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24/05/2019 | FRANCE | N°18MA03209

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 24 mai 2019, 18MA03209


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Cap Nostrum, M. G... O..., M. M... F..., Mme N... D..., M. H... B..., M. L... I..., Mme J... K...et M. G... C..., ont demandé au tribunal administratif de Bastia, à titre principal, d'annuler les trois délibérations n° 15/235 AC, n° 15/236 AC et n° 15/237 AC du 2 octobre 2015 par lesquelles l'assemblée de Corse a approuvé le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC), la liste des espaces remarquables ou caractéristiques du littoral ainsi que la carte des vocations

des plages et séquences littorales qui détermine les espaces situés dans ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Cap Nostrum, M. G... O..., M. M... F..., Mme N... D..., M. H... B..., M. L... I..., Mme J... K...et M. G... C..., ont demandé au tribunal administratif de Bastia, à titre principal, d'annuler les trois délibérations n° 15/235 AC, n° 15/236 AC et n° 15/237 AC du 2 octobre 2015 par lesquelles l'assemblée de Corse a approuvé le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC), la liste des espaces remarquables ou caractéristiques du littoral ainsi que la carte des vocations des plages et séquences littorales qui détermine les espaces situés dans la bande littorale définie au III de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, à titre subsidiaire, d'annuler ces trois délibérations en tant qu'elles fixent une surface d'espaces stratégiques agricoles par commune et de mettre à la charge de la collectivité de Corse une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1600696, du 9 mai 2018, le tribunal administratif de Bastia a annulé la délibération n° 15/235 AC du 2 octobre 2015 en tant qu'elle arrête la carte des espaces stratégiques agricoles et rejeté le surplus des conclusions de l'association Cap Nostrum et autres.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 juillet 2018, l'association Cap Nostrum, M. G... O..., M. M... F..., Mme N... D..., M. H... B..., M. L... I..., Mme J... K...et M. G... C..., représentés par Me E..., demandent à la Cour :

1°) à titre principal d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 9 mai 2018 ;

2°) d'annuler les trois délibérations n° 15/235 AC, n° 15/236 AC et n° 15/237 AC du 2 octobre 2015 par lesquelles l'assemblée de Corse a approuvé le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC), la liste des espaces remarquables ou caractéristiques du littoral ainsi que la carte des vocations des plages et séquences littorales qui détermine les espaces situés dans la bande littorale définie au III de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ;

3°) à titre subsidiaire d'annuler ces trois délibérations en tant qu'elles fixent une surface d'espaces stratégiques agricoles par commune ;

4°) de mettre à la charge de la collectivité de Corse la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier car les cartes qui ont servi pour établir les ESA étaient obsolètes ;

- il a omis de statuer sur des moyens invoqués, notamment la méconnaissance de l'article L. 123-3 de l'environnement et la violation de L. 4424-11 en ce que le PADDUC fixe un volume d'ESA par commune ;

- les délibérations méconnaissent le principe de non tutelle d'une collectivité sur une autre ;

- les ESA ne sont ni limités, ni stratégiques ;

- les délibérations méconnaissent l'article L. 4424-13 du code général des collectivités territoriales ;

- les délibérations méconnaissent le principe d'équilibre issu de l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme ;

- les ERC relèvent de l'article L. 4424-11du code général des collectivités territoriales et non de l'article L. 4424-12 de ce code ;

- l'enquête est irrégulière en raison d'un double jeu de cartes et la méconnaissance de l'article L. 4424-13 du code général des collectivités territoriales ;

- l'enquête a méconnu l'article L. 123-13 du code de l'environnement ;

- les articles L. 4424-9 et L. 4424-13 du code général des collectivités territoriales ont été méconnus ;

- les méthodes de délimitation des ESA sont illégales ;

- l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales a été méconnu en ce que le PADDUC a ajouté à la loi ;

- l'obligation d'un volume d'ESA méconnait le principe de libre administration des collectivités territoriales ;

- la détermination des ERC est illégale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 janvier 2019, la collectivité de Corse, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des requérants une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par l'association Cap Nostrum et autres ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que " Par un jugement du 1er mars 2018, n° 1600464, le tribunal administratif de Bastia a annulé " La délibération n° 15/235 AC du 2 octobre 2015 ... en tant qu'elle arrête la carte des espaces stratégiques agricoles ". Aucun autre document du PADDUC que les cartes des espaces stratégiques agricoles ne permet de délimiter les espaces stratégiques agricoles. Les requérants demandent l'annulation totale des délibérations du 2 octobre 2015. Dans la mesure où le jugement n° 1600464 du 1er mars 2018 est devenu définitif, tout comme l'annulation qu'il prononce, les conclusions des requérants en tant qu'elles concernent la carte des espaces stratégiques agricoles sont devenues sans objet. ".

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code l'urbanisme ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marcovici,

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., représentant l'association Cap Nostrum et autres, et de Me A..., représentant la collectivité de Corse.

Une note en délibéré présentée par Me A... pour la collectivité de Corse a été enregistrée le 7 mai 2019.

Considérant ce qui suit :

1. L'association Cap Nostrum, M. G... O..., M. M... F..., Mme N... D..., M. H... B..., M. L... I..., Mme J... K...et M. G... C...relèvent appel du jugement du 9 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Bastia a annulé la délibération n° 15/235 AC du 2 octobre 2015 en tant qu'elle arrête la carte des espaces stratégiques agricoles et a rejeté leur demande d'annulation des délibérations n° 15/235 AC, n° 15/236 AC et n° 15/237 AC du 2 octobre 2015 par lesquelles l'assemblée de Corse a approuvé le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC), la liste des espaces remarquables ou caractéristiques du littoral ainsi que la carte des vocations des plages et séquences littorales qui détermine les espaces situés dans la bande littorale définie au III de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme.

Sur l'étendue du litige :

2. Par un jugement du 1er mars 2018, n° 1600464, le tribunal administratif de Bastia a annulé " La délibération n° 15/235 AC du 2 octobre 2015 ... en tant qu'elle arrête la carte des espaces stratégiques agricoles ". Aucun autre document du PADDUC ne permet de délimiter les espaces stratégiques agricoles que les cartes des espaces stratégiques agricoles. En effet, les critères figurant tant dans le règlement que dans les livrets, s'ils désignent les critères d'éligibilité aux ESA ne permettent pas de déterminer ou d'identifier lesdits espaces avec certitude. Ce jugement du 1er mars 2018 est devenu définitif, tout comme l'annulation qu'il prononce. Dans ces conditions, les conclusions des requérants sont devenues sans objet, en tant qu'ils demandent l'annulation de la délibération du 2 octobre 2015 en tant qu'elle arrête la carte des espaces stratégiques agricoles.

Sur la régularité du jugement :

3. Les requérants ont invoqué, dans leur mémoire enregistré le 27 mars 2018, le moyen tiré de ce que la collectivité de Corse ne pouvait légalement imposer aux communes une superficie d'espaces stratégiques agricoles. Le Tribunal n'a pas répondu à ce moyen, qui n'était pas inopérant. Le jugement est donc irrégulier et ne peut qu'être annulé.

4. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de statuer sur les conclusions de première instance et d'appel des requérants par la voie de l'évocation.

Sur la légalité des délibérations attaquées :

5. Contrairement aux affirmations des requérants, l'irrégularité de la délibération attaquée approuvant le PADDUC et tenant à l'irrégularité de l'enquête publique en ce que les cartes approuvées étaient distinctes des cartes mises à l'enquête, qui a été sanctionnée par le jugement précité du 1er mars 2018, méconnaissant ainsi l'article L. 4424-13 du code général des collectivités territoriales, n'entraine que l'annulation partielle de ladite délibération, en tant qu'elle arrête les cartes relatives aux espaces stratégiques agricoles, et n'a pas d'influence sur la légalité du surplus de la délibération dès lors qu'elle n'affecte pas son économie générale. Contrairement également aux affirmations des requérants, cette irrégularité ne concerne que les espaces stratégiques agricoles et non les espaces remarquables. La délibération n'est donc pas irrégulière en tant qu'elle arrête les cartes des espaces remarquables.

6. Aux termes de l'article L. 4424-13 du code général des collectivités territoriales : " I. - Le projet de plan d'aménagement et de développement durable de Corse est élaboré par le conseil exécutif. / La stratégie et les orientations envisagées, notamment en application de l'article L. 4424-11, font l'objet d'un débat, préalable à cette élaboration, au sein de l'Assemblée de Corse. ". Contrairement aux affirmations des requérants, le débat prévu par ces dispositions a eu lieu le 26 juillet 2012. Le moyen ne peut qu'être écarté.

7. Les requérants soutiennent que les délibérations seraient illégales en ce que l'information prévue par les dispositions de l'article L. 123-13 du code de l'environnement n'aurait pas été complète. Ils ne l'établissent toutefois pas par l'affirmation qu'une partie du public se serait mépris sur les rapports qu'entretiennent les documents d'urbanisme et notamment sur le rapport de compatibilité entre le PADDUC et les documents subséquents des collectivités territoriales et établissement publics territoriaux de Corse, lesquels ne résultent que de l'application des dispositions législatives applicables. La circonstance que la collectivité ait dû préciser que les espaces stratégiques agricoles seraient, en principe, inconstructibles ne révèle pas davantage une information insuffisante du public sur les conséquences de la mise en oeuvre du PADDUC. L'irrégularité tenant à la mise à disposition de cartes erronées n'a eu qu'un impact limité relatif, comme déjà dit au point 5, aux cartes des espaces stratégiques agricoles. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.

8. Aux termes du I de l'article L. 4424-9 du code général des collectivités territoriales : " (...) La destination générale des différentes parties du territoire de l'île fait l'objet d'une carte, dont l'échelle est déterminée par délibération de l'Assemblée de Corse dans le respect de la libre administration des communes et du principe de non-tutelle d'une collectivité sur une autre, et que précisent, le cas échéant, les documents cartographiques prévus à l'article L. 4424-10 et au II de l'article L. 4424-11 (...) ". Aux termes du II de l'article L. 4424-11 du même code : " Le plan d'aménagement et de développement durable de Corse peut, compte tenu du caractère stratégique au regard des enjeux de préservation ou de développement présentés par certains espaces géographiques limités, définir leur périmètre, fixer leur vocation et comporter des dispositions relatives à l'occupation du sol propres auxdits espaces, assorties, le cas échéant, de documents cartographiques dont l'objet et l'échelle sont déterminés par délibération de l'Assemblée de Corse. / En l'absence de schéma de cohérence territoriale, de plan local d'urbanisme, de schéma de secteur, de carte communale ou de document en tenant lieu, les dispositions du plan relatives à ces espaces sont opposables aux tiers dans le cadre des procédures de déclaration et de demande d'autorisation prévues au code de l'urbanisme ". Aux termes du I de l'article L. 4424-12 du même code : " Le plan d'aménagement et de développement durable peut, par une délibération particulière et motivée de l'Assemblée de Corse, fixer, pour l'application du premier alinéa de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme, une liste complémentaire à la liste des espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral et des milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques à préserver. Cette délibération tient lieu du décret prévu au premier alinéa du même article L. 146-6. Elle définit également leur localisation ". Ces dispositions habilitent la collectivité de Corse à définir une stratégie ainsi que des objectifs, des orientations et des principes d'aménagement au sein des différents espaces qu'elle définit. En particulier, le PADDUC peut préciser les modalités d'application des dispositions particulières aux zones de montagne et au littoral. Ces dispositions confient, par ailleurs, à l'assemblée de Corse le soin de déterminer l'échelle de la carte de destination générale des différentes parties du territoire et la carte des espaces géographiques limités présentant un caractère stratégique au regard des enjeux de préservation et de développement.

9. En l'espèce, l'échelle de 1/100 000 choisie pour la carte de destination générale des différentes parties du territoire est suffisamment précise pour avoir une portée utile sans transformer le rapport de compatibilité devant exister dans les relations entre le PADDUC et les documents d'urbanisme locaux en rapport de conformité et sans permettre une identification des différentes parcelles. Il s'ensuit que le choix des échelles ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales pas davantage d'ailleurs que le principe de libre administration des collectivités territoriales ou le principe d'interdiction de toute tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre. La déclinaison par commune des surfaces agricoles est indicative, comme le précise le schéma d'aménagement territorial page 66 et suivantes et ne méconnait donc pas non plus les principes précités. Enfin, s'agissant de la branche du moyen portant sur la carte des ESA, elle ne peut utilement être invoquée en raison de l'annulation prononcée par le jugement définitif du 1er mars 2018.

10. Aux termes du II de l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales : " Le plan d'aménagement et de développement durable de Corse peut, compte tenu du caractère stratégique au regard des enjeux de préservation ou de développement présentés par certains espaces géographiques limités, définir leur périmètre, fixer leur vocation et comporter des dispositions relatives à l'occupation du sol propres auxdits espaces, assorties, le cas échéant, de documents cartographiques dont l'objet et l'échelle sont déterminés par délibération de l'Assemblée de Corse. / En l'absence de schéma de cohérence territoriale, de plan local d'urbanisme, de schéma de secteur, de carte communale ou de document en tenant lieu, les dispositions du plan relatives à ces espaces sont opposables aux tiers dans le cadre des procédures de déclaration et de demande d'autorisation prévues au code de l'urbanisme ". Le PADDUC détermine la surface des espaces stratégiques agricoles à hauteur de 105 119 hectares, soit 12 % seulement du territoire de l'île. Cette proportion fixée par le PADDUC ne peut être regardée comme excédant la notion de limite introduite par les dispositions du II de l'article L. 4424-11 pour certains espaces géographiques. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les espaces stratégiques agricoles ne présentent pas un caractère limité.

11. Aux termes du I de l'article L. 4424-12 du code général des collectivités territoriales : " Le plan d'aménagement et de développement durable peut, par une délibération particulière et motivée de l'Assemblée de Corse, fixer, pour l'application de l'article L. 121-23 du code de l'urbanisme, une liste complémentaire à la liste des espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral et des milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques à préserver. Cette délibération tient lieu du décret prévu au premier alinéa du même article L. 146-6. Elle définit également leur localisation ". Contrairement à ce que soutiennent les requérants, ces dispositions habilitent la collectivité de Corse à localiser à l'échelle du territoire régional les sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral. L'annexe 7 du PADDUC précise : " L'épaisseur du trait bleu séparant les ERC de leurs abords correspond à une marge de 100 m ". Cette délimitation des ERC ne méconnaît donc ni le principe de libre administration des collectivités territoriales ni le principe d'interdiction de toute tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre.

12. Contrairement aux affirmations des requérants, le PADDUC prévoit le classement en espaces stratégiques agricoles de 105 000 hectares comme un objectif à atteindre qui n'est pas strictement contraignant, tout comme leur déclinaison par communes. Cet objectif a été fixé et défini, aux termes du point I. b du livret III " schéma d'aménagement territorial " comme " les espaces cultivables (moins de 15 % de pente) à potentialité agronomique, incluant les espaces pastoraux présentant les meilleures potentialités, ainsi que par les espaces cultivables et équipés ou en projet d'un équipement structurant d'irrigation. Leur surface est de 105 119 ha. ". Les requérants ne critiquent donc pas utilement l'estimation à 105 000 hectares des espaces stratégiques agricoles. Ils n'apportent pas les précisions suffisantes permettant à la Cour d'apprécier en quoi les définitions apportées par le PADDUC aux espaces agricoles stratégiques ne permettraient pas d'atteindre cet objectif. La fixation des objectifs ne méconnait pas les principes de non tutelle d'une collectivité sur une autre et n'impose pas que les documents d'urbanisme subséquents soient dans un rapport de conformité au PADDUC.

13. En vertu du I. de l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales, le PADDUC peut préciser les modalités d'application, adaptées aux particularités géographiques locales du chapitre 2 du titre II du livre Ier du code de l'urbanisme sur les zones de montagne. En application de ces dispositions, le PADDUC, approuvé par la délibération attaquée, définit, d'une part, les critères et indicateurs permettant d'identifier et de délimiter les agglomérations et villages en Corse, d'autre part, une liste de critères et indicateurs permettant d'apprécier si une zone dans laquelle se trouvent des constructions présente un caractère urbanisé tel qu'elle est susceptible d'être densifiée et donc " urbanisable ". Le PADDUC définit également les caractéristiques du hameau corse et énonce les conditions de réalisation d'un hameau nouveau intégré à l'environnement. Le PADDUC dispose qu'un document d'urbanisme qui entend étendre l'urbanisation doit au préalable identifier distinctement ces entités urbaines qui doivent explicitement apparaître dans les documents d'urbanisme. Ces prescriptions apportent des précisions et sont compatibles avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières à la montagne. S'agissant des règles applicables aux espaces proches du rivage, le PADDUC, après avoir souligné que tout projet d'extension limitée de l'urbanisation doit être prévu, justifié et motivé dans un document d'urbanisme local, énonce les critères et indices déterminants permettant d'apprécier le caractère limité de l'extension ainsi que les modalités de mise en oeuvre du principe d'extension limitée de l'urbanisation dans les espaces proches du rivage. Ces prescriptions apportent des précisions et sont compatibles avec les dispositions du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme alors en vigueur. Le PADDUC n'admet les constructions et installations dans la bande littorale des cent mètres qu'à l'intérieur des espaces urbanisés inclus dans l'enveloppe urbaine d'un village ou d'une agglomération. Il formule en outre quatre critères, à appliquer cumulativement, pour déterminer le caractère urbanisable d'une parcelle ou d'une unité foncière située dans la bande des 100 mètres : " 1. Elle doit être incluse dans un espace urbanisé, lui-même contenu dans l'enveloppe urbaine d'un village ou d'une agglomération / 2. Elle doit être située en continuité immédiate avec des parcelles bâties / 3. Elle doit être de taille limitée / 4. Ses caractéristiques topographiques ne doivent pas conduire à porter atteinte au paysage ". Ces prescriptions apportent des précisions et sont compatibles avec les dispositions du III de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme alors en vigueur. Le PADDUC précise que l'extension de l'urbanisation dans les zones littorales doit présenter un caractère limité et se réaliser en continuité avec les villages existants ou en hameau nouveau intégré à l'environnement et ajoute qu'il s'agit, avant de projeter une extension, de rechercher du foncier libre en profondeur, à l'arrière de l'urbanisation existante et prioritairement de façon perpendiculaire au littoral. En outre le PADDUC définit, d'une part, les critères et indicateurs permettant d'identifier et de délimiter les agglomérations et villages en Corse, d'autre part, une liste de critères et indicateurs permettant d'apprécier si une zone dans laquelle se trouvent des constructions présente un caractère urbanisé tel qu'elle est susceptible d'être densifiée et donc " urbanisable ". Le PADDUC définit également les caractéristiques du hameau corse et énonce les conditions de réalisation d'un hameau nouveau intégré à l'environnement. Ces prescriptions apportent des précisions et sont compatibles avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral. Par ailleurs, selon le règlement du PADDUC, les espaces stratégiques agricoles " sont régis par un principe général d'inconstructibilité ". Dans ces espaces, peuvent seules être autorisées les constructions et installations strictement nécessaires au fonctionnement et au développement d'une exploitation agricole ou pastorale significative, les constructions à usage de logement liées et nécessaires à l'exploitation agricole. Il prévoit que les bâtiments afférents à une même exploitation doivent être regroupés et que dans les Espaces Proches du Rivage, ces bâtiments doivent en outre être intégrés au paysage. Le règlement autorise également la réfection et l'extension des bâtiments d'habitation existants à la date d'approbation du PADDUC, le changement de destination des bâtiments désignés par le règlement du document local d'urbanisme, en zone agricole, dès lors que ce changement de destination ne compromet pas l'activité agricole du site. Le changement de destination est soumis en zone A à l'avis conforme de la Commission territoriale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CTPENAF). Il autorise également, sous certaines conditions, les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs ou à des services publics, et les travaux et aménagements nécessaires à la protection contre les risques. Ainsi, les prescriptions adoptées par le PADDUC n'excèdent pas l'habilitation accordée par les dispositions de l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales. Au total, le moyen tiré de ce que le PADDUC aurait irrégulièrement ajouté à la loi ne peut qu'être écarté.

14. Si les requérants font valoir que le PADDUC méconnaitrait le principe d'équilibre, rappelé par les dispositions de l'article L. 4424-9 du code général des collectivités territoriales, cette rupture d'équilibre ne saurait résulter du seul constat, à le supposer même établi, de ce que " l'immense majorité du territoire de la Corse " serait inconstructible du fait de l'ensemble des prescriptions d'urbanisme qui y sont applicables, pas davantage de ce que l'agriculture ne représenterait que 2 % de la valeur ajoutée en corse.

15. Il résulte de tout ce qui précède et sous réserve de ce qui a été jugé au point 2 que les conclusions à fin d'annulation des requérants présentées à titre principal contre les trois délibérations du 2 octobre 2015 et celles présentées à titre subsidiaire ne peuvent être que rejetées.

Sur les frais de l'instance :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce qu'il soit fait droit aux conclusions des requérants fondées sur ces dispositions, la collectivité de Corse n'ayant pas la qualité de partie perdante à l'instance. Il n'y a pas lieu, sur le fondement des mêmes dispositions, de mettre à la charge des requérants une somme à ce titre réclamée par la collectivité de Corse.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bastia du 9 mai 2018 est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions des requérants en tant qu'ils demandent l'annulation de la délibération du 2 octobre 2015 en tant qu'elle arrête la carte des espaces stratégiques agricoles.

Article 3 : Le surplus des conclusions de première instance et d'appel de l'association Cap Nostrum, M. G... O..., M. M... F..., Mme N... D..., M. H... B..., M. L... I..., Mme J... K...et M. G... C...est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la collectivité de Corse fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Cap Nostrum, à M. G... O..., à M. M... F..., à Mme N... D..., à M. H... B..., à M. L... I..., à Mme J...K..., à M. G... C... et à la collectivité de Corse.

Copie en sera délivrée à la préfète de Corse-du-Sud.

Délibéré après l'audience du 29 avril 2019, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- M. Pecchioli, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 mai 2019.

9

N° 18MA03209


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA03209
Date de la décision : 24/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-001-01-02-06 Urbanisme et aménagement du territoire. Règles générales d'utilisation du sol. Règles générales de l'urbanisme. Prescriptions d'aménagement et d'urbanisme. Schéma d'aménagement de la Corse.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Laurent MARCOVICI
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : SELARL CLOIX et MENDES-GIL

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-05-24;18ma03209 ?
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