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04/11/2019 | FRANCE | N°17MA03802

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 04 novembre 2019, 17MA03802


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 30 décembre 2014 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a ordonné la prolongation de son placement à l'isolement et de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme de 2 000 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1501786 du 13 juin 2017, le tribun

al administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 30 décembre 2014 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a ordonné la prolongation de son placement à l'isolement et de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme de 2 000 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1501786 du 13 juin 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 5 septembre 2017, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 juin 2017 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler la décision du 30 décembre 2014 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a ordonné la prolongation de son placement à l'isolement ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier car la mention selon laquelle le rapporteur public a annoncé le sens de ses conclusions était insuffisante ;

- la minute du jugement n'est pas signée ;

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- la décision méconnait l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 et l'obligation d'un débat contradictoire avant la prise de décision ;

- la décision méconnait l'article R57-7-73 du code de procédure pénale ;

- la décision méconnait l'article R57-7-78 du code de procédure pénale ;

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2019, la garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 juillet 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E...,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... est incarcéré depuis le 12 février 2010. Par une décision du 30 décembre 2014, le garde des sceaux, ministre de la justice, a pris une décision de mise à l'isolement, alors qu'il était incarcéré au centre pénitentiaire de Marseille-Les Baumettes. Il relève appel du jugement du 13 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne ". La communication aux parties du sens des conclusions, telle que prévue par ces dispositions, a pour objet de mettre les parties en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré. En conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public.

3. En l'espèce, le rapporteur public a communiqué aux parties avant l'audience le sens de ses conclusions, en indiquant : " rejet au fond ". Par cette formule, il a indiqué conclure au rejet de l'ensemble des conclusions qui étaient présentées par le requérant au tribunal, apportant ainsi une précision suffisante au sens de ses conclusions. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêt aurait été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière ne peut qu'être écarté.

4. Le moyen tiré du défaut de signature de la minute du jugement manque en fait.

5. En mentionnant que la décision attaquée était prise en raison de faits de violence répétés de l'intéressé et notamment d'une prise d'otages, membres du personnel pénitentiaire, le tribunal a suffisamment motivé sa décision.

Sur la légalité externe :

6. La décision attaquée a été prise par M. D... F..., adjoint au chef de bureau de gestion de la détention à la direction de l'administration pénitentiaire, qui bénéficiait d'une délégation de signature du garde des sceaux par arrêté du 14 novembre 2014, publié au journal officiel du 21 novembre 2015. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de cette décision manque en fait et doit être écarté.

7. Aux termes des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, aujourd'hui codifiées aux articles L. 121-1, L. 122-1 et L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...) ". Si ces dispositions impliquent que l'intéressé ait été informé en temps utile de la possibilité de se faire assister d'un avocat, possibilité dont il appartient à l'administration pénitentiaire d'assurer la mise en oeuvre lorsqu'un détenu en fait la demande, la circonstance que l'avocat dont l'intéressé a ainsi obtenu l'assistance ne soit pas présent lors de la réunion de la commission de discipline, dès lors que cette absence n'est pas imputable à l'administration, ne peut avoir pour conséquence de rendre la procédure irrégulière au regard des dispositions de la loi du 12 avril 2000. Par ailleurs, aux termes de l'article 726-1 du code de procédure pénale : " Toute personne détenue, sauf si elle est mineure, peut être placée par l'autorité administrative, pour une durée maximale de trois mois, à l'isolement par mesure de protection ou de sécurité soit à sa demande, soit d'office. Cette mesure ne peut être renouvelée pour la même durée qu'après un débat contradictoire, au cours duquel la personne concernée, qui peut être assistée de son avocat, présente ses observations orales ou écrites. (...) ". Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 57-7-64 du même code : " Lorsqu'une décision d'isolement d'office initial ou de prolongation est envisagée, la personne détenue est informée, par écrit, des motifs invoqués par l'administration, du déroulement de la procédure et du délai dont elle dispose pour préparer ses observations. Le délai dont elle dispose ne peut être inférieur à trois heures à partir du moment où elle est mise en mesure de consulter les éléments de la procédure, en présence de son avocat, si elle en fait la demande (...). ". Aux termes de l'article R. 57-7-69 de ce code : " Lorsque la personne détenue faisant l'objet d'une mesure d'isolement d'office est transférée, le placement à l'isolement est maintenu provisoirement à l'arrivée de la personne détenue dans le nouvel établissement (...). A l'issue d'un délai de quinze jours, si aucune décision d'isolement n'a été prise, il est mis fin à l'isolement. ". Il ressort des pièces du dossier que, le 4 décembre 2014, M. B... a été informé de la mesure de prolongation de mise à l'isolement envisagée et qu'il a eu la possibilité de formuler des observations lors de l'audience du lendemain. L'intéressé a effectivement présenté des observations orales et écrites. Par ailleurs, l'avocat qu'il a désigné a été destinataire, le 4 décembre, à 14 h 23 de la demande de M. B... de l'assister lors du débat contradictoire du 5 décembre à 10 h. Il a répondu qu'il ne pourrait s'y rendre, étant retenu dans un autre centre pénitentiaire. L'absence du conseil de M. B... n'est donc pas imputable à l'administration. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse aurait été prise en méconnaissance des dispositions précitées ne peut qu'être écarté.

8. Aux termes de de l'article R57-7-73 du Code de procédure pénale : " L'avis écrit du médecin intervenant dans l'établissement est recueilli préalablement à toute proposition de renouvellement de la mesure au-delà de six mois et versé au dossier de la procédure ".

Il ressort, en tout état de cause, des pièces du dossier que l'avis médical préalable à la décision attaquée a été recueilli le 10 décembre 2014, contrairement aux affirmations du requérant. Cette dernière n'est pas irrégulière du seul fait que cet avis n'ait pas été annexé à la décision notifiée ou qu'elle ne le vise pas, la mention selon laquelle l'avis doit être versé au dossier ne l'impliquant pas. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R57-7-73 précité ne peut qu'être écarté.

9. Aux termes de l'article R57-7-78 du Code de procédure pénale : " Lorsque l'isolement est prolongé au-delà d'un an, le chef d'établissement, préalablement à la décision, sollicite l'avis du juge de l'application des peines s'il s'agit d'une personne condamnée ou du magistrat saisi du dossier de la procédure s'il s'agit d'une personne prévenue. " A supposer ces dispositions applicables au cas d'espèce, il ressort des pièces du dossier que le 5 décembre 2014, l'officier responsable de l'isolement a sollicité l'avis du juge d'application des peines sur la proposition de prolongation d'isolement de M. B.... Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R57-7-78 ne peut qu'être écarté.

10. Le moyen tiré du défaut de motivation de la décision doit être écarté par adoption des motifs des premiers juges, qui ne sont pas sérieusement contestés.

Sur la légalité interne :

11. Il ressort des pièces du dossier que la décision a été prise en considération des violences physiques d'une particulière gravité exercées par M. B.... Le 2 décembre 2014, l'intéressé a agressé un membre du personnel de surveillance à la maison centrale d'Arles. Il avait agi de même le 27 juin de la même année, à la maison centrale de Moulins-Yzeure. Le 30 décembre 2013, il a commis une prise d'otage sur un membre du personnel au centre pénitentiaire d'Alençon-Condé-sur-Sarthe. D'autres antécédents d'incidents disciplinaires en matière d'agression sur des membres du personnel ou des codétenus commis en 2010, 2011 et 2012 et 2013 dans différents établissements pénitentiaires ont également été commis. Dans ces conditions, la décision litigieuse n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

12. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur le frais du litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce qu'il soit mis une somme à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante à la présente instance.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Me A... et à la garde des sceaux, ministre de la justice.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 14 octobre 2019, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. E..., président-assesseur,

- Mme Duran-Gottschalk, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 novembre 2019.

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N° 17MA03802


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17MA03802
Date de la décision : 04/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

37-05-02-01 Juridictions administratives et judiciaires. Exécution des jugements. Exécution des peines. Service public pénitentiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Laurent MARCOVICI
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : DAVID

Origine de la décision
Date de l'import : 08/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-11-04;17ma03802 ?
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