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21/02/2020 | FRANCE | N°19MA00445

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 21 février 2020, 19MA00445


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... D... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 9 avril 2018 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, ainsi que la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet de l'Hérault sur son recours gracieux du 2 juin 2018.

Par un jugement n° 1803005 du 5 octobre 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejet

é sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregist...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... D... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 9 avril 2018 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, ainsi que la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet de l'Hérault sur son recours gracieux du 2 juin 2018.

Par un jugement n° 1803005 du 5 octobre 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 30 janvier 2019, le 20 mars 2019 et le 4 octobre 2019, M. A... D..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 5 octobre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 avril 2018 du préfet de l'Hérault ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans le délai de deux mois sous la même condition d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ce dernier renonçant dans ce cas à percevoir l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- le jugement du tribunal administratif est insuffisamment motivé ;

- sa demande de titre de séjour et la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français n'ont pas fait l'objet d'un examen complet et sérieux ;

- le préfet ne pouvait lui opposer l'absence de visa de long séjour, dans la mesure où il demandait son admission exceptionnelle au séjour ;

- l'arrêté en litige méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- son recours gracieux a été rejeté sans que n'ait été examinée la nouvelle promesse d'embauche qui y était jointe.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 août 2019, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... D... ne sont pas fondés.

M. A... D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 décembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... D..., ressortissant marocain, serait entré en France en avril 2013 selon ses allégations et se serait depuis maintenu irrégulièrement sur le territoire français. Il a sollicité, le 22 février 2018, la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant tant de sa qualité de salarié que de circonstances tenant à sa vie privée et familiale. Le préfet de l'Hérault a rejeté cette demande par un arrêté du 9 avril 2018, en assortissant ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. M. A... D... relève appel du jugement du 5 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

2. Contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet de l'Hérault a procédé à un examen circonstancié de sa situation avant de lui refuser l'admission au séjour et de prendre à son encontre une mesure d'éloignement. Les circonstances alléguées tenant à ce qu'il aurait dû se voir remettre un récépissé de sa demande de titre de séjour lors du dépôt de sa demande ou qu'il satisfaisait aux conditions énoncées dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière pour être admis exceptionnellement au séjour, à les supposer établies, ne sont nullement de nature à établir l'existence d'un défaut d'examen complet et sérieux de sa demande.

3. L'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que les dispositions de ce code s'appliquent sous réserve des conventions internationales. Aux termes du 1er alinéa de l'article 3 de l'accord franco-marocain : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum (...) reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et portant la mention salarié. ". Le 1er alinéa de l'article 9 du même accord stipule que : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord. ". Enfin, aux termes de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23 et L. 313-24 sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1 .".

4. D'une part, il résulte de la combinaison des stipulations et dispositions précitées que, si la situation des ressortissants marocains souhaitant bénéficier d'un titre de séjour portant la mention " salarié " est régie par les stipulations de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, la délivrance à un ressortissant marocain du titre de séjour " salarié " prévu à l'article 3 de ce texte est subordonnée, en vertu de son article 9, à la condition, prévue à l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la production par ce ressortissant d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois.

5. D'autre part, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, traitant ainsi de ce point au sens de l'article 9 de cet accord, il fait obstacle à l'application des dispositions des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers lors de l'examen d'une demande d'admission au séjour présentée par un ressortissant marocain au titre d'une telle activité. Cet examen ne peut être conduit qu'au regard des stipulations de l'accord, sans préjudice de la mise en oeuvre par le préfet du pouvoir discrétionnaire dont il dispose pour apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité de délivrer à titre de régularisation un titre de séjour à un étranger ne remplissant pas les conditions auxquelles cette délivrance est normalement subordonnée, pouvoir dont les stipulations de l'accord ne lui interdisent pas de faire usage à l'égard d'un ressortissant marocain.

6. Il ressort des pièces du dossier que la décision contestée est motivée, d'une part, par la circonstance que M. A... D... est dépourvu de visa de long séjour tel qu'exigé par l'article 9 de l'accord franco-marocain pour obtenir la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié et que, d'autre part, la présentation d'une promesse d'embauche par une société commerciale, fermée depuis le 12 octobre 2017 ainsi que de bulletins de salaires pour la période d'avril à septembre 2016 ne constituent pas un motif exceptionnel justifiant la délivrance à l'intéressé d'une carte de travail en qualité de salarié, par dérogation aux stipulations de l'accord franco-marocain.

7. Si le préfet de l'Hérault a fait mention du fait que le passeport de M. A... D... n'était pas revêtu d'un visa de long séjour, c'était seulement pour constater que l'intéressé se trouvait en situation irrégulière, sans en tirer aucune conséquence sur la possibilité pour l'intéressé d'obtenir la régularisation de sa situation. Alors même que M. A... D... se serait maintenu irrégulièrement sur le territoire français depuis son entrée en 2013, ce au demeurant dont il ne justifie pas, et qu'il pourrait se prévaloir d'une expérience professionnelle dans le bâtiment ou comme ouvrier agricole, en rejetant sa demande d'admission exceptionnelle au séjour pour les motifs mentionnés au point 6, le préfet de l'Hérault n'a nullement entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". En outre, aux termes de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit, sauf s'il constitue une menace pour l'ordre public, " à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, (...) dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. "

9. Il ressort des pièces du dossier que M. A... D..., né en mai 1970, a résidé dans son pays d'origine au moins jusqu'à l'âge de 43 ans. Il est célibataire et sans charge de famille et n'a été présent sur le territoire français qu'au plus cinq ans selon ses allégations, sans justifier y avoir établi pour autant sa résidence habituelle depuis lors. Si la présence en France de sa soeur, titulaire d'une carte de résident, est établie à la date de l'arrêté contesté, les autres membres de sa famille, notamment sa mère et sa fratrie, résident au Maroc. Dans ces conditions, à supposer même qu'il justifierait avoir noué certains liens personnels et professionnels depuis son arrivée en France, l'arrêté attaqué n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations et dispositions précitées.

10. Il ressort des pièces du dossier que le 2 juin 2018 M. A... D... a formé un recours gracieux contre l'arrêté du 9 avril 2018 du préfet de l'Hérault en se prévalant d'une nouvelle promesse d'embauche. La seule circonstance tenant à ce que ce recours a été rejeté implicitement n'est nullement de nature à établir que le préfet se serait refusé illégalement à procéder à son examen.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... D..., au ministre de l'intérieur et à Me C....

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 7 février 2020, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. B..., président assesseur,

- M. Coutier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 février 2020.

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N° 19MA00445

nl


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Georges GUIDAL
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Date de la décision : 21/02/2020
Date de l'import : 03/03/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19MA00445
Numéro NOR : CETATEXT000041626588 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-02-21;19ma00445 ?
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