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17/06/2019 | FRANCE | N°18MA01368

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 17 juin 2019, 18MA01368


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société DPD France a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 28 octobre 2016 par laquelle la ministre du travail a annulé la décision du 3 mai 2016 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité départementale de l'Hérault à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées l'a autorisée à procéder au licenciement pour inaptitude de Mme D... A...et a refusé d'autoriser ce

licenciement.

Par un jugement n° 1606124 du 30 janvier 2018, le tribunal admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société DPD France a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 28 octobre 2016 par laquelle la ministre du travail a annulé la décision du 3 mai 2016 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité départementale de l'Hérault à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées l'a autorisée à procéder au licenciement pour inaptitude de Mme D... A...et a refusé d'autoriser ce licenciement.

Par un jugement n° 1606124 du 30 janvier 2018, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cette décision.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 mars 2018, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 30 janvier 2018 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société DPD France devant le tribunal administratif de Montpellier ;

3°) de mettre à la charge de la société DPD France la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la société DPD France ne pouvait être dispensée de toute recherche d'adaptation du poste de travail ou de reclassement dès lors que l'avis du médecin du travail n'a pas repris et mentionné expressément que tout maintien du salarié dans l'entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé ;

- au regard des démarches qu'elle a entreprises, la société DPD France ne s'est jamais estimée dispensée de l'obligation de reclassement à laquelle elle était tenue ;

- la dispense de recherche de reclassement ne pouvait être étendue au périmètre du groupe auquel appartient l'entreprise ;

- les efforts de reclassement sont insuffisants ;

- le licenciement n'est pas dépourvu de lien avec le mandat.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juin 2018, la société DPD France, représentée par Me B... et Me E..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un mémoire enregistré le 19 octobre 2018, la ministre du travail a présenté des observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coutier, premier conseiller,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me C... représentant Mme A..., et de Me E..., représentant la société DPD France.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... a été recrutée le 3 octobre 2011 en contrat à durée indéterminée en qualité de conductrice courte distance, véhicules légers au sein de la société DPD France, spécialisée dans le transport de petits colis. Elle était détentrice d'un mandat de déléguée du personnel suppléante depuis le 20 février 2014 et a été victime d'un accident du travail survenu le 7 mai 2015. Suite à un avis d'inaptitude émis par le médecin du travail consécutivement à cet accident, l'inspectrice du travail de l'unité départementale de l'Hérault, saisie par la société DPD France, a par décision du 3 mai 2016 autorisée celle-ci à procéder au licenciement de Mme A... pour inaptitude physique. Sur recours hiérarchique formée par cette dernière, la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, par décision du 28 octobre 2016, annulé la décision de l'inspectrice du travail et refusé d'autoriser le licenciement de l'intéressée. Mme A... relève appel du jugement du 30 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé cette décision de la ministre du 28 octobre 2016.

2. Aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. / Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. (...) / L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail. ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 17 août 2015 : " L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions. Il peut également rompre le contrat de travail si l'avis du médecin du travail mentionne expressément que tout maintien du salarié dans l'entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé. ".

3. Par ailleurs, selon l'article R. 4624-31 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail que s'il a réalisé : / 1° Une étude de ce poste ; / 2° Une étude des conditions de travail dans l'entreprise ; / 3° Deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires. / Lorsque le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers ou lorsqu'un examen de pré-reprise a eu lieu dans un délai de trente jours au plus, l'avis d'inaptitude médicale peut être délivré en un seul examen. ".

4. En vertu du code du travail, les salariés protégés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que l'employeur a cherché à reclasser le salarié sur d'autres postes appropriés à ses capacités, le cas échéant par la mise en oeuvre, dans l'entreprise, de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. Le licenciement ne peut être autorisé que dans le cas où l'employeur n'a pu reclasser le salarié dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, menée tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.

5. Il résulte toutefois des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 1226-12 du code du travail, éclairées par les travaux parlementaires, que, dans le cas où l'avis du médecin du travail mentionne expressément que tout maintien du salarié dans l'entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé, il n'appartient pas à l'employeur de rechercher une adaptation du poste de travail ou un reclassement du salarié au sein de l'entreprise.

6. En l'espèce, l'imprimé intitulé " fiche d'aptitude médicale " signé du médecin du travail en date du 31 août 2015 comporte les mentions suivantes : " après examen clinique, étude des postes et des conditions de travail, inapte définitivement au poste d'ouvrier roulant chauffeur livreur et à tout poste dans l'entreprise, à Mauguio ou sur un autre site. Article R 4624-31 du code du travail : danger immédiatement pour la santé ou la sécurité de l'intéressée ou celle des tiers ", et renvoie à une " fiche de visite " annexée. Cette fiche de visite, également établie le 31 août 2015, reprend les indications précitées et ajoute " un seul examen est effectué " ainsi que " un maintien dans l'entreprise est impossible, contre-indiqué médicalement ".

7. Cet avis, bien qu'il ne reprenne pas littéralement les termes de l'article L. 1226-12 du code du travail, constatait explicitement l'impossibilité du maintien de Mme A... dans l'entreprise, pour des raisons médicales. Contrairement à ce que soutient la requérante, cette mention ne pouvait être regardée comme ayant pour objet de répondre aux seules exigences posées par l'article R. 4624-31 du même code lorsque l'avis est émis au terme d'un unique examen médical, qui ne requiert que de constater le danger immédiat que représente le maintien du salarié à son poste de travail. Dès lors, en écartant l'application des nouvelles dispositions de l'article L. 1226-12 précitées qui dispensaient la société DPD France de toute recherche d'adaptation du poste de travail ou de reclassement au sein de l'entreprise, la ministre du travail a entaché sa décision d'une erreur de droit.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 28 octobre 2016 de la ministre du travail.

Sur les frais liés au litige :

9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société DPD France, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme A..., au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Mme A... la somme demandée par la société DPD France, au même titre.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société DPD France présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A..., à la société DPD France et à la ministre du travail.

Copie en sera adressée à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Occitanie.

Délibéré après l'audience du 3 juin 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,

- M. Guidal, président-assesseur,

- M. Coutier, premier conseiller.

Lu en audience publique le 17 juin 2019.

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N° 18MA01368

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA01368
Date de la décision : 17/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-035-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Motifs autres que la faute ou la situation économique. Inaptitude ; maladie.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: M. Bruno COUTIER
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : DE RUDNICKI

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-06-17;18ma01368 ?
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