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21/02/2020 | FRANCE | N°19MA02083

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 21 février 2020, 19MA02083


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler, d'une part, huit titres exécutoires émis à son encontre par le maire de Cannes, le 21 décembre 2006 sous le n° 259, le 8 septembre 2009 sous le n° 271, le 31 décembre 2009 sous le n° 404, le 15 septembre 2010 sous le n° 197, le 18 août 2011 sous les n° 243 et n° 245, le 10 novembre 2011 sous le n° 377, et le 17 novembre 2011 sous le n° 417, pour avoir paiement d'indemnités d'occupation sans droit ni titre du domaine public par son n

avire stationné au port Canto au cours des années 2005, 2006, 2007, 2008, 2009...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler, d'une part, huit titres exécutoires émis à son encontre par le maire de Cannes, le 21 décembre 2006 sous le n° 259, le 8 septembre 2009 sous le n° 271, le 31 décembre 2009 sous le n° 404, le 15 septembre 2010 sous le n° 197, le 18 août 2011 sous les n° 243 et n° 245, le 10 novembre 2011 sous le n° 377, et le 17 novembre 2011 sous le n° 417, pour avoir paiement d'indemnités d'occupation sans droit ni titre du domaine public par son navire stationné au port Canto au cours des années 2005, 2006, 2007, 2008, 2009 et 2010, et d'autre part un titre exécutoire émis le 1er juillet 2010 sous le n° 148 pour avoir paiement d'une somme de 3 000 euros mise à sa charge par le juge des référés du Conseil d'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que de prononcer la décharge des sommes correspondantes.

Par un jugement n° 1603111 du 18 décembre 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande et lui a infligé sur le fondement de l'article R. 741-12 du code de justice administrative une amende pour recours abusif de 1 000 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 mai 2019, M. D..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 18 décembre 2018 ;

2°) d'annuler les huit titres exécutoires n° 259 du 21 décembre 2006, n° 271 du 8 septembre 2009, n° 404 du 31 décembre 2009, n° 197 du 15 septembre 2010, n° 243 du 18 août 2011, n° 245 du 18 août 2011, n° 377 du 10 novembre 2011 et n° 417 du 17 novembre 2011 ;

3°) de le décharger des sommes de 6 412,50 euros et 6 333 euros mises en recouvrement par ces titres ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Cannes la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que sa requête dirigée contre les huit titres en litige était tardive pour ne pas avoir été formée dans le délai raisonnable d'un an alors qu'il n'a pris connaissance de l'existence de ces titres qu'à la fin du mois de mai 2016 ;

- dans cette mesure, sa requête ne présentait pas de caractère abusif ;

- les titres exécutoires en litige sont dépourvus de base légale dans la mesure où les délibérations tarifaires du conseil municipal dont ils entendent faire application sont dépourvues de caractère exécutoire faute d'avoir été régulièrement publiés ;

- c'est à tort que la commune lui a fait application du " tarif jour ", alors que l'occupation de son navire relevait du tarif à l'année.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2019, la commune de Cannes, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. D... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance est tardive ;

- les autres moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 10 octobre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 15 novembre 2019.

Un mémoire présenté pour M. D... a été enregistré le 27 novembre 2019, postérieurement à la clôture d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la commune de Cannes.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., dont le navire était amarré au port Pierre Canto de Cannes, n'était titulaire d'aucun titre d'occupation régulier de cet emplacement portuaire depuis qu'il avait refusé, en mars 2004, de signer la convention portant autorisation d'occupation du domaine public portuaire pour son navire. Il a maintenu celui-ci à cet emplacement au moins au cours des années 2005, 2006, 2007, 2008, 2009 et 2010 sans s'être acquitté des redevances légales, avant qu'il ne lui soit enjoint d'évacuer cet emplacement. La commune de Cannes a émis à son encontre les 21 décembre 2006, 8 septembre 2009, 31 décembre 2009, 15 septembre 2010, 18 août 2011, 10 novembre 2011 et 17 novembre 2011, huit titres exécutoires pour avoir paiement d'indemnités d'occupation sans droit ni titre du domaine public par son navire au titre des périodes d'occupation irrégulière. Le 1er juillet 2010 la commune a également émis un titre exécutoire pour avoir paiement d'une somme de 3 000 euros mise à la charge de M. D... par le juge des référés du Conseil d'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le 7 juillet 2016 M. D... a demandé au tribunal administratif de Nice l'annulation de ces neuf titres exécutoires ainsi que la décharge des sommes correspondantes. Par un jugement du 18 décembre 2018, ce tribunal a rejeté la demande de M. D..., au motif que, d'une part, s'agissant du titre n° 245 du 18 août 2011, il n'avait pas été produit malgré l'invitation qui avait été adressée en ce sens à l'intéressé et que, d'autre part, s'agissant des huit autres titres, ses conclusions étaient tardives. Le tribunal lui a également infligé sur le fondement de l'article R. 741-12 du code de justice administrative une amende pour recours abusif de 1 000 euros. M. D... relève appel de ce jugement. A hauteur d'appel, il ne demande plus à la Cour que l'annulation des huit titres exécutoires relatifs à l'occupation du domaine public portuaire, à l'exclusion de celui 1er juillet 2010 sous le n° 148 relatif aux frais mis à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative tout en contestant l'amende qui lui a été infligée.

Sur les conclusions dirigées contre le titre exécutoire n° 245 du 18 août 2011 :

2. Il n'appartient pas au juge d'appel, devant lequel l'appelant ne conteste pas la fin de non-recevoir opposée à ses conclusions par le juge de premier ressort, de rechercher d'office si cette fin de non-recevoir a été soulevée à bon droit. En l'espèce, M. D... ne conteste pas devant la Cour l'irrecevabilité qui a été opposée à ses conclusions de première instance dirigées contre le titre exécutoire n° 245 du 18 août 2011 au motif qu'il n'avait pas été produit malgré la demande de régularisation qui lui avait été adressée. Par suite, les conclusions de la requête dirigées contre ce titre ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions dirigées contre les sept autres titres exécutoires en litige :

3. Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Aux termes du 2° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, alors applicable : " L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite ". Le non-respect de l'obligation d'informer le débiteur sur les voies et les délais de recours, prévue par l'article R. 421-5 du code de justice administrative, ou l'absence de preuve qu'une telle information a été fournie, est de nature à faire obstacle à ce que le délai de forclusion, prévu par l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, lui soit opposable.

4. Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. Dans une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours ou l'absence de preuve qu'une telle information a été fournie ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par les textes applicables, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable.

5. S'agissant des titres exécutoires, sauf circonstances particulières dont se prévaudrait son destinataire, le délai raisonnable ne saurait excéder un an à compter de la date à laquelle le titre, ou à défaut, le premier acte procédant de ce titre ou un acte de poursuite a été notifié au débiteur ou porté à sa connaissance.

6. En l'espèce, la commune de Cannes ne justifie pas de la date de notification à M. D... des différents titres exécutoires restant en litige. En outre, si ces titres exécutoires comportent la mention selon laquelle ils peuvent être contestés dans un délai de deux mois, ils ne précisent pas la juridiction devant laquelle cette contestation doit être portée. Il s'ensuit que le délai de forclusion, prévu par l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, n'est pas opposable à l'intéressé.

7. En revanche, il résulte de l'instruction que les titres exécutoires n° 404 du 31 décembre 2009 et n° 197 du 15 septembre 2010 ont déjà été contestés par M. D... dans des instances distinctes devant le tribunal administratif de Nice par des requêtes enregistrées au greffe de ce tribunal, respectivement le 1er mars 2010 et le 8 décembre 2010 sous le n° 1000860 et le n° 1004854, qui ont été rejetées par deux ordonnances du 27 mars 2012. Il en est de même des trois titres exécutoires émis au cours de l'année 2011 sous les n° 243, 377 et 417 qui avaient déjà été contestés par l'intéressé devant le même tribunal par des requêtes enregistrées respectivement les 4 novembre 2011 et 31 janvier 2012, instances ayant donné lieu également à des jugements de rejet du 22 janvier 2015 (n° 1104305 et n° 1200496). En outre, il ressort du bordereau de situation établi le 19 janvier 2018 par le comptable public chargé du recouvrement des créances en litiges, que le titre exécutoire émis le 21 décembre 2006 sous le n° 259 a donné lieu à un règlement partiel de la somme correspondante par chèque bancaire du 29 mai 2009. Il en est de même du titre exécutoire émis le 8 septembre 2009 sous le n° 271, dont le montant a été acquitté à hauteur de 2 826 euros par chèque bancaire daté du 10 septembre 2009, du titre exécutoire n° 197 du 15 septembre 2010, réglé par un chèque du 13 décembre 2010, du titre exécutoire n° 243 du 18 août 2011 par un versement à la caisse du comptable d'une somme de 3 197,06 euros le 29 août 2011, du titre exécutoire n° 377 du 10 novembre 2011 qui a fait l'objet d'un règlement par mandat le 24 novembre 2011 à hauteur de 2 688 euros et enfin du titre exécutoire émis le 17 novembre 2011 sous le n° 417 qui a donné lieu au versement à la caisse du comptable d'une somme de 2 742 euros le 28 novembre 2011. Il s'ensuit que si la date de notification de ces différents titres de perception n'est pas établie, M. D... en avait nécessairement connaissance à la date à laquelle il les a contestés en justice et celle à laquelle il a payé, même partiellement, les sommes qui lui étaient ainsi réclamées. La seule circonstance que le conseil du requérant a demandé le 11 juillet 2018 à la Trésorerie de Cannes et obtenu la communication d'une copie de ces différents titres exécutoires n'est nullement de nature à remettre en cause ce constat. Par ailleurs, si l'intéressé soutient que bien qu'étant occupant sans droit ni titre, les paiements qu'il a effectués visaient seulement à s'acquitter spontanément du montant de la redevance de stationnement de son navire calculée sur un tarif annuel et non pas à régler les sommes qui lui étaient réclamées par les titres exécutoires en litige, cette allégation n'est pas corroborée par les résultats de l'instruction qui établissent notamment que les versements dont il s'agit sont intervenus de manière fractionnée à la caisse du comptable public plusieurs années après celle au titre de laquelle l'indemnité était due et pour des montants ne correspondant pas dans tous les cas au tarif annuel.

8. Il s'ensuit que la demande de M. D..., présentée le 7 juillet 2016 devant le tribunal administratif de Nice et tendant à l'annulation de ces sept titres exécutoires, connus par l'intéressé pour les premiers d'entre eux au moins depuis l'année 2009, puis pour les autres au moins depuis les années 2010 et 2011, était, en l'absence de circonstances particulières, tardive.

9. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté comme irrecevables ses conclusions dirigées contre les sept titres exécutoires en litige.

Sur le jugement en tant qu'il prononce contre M. D... une amende pour recours abusif :

10. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros ".

11. En jugeant, pour infliger l'amende en cause à M. D..., que c'est de manière abusive que l'intéressé prétendait n'avoir découvert l'existence des titres exécutoires en litige qu'en 2016 et que sa demande présentait ainsi un caractère du même ordre, le tribunal administratif a fait une exacte application des dispositions précitées, dès lors que c'est contre l'évidence que M. D... soutenait n'avoir pas eu connaissance de ces titres de perception émis au cours des années 2006 à 2011 avant l'année 2016 et qu'il ressortait des pièces du dossier soumis aux premiers juges qu'il avait contesté nombre d'entre eux plusieurs années auparavant devant la même juridiction.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Cannes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. D... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Cannes au titre des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : M. D... versera à la commune de Cannes la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et à la commune de Cannes.

Délibéré après l'audience du 7 février 2020, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. A..., président assesseur,

- M. Coutier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 février 2020.

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N° 19MA02083

nl


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - violation directe de la règle de droit - Principes généraux du droit - Principes intéressant l'action administrative.

Comptabilité publique et budget - Règles de procédure contentieuse spéciales à la comptabilité publique - Introduction de l'instance - Délai.

Procédure - Introduction de l'instance - Délais.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Georges GUIDAL
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : PALOUX

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Date de la décision : 21/02/2020
Date de l'import : 03/03/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19MA02083
Numéro NOR : CETATEXT000041626632 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-02-21;19ma02083 ?
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