La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/09/2019 | FRANCE | N°19MA02862

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 12 septembre 2019, 19MA02862


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 28 février 2019 portant obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire et fixation du pays de destination.

Par un jugement n° 1903325 du 21 mai 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 juin 2019, M. B..., représenté par Me

A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné du tribunal administrati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 28 février 2019 portant obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire et fixation du pays de destination.

Par un jugement n° 1903325 du 21 mai 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 juin 2019, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille du 21 mai 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 février 2019 du préfet des Bouches-du-Rhône portant obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire et fixation du pays de destination.

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler.

4°) de mettre à la charge de l'État, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative la somme de 2 000 euros.

Il soutient que :

- le magistrat désigné a omis de statuer sur le moyen tiré de l'erreur de fait ;

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur de fait ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut d'examen et d'un défaut de motivation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que celles de la circulaire du 28 novembre 2012 ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Le mémoire présenté le 23 août 2019 par préfet des Bouches-du-Rhône, après clôture de l'instruction, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. M. E... B..., ressortissant cambodgien né le 7 août 1987, relève appel du jugement du 21 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 28 février 2019 portant obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire et fixation du pays de destination.

Sur la régularité du jugement de première instance :

2. Le requérant a invoqué, dans son mémoire enregistré le 14 mai 2019, le moyen tiré de ce que le préfet des Bouches-du-Rhône avait commis une erreur de fait sur sa situation personnelle. Le magistrat désigné n'a pas répondu à ce moyen, qui n'était pas inopérant. Le jugement est donc irrégulier et ne peut qu'être annulé.

3. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de statuer sur les conclusions de première instance et d'appel du requérant par la voie de l'évocation.

Sur les conclusions en annulation de M. B... :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, la décision du 21 février 2019 en litige vise les textes dont elle fait application. Elle fait en outre état de ce que M. B... est entré en France en 2015 et s'est vu notifier le 26 mai 2017 un arrêté de refus de délivrance d'un titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français, qu'il n'a pu régulariser sa situation au regard des dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et que l'intéressé ne justifie pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. La décision est dès lors suffisamment motivée en fait et en droit.

5. En second lieu, il ressort des termes de la décision du 21 février 2019 que le préfet a procédé à un examen suffisant de la situation personnelle de M. B... au regard des pièces en sa possession. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la demande doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France en 2015, est célibataire et sans enfant et réside en France de manière irrégulière depuis le 18 mai 2017, après l'obtention d'une première carte de séjour en qualité d'étranger malade qui n'a pas été renouvelée. S'il ressort des pièces produites que M. B... a travaillé à plusieurs reprises dans des restaurants en qualité de cuisinier, il n'a pas travaillé de manière continue depuis son entrée en France, puisqu'il n'établit avoir travaillé qu'entre septembre 2016 et août 2017, puis depuis le mois de mai 2018. En outre, M. B... ne peut se prévaloir d'aucune insertion familiale ou amicale et s'il fait état de relations sociales et professionnelles, les quelques attestations qu'il produit sont peu circonstanciées et ne permettent pas d'établir la réalité des liens ainsi tissés en France. Dans ces conditions, le préfet n'a ni méconnu les dispositions et stipulations précitées, ni porté d'atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale ni enfin commis d'erreur manifeste d'appréciation. Par suite, les moyens doivent être écartés.

8. En quatrième lieu, si, comme il vient d'être dit au point précédent, M. B... a travaillé à plusieurs reprises dans des restaurants en qualité de cuisinier, cette seule circonstance ne constitue pas un motif exceptionnel permettant la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, l'intéressé ne peut se prévaloir utilement des dispositions de la circulaire du 28 novembre 2012.

9. En cinquième lieu, il ressort des termes de l'arrêté en litige que le préfet a considéré que la femme et le fils de M. B... résidaient au Cambodge alors que l'intéressé avait déclaré, lors de son audition par les services de police, être célibataire et sans enfant. Dans ces conditions, le préfet des Bouches-du-Rhône a commis une erreur de fait.

10. Toutefois, pour prendre à l'encontre de M. B... une obligation de quitter le territoire français, le préfet des Bouches-du-Rhône s'est fondé sur la circonstance que celui-ci n'avait pas exécuté une précédente obligation de quitter le territoire français, sur le fondement des dispositions de l'article L. 511-1 II 3e du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il résulte de l'instruction, et dès lors qu'il n'a en outre commis aucune erreur manifeste d'appréciation sur la vie privée et familiale de l'intéressé, ni porté à sa vie privée et familiale d'atteinte excessive comme il a été dit au point 7, que le préfet aurait pris la même décision en ne se fondant que sur les dispositions précitées.

En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :

11. Dès lors que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale, le moyen tiré de l'exception d'illégalité ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :

12. Il y a lieu, par adoption des motifs exposés au point 7 du présent jugement, d'écarter les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de l'atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale invoqués à l'encontre de la décision fixant le délai de départ volontaire.

13. Il résulte de ce qui précède que la demande formulée par M. B... devant le tribunal administratif de Marseille tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 février 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a décidé de l'obliger à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination ne peut qu'être rejetée.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

14. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions de M. B... aux fins d'injonction.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme que demande M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille du 21 mai 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., à Me D... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 29 août 2019 où siégeaient :

- M. Poujade président,

- M. Portail, président assesseur,

- Mme C..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 septembre 2019.

2

N° 19MA02862

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 19MA02862
Date de la décision : 12/09/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POUJADE
Rapporteur ?: Mme Elisabeth BAIZET
Rapporteur public ?: Mme GOUGOT
Avocat(s) : ANT

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-09-12;19ma02862 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award