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14/03/2019 | FRANCE | N°17MA03427

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 14 mars 2019, 17MA03427


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2016 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office.

Par un jugement n° 1700048 du 30 mars 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. A....

Procédure devant la cour :


Par une requête enregistrée le 28 juillet 2017, M. A..., représenté par Me Mazas, demande à la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2016 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office.

Par un jugement n° 1700048 du 30 mars 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. A....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 juillet 2017, M. A..., représenté par Me Mazas, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 mars 2017 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2016 du préfet de l'Hérault ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me Mazas sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a commis une irrégularité en regardant sa demande comme dirigée contre l'arrêté du 26 janvier 2017 par lequel le préfet de l'Hérault a abrogé un précédent arrêté du 29 novembre 2016 et en s'abstenant d'examiner le bien-fondé de ses conclusions dirigées contre ce dernier ;

- il aurait dû, en outre, le mettre à même de présenter ses observations sur la requalification de ses conclusions ;

- le tribunal administratif a méconnu le principe du contradictoire ;

- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreur de droit, dès lors que le préfet de l'Hérault n'a pas fait état de certains éléments en faveur de sa vie familiale ;

- elle méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle est fondée sur une base légale erronée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 novembre 2018, le préfet de l'Hérault, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 juin 2017.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré du non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 19 décembre 2016.

Un mémoire a été enregistré pour M. A...en réponse à cette mesure d'information le 7 février 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Merenne a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 23 janvier 2017, le préfet de l'Hérault a abrogé son précédent arrêté du 19 décembre 2016, a refusé de délivrer à M. A...un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office. M. A...fait appel du jugement du 30 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Montpellier, après avoir regardé ses conclusions comme dirigées contre l'arrêté du 23 janvier 2017, a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

En ce qui concerne le respect du principe du contradictoire :

2. Le tribunal administratif a examiné le moyen soulevé par M. A...tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en indiquant les éléments de sa vie privée et familiale qui justifiaient selon lui d'écarter le moyen. Il n'a ce faisant pas méconnu le principe du contradictoire, alors même que certains de ces éléments n'avaient pas été débattus par les parties dans le cadre de l'instruction écrite.

En ce qui concerne la requalification des conclusions :

3. L'arrêté du 23 janvier 2017 a abrogé le précédent arrêté du 19 décembre 2016, sans s'y substituer, pour le remplacer par un acte de même portée. Il appartenait au tribunal administratif, ainsi qu'il l'a fait, de regarder les conclusions de la demande de M. A...comme tendant également à l'annulation du nouvel arrêté, sans avoir, après que le nouvel arrêté a été communiqué aux parties conformément au caractère contradictoire de l'instruction, à informer spécifiquement les parties sur la requalification des conclusions envisagée.

4. En revanche, cette circonstance ne dispensait pas le tribunal administratif de l'examen des conclusions de M. A...tendant à l'annulation de l'arrêté initial. En s'abstenant d'y procéder, le tribunal administratif a entaché le jugement attaqué d'omission à statuer.

5. Il y a lieu, par suite, d'annuler le jugement attaqué dans cette mesure, d'évoquer immédiatement cette partie du litige pour statuer sur ces conclusions en tant que juge de première instance, et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le reste du litige.

Sur les conclusions de M. A...devant le tribunal administratif de Montpellier dirigées contre l'arrêté du 19 décembre 2016 :

6. Un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n'a d'autre objet que d'en faire prononcer l'annulation avec effet rétroactif. Si, avant que le juge n'ait statué, l'acte attaqué est rapporté par l'autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif, il emporte alors disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique de l'acte contesté, ce qui conduit à ce qu'il n'y ait lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le mérite du pourvoi dont il était saisi. Il en va ainsi, quand bien même l'acte rapporté aurait reçu exécution. En revanche, dans le cas où l'administration se borne à procéder à l'abrogation de l'acte attaqué ou dans le cas où ce dernier devient caduc, ces circonstances privent d'objet le recours formé à son encontre, à la double condition que cet acte n'ait reçu aucune exécution pendant la période où il était en vigueur et que la décision procédant à son abrogation ou sa caducité soient devenues définitives.

7. D'une part, l'arrêté du 19 décembre 2016 n'a pas reçu exécution. D'autre part, son abrogation par l'article 1er de l'arrêté du 23 janvier 2017, qui n'a pas fait l'objet d'un recours contentieux sur ce point et à l'encontre duquel M. A...n'aurait en tout état de cause pas eu intérêt à agir, est devenue définitive à l'expiration du délai de retrait de quatre mois prévu à l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration, le 23 mai 2017, soit antérieurement au présent arrêt.

8. Il suit de là que les conclusions de M. A...tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 décembre 2016 sont devenues sans objet.

Sur les conclusions de M. A...devant le tribunal administratif de Montpellier dirigées contre l'arrêté du 23 janvier 2017 :

En ce qui concerne la décision de refus de séjour :

9. Le tribunal administratif a écarté le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision relative au séjour et celui tiré de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par des motifs appropriés figurant aux points 3 et 6 du jugement attaqué qui ne sont pas contestés et qu'il y a lieu d'adopter en appel.

10. Le préfet de l'Hérault pouvait sans commettre d'erreur de droit ne pas évoquer dans son arrêté l'ensemble des éléments relatifs la vie privée et familiale de M. A...que celui-ci est susceptible de faire valoir.

11. Il ressort des pièces du dossier que M.A..., ressortissant sénégalais né en 1983, a épousé le 5 août 2016 une compatriote titulaire d'une carte de résident, avec laquelle il a eu un enfant né le 15 novembre 2015. L'épouse de M. A...est en outre mère de deux enfants, nés d'une précédente union en 2001 et 2004, dont l'une a acquis la nationalité française par déclaration le 22 avril 2016. Le couple et les trois enfants vivent au sein d'un même foyer. L'ancienneté de la vie commune et la durée de résidence en France dont se prévaut M. A...ne sont pas établies par les pièces du dossier. Compte tenu du caractère récent de cette situation familiale et de la brièveté du séjour en France de l'intéressé, le préfet de l'Hérault n'a pas porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale en refusant de lui délivrer un titre de séjour, et n'a par suite pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes raisons, le préfet de l'Hérault n'a pas non plus commis d'erreur manifeste d'appréciation quant à sa situation personnelle.

12. Le refus de séjour opposé à M. A...n'a pas pour effet de le séparer de son jeune enfant. Pour cette raison, ainsi que pour les motifs exposés au point 11, M. A...n'est pas fondé à soutenir que le refus de délivrance d'un titre de séjour méconnaîtrait les stipulations du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi :

13. Le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant prévoit que : " dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. "

14. Ainsi qu'il a été dit au point 11, l'épouse de M.A..., titulaire d'une carte de résident, est la mère de deux enfants nés en France en 2001 et 2004 dont l'un est de nationalité française. L'exécution de l'obligation de quitter le territoire aurait pour effet soit de priver l'enfant de M. A..., né en 2015, de la présence de son père dans le cas où cet enfant resterait en France aux côtés de sa mère, soit de la présence de sa mère dans le cas inverse où il accompagnerait son père dans le pays de reconduite, soit, enfin, conduirait les deux premiers enfants de l'épouse de M. A..., nés et ayant grandi en France et dont l'un est de nationalité française, à résider au Sénégal alors qu'ils n'y ont jamais vécu. Dans ces circonstances, M. A...est fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi ont été prises en méconnaissance des stipulations du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

15. Il résulte de ce qui précède que M. A... est seulement fondé à demander l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office.

16. Il n'est dès lors pas nécessaire pour la cour de se prononcer sur les autres moyens invoqués par l'appelant à l'encontre de ces deux décisions.

Sur l'injonction :

17. Le premier alinéa de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas.

18. En conséquence, l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français implique nécessairement que le préfet de l'Hérault réexamine la situation de M. A...dans un délai qu'il convient de fixer à deux mois à compter de la notification du présent arrêt et qu'il lui délivre dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, dans un délai qu'il convient de fixer à huit jours.

Sur les frais liés au litige :

19. M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros à Me Mazas, avocate de M.A..., sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 30 mars 2017 du tribunal administratif de Montpellier est annulé en tant qu'il ne s'est pas prononcé sur les conclusions de M. A...tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 décembre 2016.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande de M. A...devant le tribunal administratif de Montpellier tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 décembre 2016.

Article 3 : L'arrêté du 23 janvier 2017 du préfet de l'Hérault est annulé en tant qu'il oblige M. A...à quitter le territoire français et qu'il fixe le pays à destination duquel celui-ci est susceptible d'être reconduit d'office.

Article 4 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de réexaminer la situation de M. A...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours.

Article 5 : Le surplus du jugement du 30 mars 2017 du tribunal administratif de Montpellier est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : L'État versera à Me Mazas la somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 7 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Mazas et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 28 février 2019, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure,

- M. Merenne, premier conseiller.

Lu en audience publique le 14 mars 2019.

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N° 17MA03427


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. ARGOUD
Avocat(s) : CABINET MAZAS - ETCHEVERRIGARAY

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 14/03/2019
Date de l'import : 02/04/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 17MA03427
Numéro NOR : CETATEXT000038259123 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-03-14;17ma03427 ?
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