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11/02/2020 | FRANCE | N°19MA03604

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre, 11 février 2020, 19MA03604


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision du 10 janvier 2018 par laquelle la direction générale des entreprises du ministère de l'économie et des finances a rejeté sa demande du 20 décembre 2017 tendant, d'une part, à l'octroi de l'avantage spécifique d'ancienneté (ASA) pour la période du 1er mai 2013 au 31 décembre 2014 au cours de laquelle il a été affecté dans un quartier urbain particulièrement difficile, et d'autre part, à la reconstitution de sa carriè

re, notamment la régularisation de son échelon indiciaire ainsi que le rattrapage...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision du 10 janvier 2018 par laquelle la direction générale des entreprises du ministère de l'économie et des finances a rejeté sa demande du 20 décembre 2017 tendant, d'une part, à l'octroi de l'avantage spécifique d'ancienneté (ASA) pour la période du 1er mai 2013 au 31 décembre 2014 au cours de laquelle il a été affecté dans un quartier urbain particulièrement difficile, et d'autre part, à la reconstitution de sa carrière, notamment la régularisation de son échelon indiciaire ainsi que le rattrapage de ses traitements, et d'enjoindre à l'administration, dans un délai de deux mois suivant la notification du jugement de lui accorder le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté, de procéder à la reconstitution de sa carrière et de lui verser les rappels de rémunération correspondants, assortis des intérêts moratoires.

Par un jugement du 29 mai 2019 n° 1800065, le tribunal administratif de Bastia a rejeté la requête de M. B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 29 juillet 2019 M. B..., représenté par

Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 mai 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 10 janvier 2018 portant refus du bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté pour la période du 1er décembre 2012 au 31 décembre 2014 ;

3°) d'ordonner à l'administration de reconstituer sa carrière en lui accordant l'avantage spécifique d'ancienneté pour la période du 1er décembre 2012 au 31 décembre 2014, et de lui verser les arriérés de traitement résultant de la régularisation de sa carrière dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de porter à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il a été affecté à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Corse dont les locaux se situent au sein de la zone urbaine sensible " Saint-Jean " d'Ajaccio ; c'est par une erreur de fait que l'administration a considéré que ces locaux qui se situent à l'entame sud-est du chemin de Loreto, à proximité immédiate de l'intersection avec l'avenue Colonel Colonna-d'Ornano et cadastrés BP 315, ne lui ouvraient pas droit à l'avantage spécifique d'ancienneté pour la période du 1er mai 2013 au 31 décembre 2014 .

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 janvier 2020, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que la requête est partiellement irrecevable, et il soutient en outre que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Un mémoire présenté le 20 janvier 2020 pour M. B... n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;

- la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991 modifiée ;

- le décret n° 95-313 du 21 mars 1995 modifié ;

- le décret n° 96-1156 du 26 décembre 1996 ;

- l'arrêté du 10 décembre 1996 fixant la liste des secteurs prévue à l'article 1er (3°) du décret n° 95-313 du 21 mars 1995 relatif au droit de mutation prioritaire et au droit à l'avantage spécifique d'ancienneté accordés à certains agents de l'Etat affectés dans les quartiers urbains particulièrement difficiles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ingénieur de l'industrie et des mines au sein de la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE) de Corse, puis à la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Corse, a été affecté au 1er mai 2013 à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Corse dont les locaux sont situés au 2, chemin de Loreto à Ajaccio. Par un jugement du 29 mai 2019 dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Bastia, a rejeté sa demande tendant à annuler la décision du 10 janvier 2018 de la secrétaire générale de la direction générale des entreprises du ministère de l'économie et des finances refusant de le faire bénéficier de l'avantage spécifique d'ancienneté pour la période du 1er mai 2013 au 31 décembre 2014 au cours de laquelle, selon lui, il a été affecté dans un quartier urbain particulièrement difficile.

Sur les conclusions d'annulation :

2. Aux termes de l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 susvisée : " Les fonctionnaires de l'Etat (...) affectés pendant une durée fixée par décret en Conseil d'Etat dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, ont droit, pour le calcul de l'ancienneté requise au titre de l'avancement d'échelon, à un avantage spécifique d'ancienneté dans des conditions fixées par ce même décret. ". Aux termes de l'article 1 du décret du 21 mars 1995 susvisé : " Les quartiers urbains où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, mentionnés au quatrième alinéa de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée et à l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 susvisée, doivent correspondre : (...) 3° En ce qui concerne les autres fonctionnaires civils de l'Etat, à des secteurs déterminés par arrêté conjoint du ministre chargé de la ville, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget. ". L'article 2 de ce décret dispose : " Lorsqu'ils justifient de trois ans au moins de services continus accomplis dans un quartier urbain désigné en application de l'article 1er ci-dessus, les fonctionnaires de l'Etat ont droit, pour l'avancement, à une bonification d'ancienneté d'un mois pour chacune de ces trois années et à une bonification d'ancienneté de deux mois par année de service continu accomplie au-delà de la troisième année. (...) ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 10 décembre 1996 fixant la liste des secteurs prévus par ces dispositions : " Les quartiers urbains où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles prévus à l'article 1er (3°) du décret du 21 mars 1995 susvisé sont les grands ensembles et les quartiers d'habitat dégradé mentionnés au I de l'article 1466 A du code général des impôts ". Aux termes de l'article 1er du décret du 26 décembre 1996 fixant la liste des zones urbaines sensibles mentionnées au I de l'article 1466 A du code général des impôts : " Les grands ensembles et les quartiers d'habitat dégradés (...) sont ceux figurant dans la liste annexée au présent décret. Les zones concernées sont délimitées par un trait de couleur rouge sur les plans au 1/25 000 annexés au présent décret ". L'annexe au décret du 26 décembre 1996 susvisé fixant la liste des zones urbaines sensibles mentionne, s'agissant de la ville d'Ajaccio en Corse du Sud, les quartiers " Cannes, Les Salines ; Jardins Empereur ; Pietralba et Saint-Jean ".

3. Il résulte des dispositions précitées de l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 que le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté est ouvert aux fonctionnaires de l'Etat et aux militaires de la gendarmerie nationale qui sont affectés pendant une certaine durée, définie par décret, pour exercer leurs fonctions dans des quartiers urbains où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles. En instituant cet avantage, le législateur a entendu inciter les agents concernés à exercer leurs fonctions dans de tels quartiers. Il suit de là que seuls peuvent bénéficier de cet avantage les agents affectés dans ces quartiers qui y exercent effectivement leurs fonctions à titre principal.

4. Pour rejeter, par la décision litigieuse du 10 janvier 2018, la demande de M. B... tendant à l'octroi de l'avantage spécifique d'ancienneté, l'administration a opposé à l'intéressé le motif tiré de ce que les locaux en cause n'étaient pas implantés dans le périmètre d'une zone urbaine sensible. M. B... soutient au contraire que ces locaux se situent au sein de la zone urbaine sensible " Saint-Jean " d'Ajaccio.

5. Il est constant que les locaux de la DIRECCTE de Corse au sein desquels M. B... était affecté du 1er mai 2013 au 31 décembre 2014 sont situés sur la parcelle B 315, laquelle se trouve au niveau de l'intersection entre le chemin de Loreto et la rue des Romarins. Selon le plan auquel renvoie l'article 1er du décret du 26 décembre 1996 précité répertorié sous le n° d'ordre 97, et au regard des autres pièces du dossier, la zone urbaine sensible constituée par le quartier Saint-Jean est limitée au sud-ouest par le chemin de Loretto et au sud-est par la rue des Romarins. Ainsi, les locaux de la DIRECCTE sont situés dans le périmètre de la ZUS " Saint-Jean ", ce qui est d'ailleurs attesté le 5 février 2018 par M. Denis Constant, secrétaire général de la direction régionale, des entreprises, de la consommation, du travail et de l'emploi de la Corse. Dès lors, l'intéressé qui a exercé ses fonctions dans un quartier sensible peut prétendre à l'attribution de l'avantage spécifique d'ancienneté pour la période du 1er mai 2013 au 31 décembre 2014.

6. Il résulte de tout ce qui vient d'être dit que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration lui a refusé le bénéfice de l'avantage sollicité. Par suite, le jugement attaqué du tribunal administratif de Bastia doit être annulé.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ".

8. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que le présent arrêt implique nécessairement la régularisation de la situation de M. B.... Contrairement à ce que soutient le ministre de l'économie et des finances, le juge, saisi de conclusions tendant à ce que soient prescrites les mesures d'exécution qu'impliquent nécessairement l'annulation d'une décision administrative, est tenu d'assurer l'exécution de la chose jugée. Par suite, les conclusions de M. B... présentées sur le fondement de l'article L. 911-1 du code susmentionné sont recevables. Dès lors, il convient d'enjoindre à l'État de procéder à la régularisation du dossier administratif de M. B..., à la reconstitution de sa carrière pour la période allant du 1er mai 2013 au 31 décembre 2014, qui correspond à la période d'affectation de M. B... dans les locaux de la DIRECCTE situé au 2, chemin de Loreto ainsi que de lui verser les arriérés de traitement résultant de la régularisation de sa carrière dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir. Il n'y a pas lieu en revanche de faire droit à la demande d'injonction présentée par l'intéressé s'agissant de la période allant du 1er décembre 2012 au 1er mai 2013 dès lors que ces conclusions sont irrecevables car elles ne correspondent pas au litige dont les premiers juges ont été saisis.

Sur les frais de l'instance :

9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1800065 du 29 mai 2019 du tribunal administratif de Bastia est annulé.

Article 2 : La décision du 10 janvier 2018 portant refus du bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté pour la période du 1er décembre 2012 au 31 décembre 2014 est annulée.

Article 3 : Il est enjoint à l'État de procéder à la régularisation du dossier administratif de M. B... et à la reconstitution de sa carrière pour la période allant du 1er mai 2013 au 31 décembre 2014, et de lui verser les arriérés de traitement résultant de la régularisation de sa carrière dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. B... la somme de 2 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus de la requête de M. B... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 28 janvier 2020, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 février 2020.

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N° 19MA03604 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-08-03 Fonctionnaires et agents publics. Rémunération. Indemnités et avantages divers.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Didier URY
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : ALZIEU-BIAGINI

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre
Date de la décision : 11/02/2020
Date de l'import : 18/02/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19MA03604
Numéro NOR : CETATEXT000041575503 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-02-11;19ma03604 ?
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