Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... E...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 27 octobre 2015 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 1604292 du 12 juillet 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 29 novembre 2017, Mme E..., représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 juillet 2017 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté du 27 octobre 2015 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa demande et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- elle a été prise sans examen particulier de sa situation ;
- elle est entachée d'un vice de procédure en l'absence de transmission par le médecin de l'agence régionale de santé de son avis médical et des informations nécessaires au directeur de cet organisme, afin que celui-ci se prononce sur l'existence de circonstances humanitaires justifiant la délivrance d'un titre de séjour, en application de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 ;
- elle méconnaît l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 avril 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 30 octobre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Courbon,
- et les observations de Me B..., substituant Me D..., représentant Mme E....
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Elle relève appel du jugement du 12 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du 27 octobre 2015 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Il ressort des pièces du dossier et notamment des certificats médicaux produits, dont un établi par le docteur Brongniart, psychiatre, le 2 février 2016, que Mme E..., âgée de quatre-vingt-trois ans à la date de la décision contestée, souffre de " troubles graves des fonctions supérieures avec une évolution déficitaire de mauvais pronostic " ainsi que d'un syndrome anxio-dépressif sévère. Mme E... fait valoir qu'elle est dépourvue de tout lien dans son pays d'origine, ayant perdu des jumelles à l'âge de trois mois, son fils, sa belle-fille et son petit-fils étant décédés lors du tremblement de terre survenu en Arménie en 1988 ainsi que son mari également décédéen décembre 2011. Il ressort encore des pièces du dossier que la requérante est, depuis son arrivée en France, hébergée par Mme C..., réfugiée politique qui intervient bénévolement auprès d'une association d'aide aux demandeurs d'asile. Cette dernière la prend en charge matériellement, l'accompagne dans l'accomplissement des actes de la vie quotidienne, cette assistance étant indispensable du fait de la désorientation provoquée par l'Alzheimer débutant dont souffre Mme E..., et lui assure un cadre de vie stable. Dans ces circonstances très particulières, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet des Bouches-du-Rhône a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme E....
3. Il résulte de ce qui précède que Mme E... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a, par le jugement attaqué, rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du préfet des Bouches-du-Rhône du 27 octobre 2015 lui refusant un titre de séjour.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
4. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;
5. Il ne résulte pas de l'instruction et n'est pas soutenu par le préfet des Bouches-du-Rhône que la situation de Mme E..., aurait, depuis l'intervention de la décision contestée, évolué dans des conditions telles que sa demande de titre de séjour serait devenue sans objet, ou que des circonstances postérieures fonderaient désormais légalement une nouvelle décision de refus. Dans ces conditions, l'exécution du présent arrêt, eu égard à ses motifs, implique nécessairement qu'un titre de séjour soit délivré à Mme E.... Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. Mme E... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par conséquent, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me D... de la somme de 1 000 euros.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1604292 du tribunal administratif de Marseille du 12 juillet 2017 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 27 octobre 2015, par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme E..., est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à Mme E... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera au conseil de Mme E... une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir l'indemnité correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme E... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...E..., à Me D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 6 décembre 2018, où siégeaient :
- Mme Mosser, présidente,
- Mme Paix, présidente assesseure,
- Mme Courbon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 décembre 2018.
N° 17MA04615 5