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03/10/2019 | FRANCE | N°19MA00977

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 03 octobre 2019, 19MA00977


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 6 mars 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer une autorisation de regroupement familial au bénéfice de ses deux enfants.

Par un jugement n° 1705511 du 10 juillet 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 26 février 2019, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la Cour :>
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 10 juillet 2018 ;

2°) d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 6 mars 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer une autorisation de regroupement familial au bénéfice de ses deux enfants.

Par un jugement n° 1705511 du 10 juillet 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 26 février 2019, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 10 juillet 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 6 mars 2017 ;

3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet des Bouches-du-Rhône d'autoriser le regroupement familial demandé au bénéfice de ses deux enfants et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me B... au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision n'est pas suffisamment motivée au regard de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen réel et sérieux de la demande ;

- (elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que) le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence en s'estimant lié par l'insuffisance des ressources ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 novembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... relève appel du jugement du 10 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du 6 mars 2017 du préfet des Bouches-du-Rhône lui refusant le regroupement familial sollicité le 27 septembre 2016 au bénéfice de deux de ses enfants de nationalité comorienne.

2. En premier lieu, la décision en litige comporte l'exposé des motifs de droit et de fait sur lesquels s'est fondé le préfet des Bouches-du-Rhône pour rejeter la demande de regroupement familial présentée par Mme A..., notamment en raison du caractère insuffisant des ressources. Le préfet des Bouches-du-Rhône n'était pas tenu de motiver sa décision au regard de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, qui ne constitue pas le fondement de sa décision. Par suite, cette décision est suffisamment motivée au regard des exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

3. En deuxième lieu, la circonstance que le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas motivé sa décision au regard des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ne révèle pas un défaut d'examen particulier de la demande de Mme A....

4. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. ". Aux termes de l'article L. 411-5 du même code dans sa version en vigueur à la date de la décision contestée : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. (...) 2° Le demandeur ne dispose pas ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique ; / 3° Le demandeur ne se conforme pas aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d'accueil. ".

5. D'autre part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Lorsqu'il se prononce sur une demande de regroupement familial, le préfet dispose d'un pouvoir d'appréciation et n'est pas tenu de rejeter la demande même dans le cas où l'étranger demandeur du regroupement ne justifierait pas remplir l'une des conditions requises tenant aux ressources, au logement ou à la présence anticipée d'un membre de la famille sur le territoire français, notamment dans le cas où il est porté une atteinte excessive au droit de mener une vie familiale normale tel qu'il est protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Il ressort de la décision contestée que pour refuser à Mme A... le bénéfice du regroupement familial au profit de deux de ses enfants, le préfet des Bouches-du-Rhône ne s'est pas exclusivement fondé sur l'insuffisance de ses ressources pour subvenir aux besoins de sa famille et a aussi procédé à un examen de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment des incidences de son refus sur la situation de la requérante au regard de son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, le préfet ne s'étant pas fondé sur les caractéristiques du logement de Mme A... pour refuser de lui accorder le bénéfice du regroupement familial, la circonstance que son logement est conforme aux exigences prévues par la loi est sans incidence sur la légalité de la décision. Il suit de là que l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône s'est estimé lié par l'insuffisance des ressources de l'intéressée pour rejeter la demande dont il était saisi ni qu'il a méconnu l'étendue de son pouvoir d'appréciation. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de l'erreur de droit.

8. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A... vit en France depuis le 20 juillet 2006 et est titulaire d'une carte de résident valable du 17 décembre 2010 au 16 décembre 2020 en qualité de mère d'un enfant français né le 21 janvier 2007. L'intéressée a quitté les Comores alors que ses deux enfants étaient âgés de seulement quatre et un an. Les enfants ont été élevés, séparés de leur mère, par leur grand-mère puis leur tante et enfin leur soeur aînée majeure. Elle n'a présenté une première demande de regroupement familial qu'au mois de septembre 2012 et a attendu le 27 septembre 2016 pour en présenter une seconde après le refus qui lui a été opposé (notamment en raison de l'insuffisance de ses ressources) par le préfet des Bouches-du-Rhône le 13 juin 2013. Le seul fait que Mme A... envoie régulièrement de l'argent à sa famille demeurée dans son pays d'origine pour l'entretien de ses deux enfants et qu'elle leur téléphonait, ne suffit pas, compte tenu de la durée pendant laquelle les enfants ont été séparés de leur mère à établir qu'en prenant la décision litigieuse, le préfet des Bouches-du-Rhône a porté au droit au respect de la vie privée et familiale de la requérante, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ou aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

10. L'intérêt d'un enfant mineur au sens des stipulations précitées de la convention relative aux droits de l'enfant est, en principe, de vivre auprès de ses parents. Ainsi, dans le cas où est demandé le regroupement familial en vue de permettre à un enfant mineur, qui ne vit pas auprès de l'un de ses parents dans son pays d'origine, de rejoindre en France son ou ses parents y séjournant régulièrement depuis au moins dix-huit mois ainsi que les autres membres de sa fratrie, l'autorisation de regroupement familial ne peut, en règle générale, être refusée pour un motif tiré de ce que l'intérêt de l'enfant serait au contraire de demeurer auprès d'autres personnes dans ce pays. En revanche, et sous réserve de ne pas porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale, l'autorité administrative peut se fonder, pour rejeter la demande dont elle est saisie, sur le motif tiré de ce que les conditions d'accueil de cet enfant en France seraient, compte tenu notamment des ressources et des conditions de logement de ses parents, contraires à son intérêt.

11. Il n'est pas contesté que Mme A... ne dispose pas de ressources suffisantes pour accueillir ses enfants dans des conditions décentes au moment de sa demande de regroupement familial. Ses deux enfants ne sont pas isolés dans leur pays d'origine (et sont scolarisés). Il n'est pas établi par les deux attestations produites que la fille aînée de la requérante qui en a la charge ne serait pas en mesure de continuer à s'occuper des enfants alors que la requérante verse des sommes par mandats pour subvenir aux besoins des deux enfants hébergés par ailleurs dans la maison dont elle est propriétaire. Dans ces conditions, le préfet des Bouches-du-Rhône a pu refuser d'accorder à l'intéressée le bénéfice du regroupement familial sans méconnaître les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

13. Le présent arrêt, qui rejette la requête, n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions présentées à fin d'injonction et d'astreinte par Mme A... ne peuvent qu'être rejetées.

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse quelque somme que ce soit à Mme A... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2019 où siégeaient :

- M. Alfonsi, président de chambre,

- Mme C..., présidente-assesseure,

- Mme D..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 3 octobre 2019.

2

N° 19MA00977


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA00977
Date de la décision : 03/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Agnes BOURJADE
Rapporteur public ?: M. ARGOUD
Avocat(s) : VINCENSINI

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-10-03;19ma00977 ?
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