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09/07/2019 | FRANCE | N°18MA04160

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 09 juillet 2019, 18MA04160


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association de sauvegarde du patrimoine de Malaucène a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler partiellement la délibération du 16 mars 2017 par lequel le conseil municipal de Malaucène a approuvé le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune, en tant qu'elle porte sur "les dispositions relatives au zonage 1AUt, 1AUth et 2AU".

Par jugement n° 1702620 du 3 juillet 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête,

enregistrée le 8 septembre 2018, et par un mémoire complémentaire, enregistré le 23 mars 201...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association de sauvegarde du patrimoine de Malaucène a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler partiellement la délibération du 16 mars 2017 par lequel le conseil municipal de Malaucène a approuvé le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune, en tant qu'elle porte sur "les dispositions relatives au zonage 1AUt, 1AUth et 2AU".

Par jugement n° 1702620 du 3 juillet 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 8 septembre 2018, et par un mémoire complémentaire, enregistré le 23 mars 2019, l'association de sauvegarde du patrimoine de Malaucène, représentée par MeC..., demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du 3 juillet 2018 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) d'annuler, à titre principal, la délibération du 16 mars 2017 du conseil municipal de Malaucène approuvant le PLU de la commune et, à titre subsidiaire, cette délibération en tant qu'elle crée les zones 1AUt, 1AUTh et 2AU et la décision du 22 juin 2017 du maire de Malaucène rejetant son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de "la partie perdante" la somme de 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a intérêt pour agir ;

- ses conclusions aux fins d'annulation totale sont recevables ;

- la délibération en litige n'a pas été adoptée dans le délai prévu par l'article L. 174-1 du code de l'urbanisme eu égard à l'abandon en 2009 de son projet de révision engagé par délibération du 20 décembre 2007 devenue caduque et, en tout état de cause, abrogée par la délibération du 10 mai 2016 qui définit de nouveaux objectifs ;

- la délibération en litige est ainsi dépourvue de base légale ;

- la délibération du 20 décembre 2007 prescrivant la révision valant élaboration du plan local d'urbanisme, à défaut de définir précisément les objectifs poursuivis par cette révision, méconnaît l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme ;

- le PLU en litige, qui n'est pas compatible avec le schéma de cohérence territoriale (SCoT) de l'Arc Comtat Ventoux, méconnaît l'article L. 131-4 du code de l'urbanisme ;

- l'ouverture à l'urbanisation des zones en litige au regard de l'ampleur du projet touristique méconnaît les prescriptions du SCoT qui soumettent le PLU au respect de la loi Montagne en imposant des objectifs de développement modéré et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- les zonages en litige, qui ne sont pas intégrés dans les enveloppes d'urbanisation préférentielles (EUP) définies par le SCoT, méconnaissent les articles L. 122-4, L. 122-5 et L. 122-9 du code de l'urbanisme issus de la Loi Montagne intégrés au SCoT par l'article 3.3. du Document d'Orientations Générales (DOG) du SCoT ;

- le projet d'ouverture à l'urbanisation prévu par le zonage du PLU en litige, qui n'assure pas la protection des sites, des milieux et des paysages naturels, méconnaît l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme ;

- l'intérêt environnemental du secteur ouvert à l'urbanisation exigeait de mettre en oeuvre les protections particulières prévues par les articles L. 411-1, L. 411-2, R. 411-1 et R. 411-5 du code de l'environnement ;

- par la voie de l'exception d'illégalité, le SCoT ne comporte pas l'étude justifiant l'urbanisation en litige exigée par l'article L. 122-7 alinéa 1er du code de l'urbanisme pour ouvrir à l'urbanisation des secteurs qui ne sont pas situés en continuité de l'urbanisation existante ;

- le projet de complexe touristique, qui constitue une unité touristique nouvelle, exigeait la modification du SCoT, après avis de la commission spécialisée du comité de massif (CDNPS) en application des articles L. 122-15 et suivants du code de l'urbanisme ;

- l'ouverture à l'urbanisation de cette zone au profit du seul propriétaire promoteur immobilier est entachée de détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 janvier 2019, la commune de Malaucène, représentée par la Selarl d'avocats Drai associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'association de sauvegarde du patrimoine de Malaucène la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions tendant à l'annulation totale du PLU en litige sont nouvelles en appel et donc irrecevables ;

- le projet de révision n'a pas été abandonné ;

- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme est inopérant ;

- la zone 1AUt est compatible avec les prescriptions applicables du SCoT ;

- la zone 1AUt concerne des secteurs déjà bâtis et classés en zone UE par le précédent plan d'occupation des sols de la commune ;

- les articles L. 122-4, L. 122-5 et L. 122-9 du code de l'urbanisme relatifs à l'interdiction d'une rupture d'urbanisation ne sont pas opposables à un PLU en présence d'un SCoT et ne sont applicables qu'aux autorisations d'urbanisme ;

- les articles L. 122-15 et suivants du code de l'urbanisme ne s'appliquent qu'en l'absence d'un SCoT ;

- le PLU en litige n'est pas entaché de détournement de pouvoir.

Par des mémoires en intervention volontaire, présentés les 11 mars 2019 et 10 avril 2019, la société Vintour, représentée par MeB..., demande à la Cour de faire droit aux conclusions en défense présentées par la commune de Malaucène tendant au rejet de la requête et de mettre à la charge de l'association requérante la somme de 5 000 euros à verser à la commune de Malaucène sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son intervention est recevable dès lors qu'elle a acquis les terrains faisant l'objet des classements en litige ;

- l'association requérante, dont l'objet statutaire est étranger à des préoccupations d'urbanisme, est dépourvue d'intérêt pour agir ;

- les conclusions tendant à l'annulation totale du PLU en litige sont nouvelles en appel et donc irrecevables ;

- les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme et du défaut de l'étude exigée par l'article L. 122-7 alinéa 1er du code de l'urbanisme et des consultations prévues par l'article L. 122-7 deuxième alinéa du code de l'urbanisme sont nouveaux en appel et donc irrecevables ;

- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 ;

- l'ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Carassic,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant l'association de sauvegarde du patrimoine de Malaucène, de Me A...représentant la commune de Malaucène et de Me B... représentant la société Vintour.

Une note en délibéré, enregistrée le 26 juin 2019, a été présentée pour la société Vintour.

Une note en délibéré, enregistrée le 8 juillet 2019, a été présentée pour l'association de sauvegarde du patrimoine de Malaucène.

Considérant ce qui suit :

1. Par délibération du 20 décembre 2007, le conseil municipal de la commune de Malaucène a prescrit la révision du plan d'occupation des sols (POS) de la commune valant transformation en plan local d'urbanisme. En raison de la fermeture en 2009 de la principale entreprise de la commune, " les Papèteries de Malaucène " et de la réflexion engagée par la commune sur la reconversion de ce site industriel d'une dizaine d'hectares situé à proximité du centre ville, la commune a décidé de "mettre en parenthèses" l'élaboration du plan local d'urbanisme. Le conseil municipal, par délibération du 10 mai 2016, a relancé cette procédure. Par délibération du 6 octobre 2016, le conseil municipal a tiré le bilan de la concertation et a arrêté son projet de PLU. L'enquête publique s'est déroulée du 19 janvier au 20 février 2017. Le commissaire enquêteur a rendu son rapport assorti de recommandations. Par délibération en litige du 16 mars 2017, le conseil municipal a approuvé le PLU de la commune. L'association de sauvegarde du patrimoine de Malaucène (SPAM) a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler partiellement cette délibération du 16 mars 2017 en tant qu'elle porte sur "les dispositions relatives au zones 1AUt, au sous-secteur 1AUth et zone 2AU". Par le jugement attaqué du 3 juillet 2018, les premiers juges ont rejeté sa demande. En appel, l'association SPAM demande à la Cour d'annuler, à titre principal, la délibération du 16 mars 2017 du conseil municipal de Malaucène et, à titre subsidiaire, cette délibération en tant qu'elle crée les zones 1AUt, 1AUTh et 2AU et la décision du 22 juin 2017 du maire de Malaucène rejetant son recours gracieux.

Sur l'intervention volontaire de la société Vintour :

2. La société Vintour, qui a acquis les terrains dont le classement est contesté pour construire un complexe hôtelier, a intérêt au maintien du jugement attaqué. Par suite, son intervention doit être admise.

Sur la fin de non recevoir opposée par la commune de Malaucène et la société Vintour aux conclusions d'appel de l'association SPAM tendant à l'annulation totale de la délibération en litige :

3. L'association requérante n'a demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de la délibération du 16 mars 2017 du conseil municipal de Malaucène qu'en tant seulement qu'elle crée les zones 1AUt, 1AUth et 2AU. Les conclusions de l'association présentées devant la Cour tendant à l'annulation totale de cette délibération sont nouvelles en appel et donc irrecevables. Par suite, la commune de Malaucène et la société Vintour sont fondées à soutenir que ces conclusions doivent être rejetées en tant qu'elles excèdent les conclusions d'annulation partielle présentées devant les premiers juges.

Sur la fin de non recevoir opposée par la commune de Malaucène et la société Vintour à la demande de première instance de l'association SPAM :

4. L'objet social de l'association vise à favoriser "par tous moyens possibles la sauvegarde, la promotion et la défense du patrimoine historique, architectural, naturel et culturel de la commune de Malaucène". Le classement contesté de la vaste zone de 10 hectares est susceptible de porter atteinte, selon l'association, à deux monuments historiques classés de la commune et au site naturel classé de la source du Groseau. Par suite, l'association requérante a intérêt pour agir contre la délibération en litige, qui porte atteinte aux intérêts qu'elle défend. Dès lors, la fin de non recevoir opposée à ce titre doit être écartée.

Sur la légalité de la délibération du 16 mars 2017 :

En ce qui concerne le "défaut de base légale" :

5. L'ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015 relative à la partie législative du livre Ier du code de l'urbanisme a inséré un chapitre IV " Plan d'occupation des sol " au titre VII " Dispositions diverses et transitoirement maintenues en vigueur ". L'article L. 174-1 du code de l'urbanisme résultant de cette ordonnance rappelle le principe, posé par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 dite " ALUR ", selon lequel les plans d'occupation des sols non transformés en plans locaux d'urbanisme au 31 décembre 2015 deviennent caducs sans remise en vigueur du document antérieur et avec application du règlement national d'urbanisme à compter du 1er janvier 2016. L'article L. 174-3 du code de l'urbanisme, qui codifie l'article 135 de la loi ALUR, prévoit que lorsqu'une procédure de révision du POS est engagée avant le 31 décembre 2015, elle peut être menée à terme en application des articles L. 123-1 et suivants, dans leur rédaction en vigueur au lendemain de la publication de la loi ALUR, à condition d'être achevée au plus tard trois ans après la publication de cette loi, soit avant le 27 mars 2017. Il résulte ainsi de l'article L. 174-3 du code de l'urbanisme que la procédure de révision d'un POS engagée avant le 31 décembre 2015 devait être, d'une part, menée selon les dispositions des articles L. 123-1 et suivants du code de l'urbanisme dans leur rédaction résultant de la loi ALUR, d'autre part, achevée avant le 27 mars 2017. A défaut, le plan d'occupation des sols devenait caduc dès le 1er janvier 2016.

6. Il ressort des pièces du dossier que la procédure de révision du plan d'occupation des sols de la commune de Malaucène a été engagée par une délibération du conseil municipal du 20 décembre 2007. Contrairement à ce que soutient l'association requérante, cette procédure de révision engagée en 2007 n'a pas été abandonnée au motif que la commune a décidé de "mettre en parenthèses" l'élaboration du plan local d'urbanisme compte tenu de la fermeture annoncée des Papèteries de Malaucène et de l'impact de cette fermeture notamment sur le plan urbanistique, ainsi que le mentionne la délibération du 10 mai 2016 précisant les nouveaux objectifs de cette révision en tenant compte de la restructuration envisagée du site industriel des Papèteries. Dès lors que cette procédure n'a été ni interrompue ni abandonnée, les dispositions du plan d'occupation des sols de Malaucène sont restées en vigueur, en application de l'article L. 174-3 du code de l'urbanisme, jusqu'à l'approbation du PLU de la commune par la délibération en litige du 16 mars 2017. Par suite, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir, ni que le plan d'occupation des sols de la commune serait devenu caduc à défaut de respecter le délai prévu par l'article L. 174-1 du code de l'urbanisme, ni que la commune ne pouvait pas réviser un plan d'occupation des sols devenu caduc, ni enfin qu'il lui appartenait dès lors d'adopter un nouveau PLU.

7. Par suite, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que la délibération en litige approuvant le PLU de la commune serait dépourvue de base légale.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'insuffisance de la définition des objectifs :

8. Aux termes de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable : " Le plan local d'urbanisme est élaboré à l'initiative et sous la responsabilité de la commune. La délibération qui prescrit l'élaboration du plan local d'urbanisme et précise les modalités de concertation, conformément à l'article L. 300-2, est notifiée au préfet (par ailleurs invocables à l'occasion d'un recours contre le plan local d'urbanisme approuvé) ". L'article L. 300-2 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de la délibération du 20 décembre 2007, dispose que : " I - Le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale délibère sur les objectifs poursuivis et sur les modalités d'une concertation associant, pendant toute la durée de l'élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées dont les représentants de la profession agricole, avant : / a) Toute élaboration ou révision du schéma de cohérence territoriale ou du plan local d'urbanisme / (...) ". Il est précisé au cinquième alinéa du I du même article, applicable au présent litige, que : " Les documents d'urbanisme et les opérations mentionnées aux a, b et c ne sont pas illégaux du seul fait des vices susceptibles d'entacher la concertation, dès lors que les modalités définies par la délibération prévue au premier alinéa ont été respectées. Les autorisations d'occuper ou d'utiliser le sol ne sont pas illégales du seul fait des vices susceptibles d'entacher cette délibération ou les modalités de son exécution. " ;

9. Il résulte de ces dispositions que l'adoption ou la révision du plan local d'urbanisme doit être précédée d'une concertation associant les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées. Le conseil municipal doit, avant que ne soit engagée la concertation, délibérer, d'une part, et au moins dans leurs grandes lignes, sur les objectifs poursuivis par la commune en projetant d'élaborer ou de réviser ce document d'urbanisme, et, d'autre part, sur les modalités de la concertation. Si cette délibération est susceptible de recours devant le juge de l'excès de pouvoir, son illégalité ne peut, en revanche, eu égard à son objet et à sa portée, être utilement invoquée contre la délibération approuvant le plan local d'urbanisme. Ainsi que le prévoit l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur, les irrégularités ayant affecté le déroulement de la concertation au regard des modalités définies par la délibération prescrivant la révision du document d'urbanisme demeurent.par ailleurs invocables à l'occasion d'un recours contre le plan local d'urbanisme approuvé

10. Il en résulte que le moyen de l'association requérante tiré de ce que la délibération du 20 décembre 2007 prescrivant la révision valant élaboration du plan local d'urbanisme, à défaut de définir précisément les objectifs poursuivis par cette révision, méconnaîtrait l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme est sans incidence sur la légalité de la délibération en litige du 16 mars 2017 approuvant le PLU de la commune et doit être écarté.

En ce qui concerne la compatibilité du PLU avec le SCoT de l'Arc Comtat Ventoux :

11. L'article L. 131-4 du code de l'urbanisme dispose notamment que les plans locaux d'urbanisme doivent être compatibles avec les schémas de cohérence territoriale. Pour apprécier la compatibilité d'un plan local d'urbanisme avec un schéma de cohérence territoriale, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle de l'ensemble du territoire couvert en prenant en compte l'ensemble des prescriptions du document supérieur, si le plan ne contrarie pas les objectifs qu'impose le schéma, compte tenu des orientations adoptées et de leur degré de précision, sans rechercher l'adéquation du plan à chaque disposition ou objectif particulier.

12. Le rapport de présentation du PLU en litige énonce que le projet de complexe touristique du site industriel des Papèteries comprend en partie nord dite aussi l'"usine" un hôtel haut de gamme sur l'emprise de l'ancienne usine de papèterie, puis dans le "goulot d'étranglement" le long de la rivière du Groseau des " appart 'hôtels " et en partie sud dite aussi "la plus haute", à proximité de l'ancienne fabrique, une quarantaine de villas en R+1 et une trentaine d'immeubles en R+2 organisés en "hameau". Ce projet touristique a nécessité le classement, par la délibération en litige, de ce site industriel, classé par l'ancien plan d'occupation des sols en zone UE du secteur des anciennes Papèteries de Malaucène destinée à accueillir des activités industrielles et artisanales, pour sa partie nord en secteur AUth permettant des règles de hauteur différentes (h) pour construire l'hôtel projeté, et pour la partie médiane et sud de ce territoire, un classement en zone IAUt, où seules sont autorisées les constructions d'hébergement touristique et celles nécessaires au fonctionnement du site ainsi que des équipements de loisirs (tennis, piscine). En outre, le rapport de présentation du PLU précise que la zone 2AU des anciennes Plâtrières du Groseau, au sud du site des Papèteries, est une zone distincte sur laquelle la Communauté d'agglomération Ventoux-Comtat Venaissin (CoVE) porte un projet différent de réhabilitation du bâtiment désaffecté en un site touristique destiné à la découverte du territoire du Mont Ventoux et de son terroir.

S'agissant de la compatibilité du classement des zones 1AUth et 2AU avec le SCoT :

13. Le document d'orientations générales (DOG) du schéma de cohérence territoriale de l'Arc Comtat Ventoux, approuvé le 18 juin 2013, précise notamment, dans son orientation 3 relative au renforcement de l'attractivité du territoire et dans l'objectif 3.1, de "soutenir et organiser le développement économique du territoire du SCoT de l'arc Comtat Ventoux", que les activités traditionnelles de services doivent se créer ou se développer en continuité immédiate de l'urbanisation existante dans le cadre de développement de nouveaux quartiers. Cet objectif 3.1 mentionne expressément, que : " Dans le cadre d'un objectif de réhabilitation du site des anciennes papeteries de Malaucène localisées sur la route du Groseau, l'objectif est de restructurer le site pour des activités à vocation avant tout touristique et en lien avec la filière santé/bien-être/sport. / Ces sites d'intérêt stratégique sont localisés sur le document graphique du DOG ". Le chapitre 3.3 de cette orientation relatif à la favorisation d'un tourisme durable précise expressément que le site des Plâtrières du Roseau constitue quant à lui un lieu touristique à restructurer dans son site actuel et que ce site sera localisé sur le document graphique du DOG. Les cartes graphiques annexées au SCoT portant délimitation de cette zone montrent que les secteurs classés en zone 1AUth et 2AU par le PLU en litige correspondent aux deux secteurs d'aménagement touristique prévu par ce schéma sur le territoire communal. Le classement de la zone 1AUth, située en continuité immédiate du centre du village et de la zone 2AU, destinée à la réhabilitation du bâtiment désaffecté en un site de loisirs destiné à la découverte du Mont Ventoux et de son terroir dans le cadre d'un tourisme durable et de développement modéré, sont ainsi compatibles avec le SCoT de l'Arc Comtat Ventoux.

S'agissant de la compatibilité du classement de la zone 1AUt avec le SCoT :

14. Si le document d'orientations générales du SCoT de l'Arc Comtat Ventoux prévoit aussi dans son point 5.3 " Un développement touristique maîtrisé ", il est précisé que ce développement économique doit se faire sur le territoire en continuité avec le tissu urbanisé pour ne pas favoriser le mitage et dans le respect des sites et des paysages. La zone 1AUt comprend le site dit "la plus haute" composé d'anciens terrains abandonnés depuis un siècle sur lesquels la végétation a repoussé et qui est entouré d'espaces boisés et naturels. Cette zone ne se situe ni en continuité ni à proximité des parties urbanisées de la commune. Elle a vocation à accueillir un projet de développement touristique important de 31 000 m2 de surface de plancher créée qui ne peut être regardé comme un développement touristique modéré et qui va ainsi favoriser le mitage et porter atteinte au site et notamment au monument historique de la chapelle du Groseau. Par suite, eu égard à l'ensemble des orientations adoptées, le classement de ce secteur dit "la plus haute" 1AUt est incompatible avec le SCoT de l'Arc Comtat Ventoux.

En ce qui concerne la compatibilité du PLU avec la loi Montagne :

15. L'article L. 131-1 du code de l'urbanisme prévoit que les plans locaux d'urbanisme doivent être compatibles avec les schémas de cohérence territoriale et, en l'absence de ces schémas, et s'il y a lieu, avec les dispositions particulières aux zones de montagne et au littoral prévues aux articles L. 145-1 à L. 146-9 du code de l'urbanisme. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que les auteurs des plans locaux d'urbanisme doivent s'assurer que les partis d'urbanisme présidant à l'élaboration de ces documents sont compatibles, lorsque le territoire de la commune est couvert par un schéma de cohérence territoriale, avec les éventuelles prescriptions édictées par ce SCoT, sous réserve que les dispositions que ce schéma comporte sur les modalités d'application des dispositions des article L. 122-10 et suivants du code de l'urbanisme soient, à la date d'approbation du plan local d'urbanisme, d'une part suffisamment précises et, d'autre part, compatibles avec ces mêmes dispositions ou, dans le cas contraire, avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières notamment aux zones de montagne.

16. La commune de Malaucène est classée en zone de montagne. Le SCoT de l'Arc Comtat Ventoux se borne à se référer à la loi Montagne, sans prévoir aucune modalité d'application particulière de cette loi Montagne sur son territoire. Par suite, la légalité du plan local d'urbanisme en litige doit être appréciée directement par rapport à la loi Montagne.

S'agissant de la méconnaissance de l'article L.122-5 relatif au principe d'extension de l'urbanisation en continuité avec l'urbanisation existante :

17. L'article L. 122-5 prévoit que :" L'urbanisation est réalisée en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants, sous réserve de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes, ainsi que de la construction d'annexes, de taille limitée, à ces constructions, et de la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées."

18. La zone 1AUth est située, ainsi qu'il a été dit au point 13 du présent arrêt, en continuité immédiate du centre du village. La zone 2AU des Plâtrières destinée à la réhabilitation interne du bâtiment industriel désaffecté sans création de superficie nouvelle ou de densité ne constitue pas une extension de l'urbanisation. Par suite, ces deux zones ne méconnaissent pas l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme.

19. En revanche, la création de zone 1AUt du secteur dit "la plus haute", destinée à accueillir une densité significative de constructions dans un secteur actuellement non bâti et qui n'est pas situé en continuité avec l'urbanisation existante de la commune, constitue une extension de l'urbanisation et ne peut être regardée comme une adaptation, un changement de destination, une réfection ou une extension limitée des constructions existantes. Par suite, la zone 1AUt du secteur dit "la plus haute" méconnait l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme.

S'agissant de la méconnaissance de l'article L. 122-4 du code de l'urbanisme relatif à la création de routes nouvelles panoramiques :

20. L'article L. 122-4 du code de l'urbanisme prévoit que :"La création de routes nouvelles de vision panoramique, de corniche ou de bouclage est interdite dans la partie des zones de montagne située au-dessus de la limite forestière, sauf exception justifiée par le désenclavement d'agglomérations existantes ou de massifs forestiers ou par des considérations de défense nationale ou de liaison internationale.".

21. Dès lors que le PLU en litige n'a ni pour objet, ni pour effet d'autoriser la création d'une route nouvelle de vision panoramique au sens de cet article, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article est sans incidence sur la légalité de ce PLU et doit être écarté.

S'agissant de la méconnaissance de l'article L. 122-9 du code de l'urbanisme relatif à la préservation des espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard :

22. L'article L. 122-9 du code de l'urbanisme prévoit que : "Les documents et décisions relatifs à l'occupation des sols comportent les dispositions propres à préserver les espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard."

23. La création de la zone 1AUth qui a vocation à recevoir l'implantation d'un hôtel sur un site industriel réhabilité, de la zone 2AU destinée à la restructuration d'un bâtiment industriel désaffecté, ainsi que la partie nord-ouest de la zone 1AUt destinée à accueillir des " appart hôtels " dans le respect de la préservation de la ripisylve de la rivière du Groseau ne portent pas atteinte à la préservation des espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard de la commune de Malaucène. En revanche, la création de la zone 1AUt dite "la plus haute", destinée à accueillir une densité importante de constructions bien au-delà de la seule emprise des anciens bâtiments industriels, à proximité d'un vaste espace naturel et boisé au sud marqué par la présence d'une ripisylve de montagne et de la chapelle du Groseau, édifice classé, s'oppose à la préservation de ce site caractéristique du patrimoine montagnard en méconnaissance de l'article L. 122-9 du code de l'urbanisme.

En ce qui concerne le non-respect de la procédure afférente aux unités touristiques nouvelles par le projet de complexe touristique prévue par l'article L. 122-15 et suivants du code de l'urbanisme :

24. Les requérants se bornent devant la Cour à réitérer ce moyen sans apporter d'élément de fait ou de droit nouveau. Il y a donc lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif dans le point 17 du jugement attaqué.

En ce qui concerne la méconnaissance des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement :

25. Si l'association requérante fait valoir que les articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement ont été méconnus en ce que la mise en oeuvre du PLU en litige par son zonage nécessitait l'édiction de prescriptions particulières permettant de préserver le patrimoine naturel et notamment le milieu naturel et les espèces d'oiseaux présentes dans le vallon du Groseau, cette mise en oeuvre, qui n'autorise pas par elle-même l'édification de constructions de nature à porter atteinte à la préservation de ce milieu et de ces espèces, n'est pas susceptible à ce stade d'entraîner un effet quelconque sur ce milieu et ne méconnaît pas, par suite, les articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement.

26. L'urbanisation approuvée par le PLU en litige étant justifiée pour un motif d'intérêt général, le moyen tiré du détournement de pouvoir doit être écarté.

27. Il résulte de ce qui précède que l'association de sauvegarde du patrimoine de Malaucène est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande en tant qu'elle concerne la zone 1AUt du secteur dit "la plus haute", à demander l'annulation de la délibération du 16 mars 2017 du conseil municipal de Malaucène en tant qu'elle créée cette zone 1AUt du secteur dit "la plus haute" et la réformation du jugement attaqué dans cette seule mesure.

Sur les frais liés au litige :

28. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation."

29. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Vintour, intervenante volontaire qui n'a pas la qualité de partie à l'instance au sens de ces dispositions, soit fondée à demander que soit mise à la charge de l'association requérante une quelconque somme à verser à la commune de Malaucène sur le fondement de ces dispositions. D'autre part, dans les circonstances de l'espèce, il ne paraît pas inéquitable de laisser à chacune des parties à la présente instance la charge des frais qu'elles ont engagés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1 : L'intervention de la société Vintour est admise.

Article 2 : La délibération du 16 mars 2017 du conseil municipal de Malaucène est annulée en tant qu'elle créée la zone 1AUt du secteur dit "la plus haute".

Article 3 : Le jugement du 3 juillet 2018 du tribunal administratif de Nîmes est réformé en ce qu'il a de contraire avec l'article 2 du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de l'association de sauvegarde du patrimoine de Malaucène est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de la commune de Malaucène et de la société Vintour présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'association de sauvegarde du patrimoine de Malaucène, à la commune de Malaucène et à la société Vintour.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2019, où siégeaient :

- Mme Buccafurri, présidente de chambre,

- Mme Carassic, première conseillère ;

- MmeD..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 9 juillet 2019.

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N°18MA04160


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Plans d'aménagement et d'urbanisme. Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d'urbanisme (PLU). Légalité des plans.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme BUCCAFURRI
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : DURAND

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 09/07/2019
Date de l'import : 30/07/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18MA04160
Numéro NOR : CETATEXT000038828731 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-07-09;18ma04160 ?
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