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24/01/2019 | FRANCE | N°17MA04749

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 24 janvier 2019, 17MA04749


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Domoréal a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'ordonner la communication de l'état des vacations, frais et débours de l'expertise confiée à M.D..., qui ont été taxés à la somme de 177 985,23 euros TTC par ordonnance de la présidente du tribunal administratif de Nice n° 1001605-10002187-1101700-1201659-1202234-1300742 du 15 octobre 2014, et d'autre part, de réformer l'article 2 de cette ordonnance du 15 octobre 2014 en mettant ces frais et honoraires à la charge pour moitié

à elle-même et pour moitié à l'office public de l'habitat Cannes et Rive dro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Domoréal a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'ordonner la communication de l'état des vacations, frais et débours de l'expertise confiée à M.D..., qui ont été taxés à la somme de 177 985,23 euros TTC par ordonnance de la présidente du tribunal administratif de Nice n° 1001605-10002187-1101700-1201659-1202234-1300742 du 15 octobre 2014, et d'autre part, de réformer l'article 2 de cette ordonnance du 15 octobre 2014 en mettant ces frais et honoraires à la charge pour moitié à elle-même et pour moitié à l'office public de l'habitat Cannes et Rive droite du Var.

Par une ordonnance du 18 décembre 2014, le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Nice a transmis ces demandes au tribunal administratif de Toulon en application de l'article R. 761-5 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1404609 du 27 octobre 2017, le tribunal administratif de Toulon a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la SCI Domoréal tendant à ce qu'il soit ordonné la communication de l'état des vacations, frais et débours de l'expertise et a fait droit à la demande de partage des frais et honoraires en mettant à la charge de chacune des deux parties la somme de 88 992,62 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 décembre 2017 et le 6 décembre 2018, l'office public de l'habitat Cannes Pays de Lérins, venant aux droits de l'office public de l'habitat de Cannes et de la Rive droite du Var, représenté par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du 27 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulon a mis à sa charge la moitié des frais et honoraires de l'expertise ;

2°) de rejeter la demande présentée par la SCI Domoreal devant le tribunal administratif de Toulon ;

3°) de condamner la SCI Domoreal à payer la totalité des frais d'expertise ;

4°) de mettre à la charge de la SCI Domoreal la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le sens des conclusions du rapporteur public n'a pas été communiqué de façon précise avant l'audience ;

- la demande de première instance est irrecevable, la charge définitive des frais d'expertise ne pouvant être discutée que dans l'instance au fond ;

- la mesure d'expertise ne présentant une utilité que pour la SCI Domoreal, les frais d'expertise doivent intégralement être mis à sa charge ;

- la responsabilité pour dommages de travaux publics n'est pas établie par le rapport d'expertise ;

- aucune faute ne peut-être imputée au maître d'ouvrage dans l'acte de construire ;

- le dommage est imputable pour partie au mode constructif des habitations sinistrées dont les terrains d'assiette appartenaient, à la date de réalisation des villas, à la SCI Domoreal, ainsi qu'à la fragilité de ces terrains.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 novembre 2018, la SCI Domoreal, représentée par la SELARLC..., Penso Associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'office public de l'habitat " Cannes Pays de Lérins " la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le juge du fond ayant statué sur la charge définitive des frais d'expertise, il n'y a pas lieu de statuer sur la requête ;

- le sens des conclusions du rapporteur public communiqué aux parties était précis ;

- la requête de première instance est recevable, l'article R. 761-5 du code de justice administrative prévoyant la possibilité d'exercer un recours contre l'ordonnance de taxe ;

- l'expertise a présenté une utilité pour l'office public de l'habitat " Cannes Pays de Lérins ".

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bourjade-Mascarenhas,

-les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant l'office public de l'habitat " Cannes Pays de Lérins ", et de MeC..., représentant la SCI Domoréal.

Considérant ce qui suit :

1. Par une ordonnance du 11 mai 2010 du juge des référés du tribunal administratif de Nice, un expert a été désigné à la demande de la SCI Domoréal pour se prononcer sur les causes et origines des désordres affectant des immeubles lui appartenant, qu'elle impute à la réalisation par l'office public de l'habitat " Cannes Pays de Lérins ", venant aux droits de l'office public d'habitat de l'habitat de Cannes et de la Rive droite du Var, de travaux publics de construction. Les opérations d'expertise ont été étendues par des ordonnances des 27 juillet 2010, 17 mai 2011, 20 juin 2012, 9 juillet 2012 et 17 avril 2013. Par une ordonnance du 15 octobre 2014, le président du tribunal administratif de Nice a taxé les frais et honoraires des opérations d'expertise à la somme de 177 985,23 euros TTC qu'il a mise à la charge de la SCI Domoréal. Celle-ci a contesté l'ordonnance de taxe. L'office public de l'habitat " Cannes Pays de Lérins " relève appel du jugement du 27 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulon a mis les frais d'expertise pour moitié à sa charge.

Sur l'exception de non-lieu à statuer opposée par la SCI Domoreal :

2. Il résulte de l'instruction que la SCI Domoreal a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner in solidum l'office public " Cannes et Rive droite du Var " et la société Eiffage Construction Côte d'Azur à lui verser la somme de 1 745 667,40 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des travaux de construction de logements sociaux au pied de la falaise sur laquelle sont situées les maisons lui appartenant et d'enjoindre à l'établissement public de réaliser les travaux préconisés par l'expert judiciaire, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard passé un délai de 90 jours à compter de la notification du jugement.

3. Par un jugement du 30 janvier 2018, le tribunal administratif de Nice, saisi d'une instance au fond, a condamné l'office public de l'habitat " Cannes et Rive droite du Var " à verser une indemnité à la SCI Domoreal et a mis les frais de l'expertise à la charge définitive de l'établissement public. Ce jugement est annulé par un arrêt de la Cour de ce jour qui renvoie l'affaire devant le tribunal administratif de Nice pour qu'il statue à nouveau sur la demande présentée au fond par la SCI Domoreal. Ainsi, en l'absence de jugement statuant sur la charge définitive des frais et honoraires de l'expertise ordonnée sur le fondement du titre III du livre V du code de justice administrative, la contestation par l'office public de l'habitat " Cannes Pays de Lérins " de la fixation de la charge des frais et honoraires de l'expertise par l'ordonnance de taxe n'est pas dépourvue d'objet. L'exception de non-lieu à statuer opposée par la SCI Domoreal doit par suite être écartée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Pour l'application de l'article R. 711-3 du code de justice administrative et eu égard aux objectifs de cet article, il appartient au rapporteur public de préciser, en fonction de l'appréciation qu'il porte sur les caractéristiques de chaque dossier, les raisons qui déterminent la solution qu'appelle, selon lui, le litige, et notamment d'indiquer, lorsqu'il propose le rejet de la requête, s'il se fonde sur un motif de recevabilité ou sur une raison de fond, et, de mentionner, lorsqu'il conclut à l'annulation d'une décision, les moyens qu'il propose d'accueillir. La communication de ces informations n'est toutefois pas prescrite à peine d'irrégularité de la décision.

5. Il ressort du relevé de l'application " Sagace " qu'avant la tenue de l'audience du tribunal administratif, le rapporteur public a porté à la connaissance des parties le sens des conclusions qu'il envisageait de prononcer dans les termes suivants " 1° Non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête tendant à ce qu'il soit ordonné de communiquer l'état des vacations, frais et débours de l'expert. / 2° La SCI Domoreal et l'office public de l'habitat Cannes et Rive Droite du Var verseront chacun la moitié de la somme totale de 177 985,23 euros TTC à M. B...D...au titre des frais et honoraires d'expertise, sous déduction des allocations provisionnelles éventuellement versées / 3° L'ordonnance de la présidente du Tribunal administratif de Nice en date du 15 octobre 2014 sera modifiée conformément à ce qui précède ". Ces mentions étaient suffisantes pour permettre aux parties d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique et de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles pourraient y présenter, ainsi que d'envisager la production d'une note en délibéré. Le moyen doit être écarté.

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

6. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article R. 621-13 du code de justice administrative : " Lorsque l'expertise a été ordonnée sur le fondement du titre III du livre V, le président du tribunal ou de la cour, après consultation, le cas échéant, du magistrat délégué, ou, au Conseil d'Etat, le président de la section du contentieux en fixe les frais et honoraires par une ordonnance prise conformément aux dispositions des articles R.621-11 et R. 761-4. Cette ordonnance désigne la ou les parties qui assumeront la charge de ces frais et honoraires. Elle est exécutoire dès son prononcé, et peut être recouvrée contre les personnes privées ou publiques par les voies de droit commun. Elle peut faire l'objet, dans le délai d'un mois à compter de sa notification, du recours prévu à l'article R. 761-5. / Dans le cas où les frais d'expertise mentionnés à l'alinéa précédent sont compris dans les dépens d'une instance principale, la formation de jugement statuant sur cette instance peut décider que la charge définitive de ces frais incombe à une partie autre que celle qui a été désignée par l'ordonnance mentionnée à l'alinéa précédent ou par le jugement rendu sur un recours dirigé contre cette ordonnance. (...) ".

7. L'introduction d'une instance principale ne fait pas obstacle à ce que, sans attendre qu'un jugement sur le fond se prononce sur la charge définitive des frais et honoraires de l'expertise ordonnée par le juge des référés, la partie qui en supporte provisoirement la charge relève appel du jugement statuant sur une contestation de l'ordonnance de taxe du président du tribunal. Il suit de là que l'office public de l'habitat " Cannes Pays de Lérins " n'est pas fondé à soutenir que la charge des frais d'expertise ne peut être discutée que dans le cadre de l'instance au fond.

8. En deuxième lieu, il résulte des dispositions précitées de l'article R. 621-13 du code de justice administrative, dérogeant sur ce point à l'article R. 761-1 du même code, que la répartition des frais et honoraires de l'expert entre les parties intervient, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu notamment de l'utilité de l'expertise pour ces parties, sans que cette répartition soit déterminée par la seule circonstance qu'une de ces parties l'a demandée ou, à l'inverse, en a contesté le bien-fondé.

9. Il résulte de l'instruction que l'expertise sollicitée par la SCI Domoreal a présenté pour elle un caractère d'utilité dans la détermination de l'origine des désordres affectant les maisons d'habitations dont elle est propriétaire. Toutefois, cette expertise qui a été étendue à la demande de l'office public de l'habitat " Cannes et Rive droite du Var " aux différents intervenants à la réalisation des logements sociaux par une ordonnance du président du tribunal administratif de Nice du 27 juillet 2010 a aussi bénéficié à l'établissement public en lui permettant de déterminer les fautes commises par ses cocontractants dans le cadre d'éventuels appels en garantie. Par ailleurs, cette expertise a permis à l'office public d'obtenir la désignation du même expert dans une instance distincte relative aux désordres affectant les logements sociaux à la suite de glissements des terres en provenance des parcelles appartenant à la SCI Domoreal. Ainsi, contrairement à ce qui est soutenu par le requérant, cette expertise a revêtu un caractère d'utilité pour les deux parties. Il suit de là que c'est à juste titre que les premiers juges ont décidé de mettre les frais et honoraires de l'expert à la charge pour moitié des deux parties.

10. En troisième lieu, l'office public de l'habitat " Cannes Pays de Lérins " ne peut pas utilement se prévaloir, pour contester la mise à sa charge de la moitié des frais et honoraires de l'expertise, de ce que les dommages ne lui sont pas imputables et qu'ils ont pour origine le mode constructif des habitations sinistrées et la fragilité des terrains d'assiette dès lors qu'il appartiendra au seul juge du fond, saisi de l'instance principale, d'apprécier le bien-fondé de ces moyens.

11. Il résulte de tout ce qui précède que l'office public de l'habitat " Cannes Pays de Lérins " n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a mis les frais d'expertise pour moitié à sa charge.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SCI Domoreal, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'office public de l'habitat " Cannes Pays de Lérins " demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'office public de l'habitat " Cannes Pays de Lérins " une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SCI Domoreal.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de l'office public de l'habitat " Cannes Pays de Lérins " est rejetée.

Article 2 : L'office public de l'habitat " Cannes Pays de Lérins " versera à la SCI Domoreal une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Domoreal et à l'office public de l'habitat " Cannes Pays de Lérins ".

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2019 où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure,

- Mme Bourjade-Mascarenhas, première conseillère.

Lu en audience publique, le 24 janvier 2019.

2

N° 17MA04749


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-04-02-02-02 Procédure. Instruction. Moyens d'investigation. Expertise. Honoraires des experts.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Agnes BOURJADE
Rapporteur public ?: M. ARGOUD
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN et THIRIEZ

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 24/01/2019
Date de l'import : 19/02/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 17MA04749
Numéro NOR : CETATEXT000038134894 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-01-24;17ma04749 ?
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