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04/07/2019 | FRANCE | N°19MA00764

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 04 juillet 2019, 19MA00764


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 10 juillet 2018, par lequel le préfet de l'Hérault lui a enjoint de quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 1803407 du 16 octobre 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistré

e le 11 février 2019, M. A...représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugeme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 10 juillet 2018, par lequel le préfet de l'Hérault lui a enjoint de quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 1803407 du 16 octobre 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 février 2019, M. A...représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 16 octobre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté précité ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un récépissé dans un délai de deux mois sous une astreinte de 100 euros par jours de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil qui renonce dans ce cas à percevoir la part contributive de l'Etat due au titre de l'aide juridictionnelle ;

Il soutient que :

- l'arrêté portant obligation de quitter le territoire méconnaît les articles L. 741-1, L. 743-1 et L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) dès lors qu'un recours était pendant devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ;

- il a été édicté sans examen réel et complet de sa situation personnelle et est donc entaché d'erreur de droit ;

- la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement est illégale dès lors qu'il encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine au regard de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant un an est illégale, par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire sans délai et de la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 avril 2019, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 décembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la Cour a désigné M. Portail en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Gougot été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 10 juillet 2018, le préfet de l'Hérault a enjoint à M.A..., ressortissant albanais, de quitter le territoire national sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a édicté à son encontre une interdiction de retour en France d'une durée d'un an. M. A...relève appel du jugement du 16 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 10 juillet 2018 :

2. Aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) en vigueur à la date de la décision attaquée : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. ". Eu égard à l'objet de ces dispositions, la présentation, par un demandeur d'asile, avant l'expiration du délai d'un mois prévu à l'article R. 733-9 du CESEDA, d'une demande d'aide juridictionnelle devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) en vue de contester la décision négative de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) dont il a fait l'objet, a le caractère d'un recours au sens de ces dispositions.

3. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le 11 décembre 2017 M. A...a formé une demande d'aide juridictionnelle afin de saisir la CNDA d'un recours contre la décision d'irrecevabilité de l'OFPRA du 10 novembre 2017, notifiée le 28 novembre 2017. Et si le préfet se prévaut d'un relevé Télémofpra qui mentionne une " date de fin de procédure " CNDA au 18 février 2018, de telles mentions ne sont pas suffisamment précises pour considérer qu'à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été édicté, un recours n'était pas en cours d'examen devant la CNDA et l'intéressé ne bénéficiait plus du droit de se maintenir en France. Le préfet de l'Hérault a dès lors méconnu les dispositions citées au point 2 en prenant à l'encontre du requérant une obligation de quitter le territoire français sans délai.

4. L'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai entraîne par voie de conséquence l'illégalité des décisions portant fixation du pays de destination de la mesure d'éloignement et interdiction de retour.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 juillet 2018.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant d'un délai d'exécution. ". Et selon l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ". Enfin l'article L. 911-3 du même code dispose que : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. " ;

7. Eu égard aux motifs du présent arrêt, son exécution entraîne nécessairement la délivrance à l'intéressé d'un récépissé de demande d'asile dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

8. Le requérant a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Ainsi, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me C...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1803407 du tribunal administratif de Montpellier du 16 octobre 2018 et l'arrêté du préfet de l'Hérault du 10 juillet 2018 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer à M. A...un récépissé de demande d'asile, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et suivant les modalités précisées dans les motifs sus indiqués.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à MeC..., en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que Me C...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A..., au ministre de l'intérieur et à Me C....

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2019 où siégeaient :

- M. Portail, président,

- Mme Gougot, premier conseiller,

- M. Silvy premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 juillet 2019.

N° 19MA00764 3

fn


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 19MA00764
Date de la décision : 04/07/2019
Type d'affaire : Administrative

Analyses

095-02-04


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: Mme Isabelle GOUGOT
Rapporteur public ?: Mme GIOCANTI
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-07-04;19ma00764 ?
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