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25/06/2019 | FRANCE | N°18MA02733

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 25 juin 2019, 18MA02733


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 13 janvier 2016 lui refusant un titre de séjour.

Par un jugement n° 1602524 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 juin 2018, M. D... C..., représenté par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 29 décembre 2017 du tribunal administratif de Mon

tpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 janvier 2016 du préfet de l'Hérault ;

3°) d'enjoindre, à titr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 13 janvier 2016 lui refusant un titre de séjour.

Par un jugement n° 1602524 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 juin 2018, M. D... C..., représenté par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 29 décembre 2017 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 janvier 2016 du préfet de l'Hérault ;

3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande, et ce dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas fait un examen particulier de sa situation ;

- la décision est entachée d'incompétence dès lors que la délégation, qui vise le décret n° 62-1587 qui a été abrogé, est trop générale ;

- les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il a ses intérêts privés et familiaux en France ;

- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu ;

- les articles 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ont été méconnus dès lors que la décision va l'obliger à rompre tout contact avec sa fille.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 février 2019, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il s'en remet à son argumentation présentée en première instance.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 mars 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Slimani a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... C..., ressortissant marocain né le 28 mai 1986, déclare être entré en France le 6 avril 2013 muni d'une carte de résident longue durée délivrée par les autorités espagnoles et valable jusqu'au 29 janvier 2018. Il s'est marié le 6 avril 2013 avec une ressortissante marocaine, titulaire d'une carte de séjour temporaire en France. De cette union est née une fille le 25 février 2015 de nationalité marocaine. Son épouse a sollicité le regroupement familial au bénéfice de son époux le 17 février 2014 qui a été refusé au motif que ses ressources étaient insuffisantes et son logement non conforme. M. C... a sollicité le 17 décembre 2015 une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 13 janvier 2016, le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande. Par un jugement du 29 décembre 2017 dont l'intéressé relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter le moyen soulevé par M. C...tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté attaqué, par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif au point 3 de son jugement.

3. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué fait état d'éléments précis relatifs à la situation personnelle, professionnelle et administrative de l'intéressé. Il expose également les motifs ayant conduit son auteur à considérer que l'appelant n'était pas fondé à solliciter son admission au séjour, que ce soit de plein droit ou à titre de mesure exceptionnelle de régularisation. Contrairement à ce que soutient le requérant, ces éléments établissent que sa situation personnelle a fait l'objet d'un examen effectif, préalablement à l'édiction de cet arrêté, sans qu'il fasse utilement valoir, à cet égard, que le préfet, qui était seulement tenu d'indiquer les motifs déterminants de sa décision, n'a pas pris en compte l'ensemble des éléments supposément portés par lui à sa connaissance.

4. En troisième lieu, par arrêté n° 2014-I-1341 du 31 juillet 2014, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de l'Hérault a accordé à M. Olivier Jacob, secrétaire général de la préfecture et signataire de l'arrêté contesté, à l'effet de signer tous actes, arrêtés, décisions et circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Hérault et notamment en ce qui concerne les affaires intéressant plusieurs services départementaux, des administrations civiles de l'Etat. Par ailleurs, cette délégation ne prévoit pas pour seule exception les réquisitions prises en application de la loi du 11 juillet 1938 relative à l'organisation générale de la nation pour temps de guerre mais également la réquisition des comptables publics régie par le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique. La circonstance que les dispositions de ce décret ont été abrogées par le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique demeure sans incidence sur la régularité de la délégation accordée dès lors que la matière concernée, si elle est désormais régie par ce dernier décret, reste exclue de la délégation en litige. Cette délégation, qui n'est ainsi pas trop générale, habilitait dès lors M. A...à signer l'arrêté contesté. Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige doit être écarté.

5. En quatrième lieu, les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont applicables aux ressortissants marocain qu'en ce qui concerne la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".

6. En l'espèce, M. C..., qui déclare être entré en France en 2013, fait valoir que sa situation personnelle doit être regardée comme constituant un motif exceptionnel ou des considérations humanitaires justifiant son admission exceptionnelle au séjour au titre de sa vie privée et familiale, notamment compte tenu de l'ancienneté de son séjour en France, pays où réside son épouse en situation régulière, son enfant mineur et des membres de sa famille. Toutefois, son épouse ne bénéficie que d'un titre de séjour temporaire d'un an renouvelable. Le requérant ne fait état d'aucun obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue soit au Maroc où résident ses parents et d'autres membres de sa fratrie, pays dont tous les membres du foyer ont la nationalité et où l'appelant a vécu la majeure partie de sa vie, soit en Espagne où le requérant est légalement admissible. Dès lors, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que la situation personnelle de l'intéressé ne justifiait pas son admission exceptionnelle au séjour au titre de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen de M. C... tiré de la méconnaissance à ce titre des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

8. Eu égard à la situation privée et familiale de M. C...exposée au point 6, l'arrêté attaqué n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, cet arrêté n'est pas entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

9. Enfin, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Aux termes de l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Les enfants ont droit à la protection et aux soins nécessaires à leur bien-être. Ils peuvent exprimer leur opinion librement. Celle-ci est prise en considération pour les sujets qui les concernent, en fonction de leur âge et de leur maturité. 2. Dans tous les actes relatifs aux enfants, qu'ils soient accomplis par des autorités publiques ou des institutions privées, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. 3. Tout enfant a le droit d'entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à son intérêt. ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

10. Ainsi qu'il a été dit au point 6, rien ne s'oppose à ce que M. C...reconstitue sa cellule familiale au Maroc ou en Espagne avec sa fille en bas âge et son épouse de même nationalité. Dans ces conditions, le préfet du Gard n'a méconnu ni les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ni celles de l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

11. Il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., au ministre de l'intérieur et à MeB....

Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 11 juin 2019, où siégeaient :

- Mme Buccafurri, présidente,

- MmeE..., première conseillère,

- M. Slimani, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 juin 2019.

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N° 18MA02733


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme BUCCAFURRI
Rapporteur ?: M. Ahmed SLIMANI
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 25/06/2019
Date de l'import : 03/07/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18MA02733
Numéro NOR : CETATEXT000038713761 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-06-25;18ma02733 ?
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