du 6 juin 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 25 juillet 2017, la SCI Valbeach, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 6 juin 2017 ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet du préfet de l'Hérault d'abroger l'arrêté du 23 juin 2011 portant approbation du plan de prévention des risques d'inondation de la commune de Sérignan ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, le cas échéant sous astreinte, d'abroger l'arrêté du 23 juin 2011 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté du 30 mai 2007 par lequel le préfet de l'Hérault a prescrit l'élaboration du plan de prévention des risques d'inondation de la commune de Sérignan est dépourvu de caractère exécutoire dès lors qu'il n'a pas fait l'objet des formalités règlementaires de publicité ;

- cet arrêté ne procède pas à la désignation du service déconcentré de l'État en charge de l'instruction du plan de prévention des risques d'inondation pas plus qu'il ne définit les modalités de la concertation en méconnaissance de l'article R. 562-2 du code de l'environnement ;

- la carte du zonage règlementaire figurant dans le plan de prévention des risques d'inondation à une échelle 1/10 000 ne permet pas d'identifier précisemment les parcelles concernées par les zones qu'elle délimite ;

- le périmètre du plan de prévention des risques d'inondation aurait dû concerner également le territoire limitrophe de la commune de Valras Plage soumis au même aléa ;

- le classement de la parcelle cadastrée BN n° 107 en zone d'aléa fort est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 novembre 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société appelante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 30 mai 2007, le préfet de l'Hérault a prescrit l'élaboration d'un plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) sur le territoire de la commune de Sérignan. Par un arrêté du 22 novembre 2010, il a ordonné la réalisation d'une enquête publique, qui s'est tenue du 20 décembre 2010 au 27 janvier 2011. Par un arrêté du 23 juin 2011, le préfet a approuvé le PPRI de la commune de Sérignan. La société civile immobilière (SCI) Valbeach est propriétaire de la parcelle cadastrée BN n° 107, située au 64 avenue Charles Cauquil sur le territoire de la commune de Sérignan, qui a été classée en zone rouge au PPRI majoritairement indicée Rn et Rp pour le reste. Par un courrier du 9 juin 2015, la SCI Valbeach a saisi le préfet de l'Hérault d'une demande tendant à l'abrogation de l'arrêté du 23 juin 2011 en tant qu'il concerne son terrain. Cette demande a été implicitement rejetée. Par un jugement du 6 juin 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de la SCI Valbeach tendant à l'annulation de cette décision implicite de rejet et à ce qu'il soit enjoint au préfet de réexaminer sa demande d'abrogation. La SCI Valbeach relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de faits postérieures, sauf à ce que l'illégalité ait cessé (...) ".

3. Le contrôle exercé par le juge administratif sur un acte qui présente un caractère règlementaire porte sur la compétence de son auteur, les conditions de forme et de procédure dans lesquelles il a été édicté, l'existence d'un détournement de pouvoir et la légalité des règles générales et impersonnelles qu'il énonce, lesquelles ont vocation à s'appliquer de façon permanente à toutes les situations entrant dans son champ d'application tant qu'il n'a pas été décidé de les modifier ou de les abroger.

4. Le juge administratif exerce un tel contrôle lorsqu'il est saisi, par la voie de l'action, dans le délai de recours contentieux. En outre, en raison de la permanence de l'acte réglementaire, la légalité des règles qu'il fixe, comme la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir doivent pouvoir être mises en cause à tout moment, de telle sorte que puissent toujours être sanctionnées les atteintes illégales que cet acte est susceptible de porter à l'ordre juridique.

5. Après l'expiration du délai de recours contentieux, une telle contestation peut être formée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure prise pour l'application de l'acte réglementaire ou dont ce dernier constitue la base légale. Elle peut aussi prendre la forme d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision refusant d'abroger l'acte réglementaire. Si, dans le cadre de ces deux contestations, la légalité des règles fixées par l'acte réglementaire, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n'en va pas de même des conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux.

6. Il résulte de ce qui précède que la SCI appelante ne peut utilement invoquer par la voie de l'exception, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du refus d'abroger l'arrêté du 23 juin 2011, l'illégalité de l'arrêté du 30 mai 2007 par lequel le préfet de l'Hérault a prescrit l'élaboration du PPRI aux motifs du défaut d'accomplissement des formalités de publicité de cet arrêté, de l'absence de désignation du service déconcentré de l'État en charge de l'instruction du plan de prévention en méconnaissance de l'article R. 562-2 du code de l'environnement et de l'absence de définition des modalités de la concertation et de l'absence de pertinence de la définition du périmètre du PPRI limité au seul territoire de la commune de Sérignan. La société appelante ne peut pas davantage utilement soutenir que l'arrêté contesté du 23 juin 2011 comporte des documents graphiques insuffisamment précis, ce moyen étant également inopérant.

7. Aux termes de l'article L. 562-8 du code de l'environnement : " Dans les parties submersibles des vallées et dans les autres zones inondables, les plans de prévention des risques naturels prévisibles définissent, en tant que de besoin, les interdictions et les prescriptions techniques à respecter afin d'assurer le libre écoulement des eaux et la conservation, la restauration ou l'extension des champs d'inondation. ".

8. Selon les extraits du rapport de présentation, l'aléa a été déterminé à partir de plusieurs études et données disponibles : les cartes d'alea et de zonage du PPRI approuvé le 29 septembre 1999, l'atlas des zones inondables sur le cours d'eau de l'Orb de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) Languedoc Roussillon, le schéma de protection contre les inondations de la basse vallée de l'Orb réalisée en 2002 par le syndicat intercommunal de travaux pour l'aménagement de l'Orb entre Béziers et la mer, les études de détermination de l'aléa de référence par submersion marine sur la côte languedocienne menée par la DREAL Languedoc Roussillon entre 2005 et 2008, des éléments topographiques issus du modèle numérique de terrain et des relevés altimétriques ponctuels réalisés par des géomètres experts. La parcelle de la société appelante a été classée dans deux zones à risque du PPRI, majoritairement en zone Rn, secteur inondable soumis à un aléa fort caractérisé par une hauteur des plus hautes eaux (PHE) excédant 0,50 m par rapport au terrain naturel et des vitesses d'écoulement supérieures à 0,5 m/s, où les enjeux sont modérés compte tenu du caractère non urbanisé de la zone, qui a pour principe l'interdiction de toute construction nouvelle, y compris de nouveaux campings et parcs résidentiels de loisirs, ou d'augmenter la capacité d'accueil de ceux existants, et pour le reste en zone de précaution Rp, zone inondable d'aléa modéré et à enjeux modérés où toute construction nouvelle est interdite afin de ne pas l'exposer à un risque et de préserver les champs d'expansion de crues.

9. Si la société appelante conteste tout d'abord l'inscription de sa parcelle en zone non urbanisée, la réalité physique du secteur dans lequel s'insère sa propriété, seulement occupée par une station-service et un local commercial montre qu'elle est séparée du village d'une distance de 1 500 m environ et est entourée au nord de quelques constructions éparses n'ayant aucun caractère d'agglomération et pour le reste par une grande zone naturelle sur laquelle sont implantés des campings comprenant quelques constructions d'équipements collectifs. La parcelle est séparée de la commune voisine de Valras-Plage par une route départementale à l'ouest (l'avenue Charles Cauquil) et au sud-est par un ensemble de parcelles non bâties d'environ 1 hectare, en discontinuité de l'agglomération valrassienne créant de fait une coupure d'urbanisation manifeste. Dans ces conditions, et alors que le plan local d'urbanisme classe l'ensemble du secteur concerné en zone naturelle non équipée, la propriété de la SCI s'insère dans une zone naturelle. Il ressort également des pièces du dossier tant du plan de géomètre dressé le 20 octobre 2012 versé par l'appelante que du plan topographique produit en défense par le ministre de la transition écologique et solidaire, que la propriété est située pour près des 2/3 de sa surface en zone inondable, justifiant ainsi qu'elle soit soumise en majorité à un risque d'inondation fort. Enfin, la parcelle concernée se situe dans un champ d'expansion des crues subissant des inondations naturelles. A ce titre, elle a été classée dans la zone Rp du règlement du PPRI correspondant aux zones d'expansion de crue exposées à un aléa modéré où les constructions nouvelles sont interdites. La préservation de la capacité des champs d'expansion des crues, qui permet de limiter leur impact en aval, présente un caractère d'intérêt général et justifie, conformément aux prescriptions de l'article L. 562-8 du code de l'environnement, que puissent être déclarées inconstructibles ou enserrées dans des règles de constructibilité limitée, des zones ne présentant pas un niveau d'aléa fort. Enfin, si la société appelante soutient que le syndicat intercommunal de travaux pour l'aménagement de l'Orb entre Béziers et la Mer a mené la réalisation du programme dit du " Canal de Crête", qui permet, par la réalisation d'un fossé implanté en amont immédiat de la RD 64 entre Sérignan et Valras-Plage d'intercepter les ruissellements des eaux provenant des coteaux viticoles, puis de dériver ces eaux vers l'Orb afin d'éviter qu'elles ne traversent les lieux habités de Valras-Plage, il ressort des pièces du dossier que les travaux en question ont consisté à réaliser un fossé d'évacuation des eaux pluviales sur le territoire des deux communes afin de collecter et évacuer les eaux de ruissellement pluvial en provenance du plateau de Vendres. Ces ouvrages concernent le risque de ruissellement généré par une forte pluviométrie locale et ne relèvent donc pas d'ouvrages de protection contre le débordement de cours d'eau ou de submersion marine, seuls aléas étudiés et cartographiés dans le PPRI de Sérignan.

10. Il résulte de ce qui précède que la SCI Valbeach n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet de l'Hérault a refusé d'abroger l'arrêté du 23 juin 2011 approuvant le plan de prévention des risques d'inondation de la commune de Sérignan.

Sur les frais liés au litige :

11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SCI Valbeach demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SCI Valbeach est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Valbeach et à la ministre de la transition écologique et solidaire.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 21 février 2020, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- Mme C..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 6 mars 2020.

N° 17MA03301

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 17MA03301
Date de la décision : 06/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Plans d'aménagement et d'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jeannette FEMENIA
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : GUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-03-06;17ma03301 ?
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