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19/12/2018 | FRANCE | N°17MA03918

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 19 décembre 2018, 17MA03918


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Egis Bâtiments Méditerranée a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner la commune d'Ajaccio à lui verser la somme de 18 406,98 euros toutes taxes comprises en règlement du prix du marché de maîtrise d'oeuvre relatif à la reconstruction des écoles du secteur des Salines ainsi que la somme de 92 861,11 euros toutes taxes comprises en règlement de prestations supplémentaires.

Par un jugement n° 1600219 du 12 juillet 2017, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa

demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 septembre 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Egis Bâtiments Méditerranée a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner la commune d'Ajaccio à lui verser la somme de 18 406,98 euros toutes taxes comprises en règlement du prix du marché de maîtrise d'oeuvre relatif à la reconstruction des écoles du secteur des Salines ainsi que la somme de 92 861,11 euros toutes taxes comprises en règlement de prestations supplémentaires.

Par un jugement n° 1600219 du 12 juillet 2017, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 septembre 2017, la société Egis Bâtiments Méditerranée, représentée par la SELARL Saint-Avit Yozgat, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune d'Ajaccio à lui verser la somme de 18 406,98 euros toutes taxes comprises en règlement du solde du marché ;

3°) de condamner la commune d'Ajaccio à lui verser la somme de 92 861,11 euros toutes taxes comprises en paiement d'honoraires supplémentaires ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Ajaccio la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- aucune mise en demeure d'établir le décompte n'est imposée par le cahier des clauses administratives générales ;

- le mandataire du groupement avait présenté un mémoire en réclamation en mai 2012 ;

- elle a qualité pour agir dès lors que l'article 12.42 du cahier des clauses administratives générales ne restreint le droit des membres du groupement à présenter une réclamation qu'en ce qui concerne la présentation du décompte et de la réclamation, non en ce qui concerne les actions en justice ;

- elle est en droit d'obtenir le règlement du solde du décompte ;

- la modification du coût des travaux implique, en vertu de l'article 4-1 du cahier des clauses administratives particulières, la réévaluation du forfait de rémunération ;

- la reprise de la consultation des entreprises, les travaux modificatifs effectués à la demande du maître de l'ouvrage, le lancement d'une consultation en cours de chantier pour remplacer l'entreprise titulaire du lot " électricité ", l'état des lieux consécutif à la résiliation du marché de l'entreprise titulaire du lot " peinture " et, enfin, l'étude des équipements de cuisine constituent des travaux supplémentaires ouvrant droit à rémunération.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 septembre 2018, la commune d'Ajaccio conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Egis Bâtiments Méditerranée en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance de la société Egis Bâtiments Méditerranée était irrecevable dès lors qu'elle a été introduite au nom d'un groupement conjoint dont elle n'était pas le mandataire, de telle sorte qu'elle n'avait pas qualité pour agir ;

- la demande était également irrecevable en l'absence de mise en demeure d'établir le décompte et alors qu'aucun mémoire de réclamation ne lui a été adressé selon les modalités imposées par les articles 12.31 et 40.1 du cahier des clauses administratives générales ;

- la requête d'appel de la société Egis Bâtiments Méditerranée est irrecevable pour les mêmes raisons ;

- les moyens et demandes présentés par la société Egis Bâtiments Méditerranée sont infondés.

Par ordonnance du 15 novembre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 décembre 2018.

Un mémoire présenté par la société Egis Bâtiments Méditerranée et enregistré le 30 novembre 2018 n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 78-1306 du 26 décembre 1978 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... Grimaud, rapporteur,

- les conclusions de M. A... Thiele, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant la commune d'Ajaccio.

Considérant ce qui suit :

1. La commune d'Ajaccio a conclu le 9 septembre 2006 un marché de maîtrise d'oeuvre avec un groupement momentané d'entreprises composé de la société CFL Architecture, mandataire, de la société OTH Méditerranée et de M. C..., en vue de la reconstruction des écoles du secteur des Salines. Le mandataire du groupement a présenté le décompte final du marché au maître de l'ouvrage le 20 janvier 2014. La société Egis Bâtiments Méditerranée, venant aux droits de la société OTH Méditerranée, a demandé au tribunal administratif de Bastia la condamnation de la commune d'Ajaccio à lui verser le solde de ce marché.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 2 du cahier des clauses administratives particulières du marché en litige : " Les pièces constitutives du marché sont les suivantes (...) : / le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles (CCAG-PI) approuvé par le décret n° 78-1306 du 26 décembre 1978 modifié, en vigueur lors de la remise des offres, ou en vigueur lors du mois d'établissement des prix (mois M0) ". Aux termes de l'article 3.1 du cahier des clauses administratives générales auquel il était ainsi renvoyé : " Au sens du présent document, les titulaires sont considérés comme groupés et sont appelés "cotraitants" s'ils ont souscrit un acte d'engagement unique. / Les cotraitants sont soit solidaires, soit conjoints. / (...) Les cotraitants sont conjoints lorsque chacun d'eux n'est engagé que pour la partie du marché qu'il exécute ; toutefois, l'un d'entre eux, désigné dans l'acte d'engagement comme mandataire, est solidaire de chacun des autres dans les obligations contractuelles de celui-ci à l'égard de la personne responsable du marché, jusqu'à la date où ces obligations prennent fin ; cette date est soit l'expiration de la garantie technique prévue à l'article 34, soit, à défaut de garantie technique, la date de prise d'effet de la réception des prestations. Le mandataire représente, jusqu'à la date ci-dessus, l'ensemble des cotraitants conjoints vis-à-vis de la personne responsable du marché pour exécution de ce dernier (...) ". Aux termes de l'article 12.3 du même cahier : " 12.31. Après réception, selon les stipulations du chapitre V, des prestations faisant l'objet du marché ou, si le marché est fractionné, d'une phase assortie d'un paiement partiel définitif, le titulaire doit adresser à la personne responsable du marché le projet de décompte correspondant aux prestations fournies. / Le montant du décompte est arrêté par la personne responsable du marché ; si celle-ci modifie le projet de décompte présenté par le titulaire, elle lui notifie le décompte retenu. / (...) 12.32. Toute réclamation sur un décompte doit être présentée par le titulaire à la personne publique dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du décompte. / Passé ce délai, le titulaire est réputé avoir accepté le décompte (...) ". L'article 12.4 du même cahier stipule : " 12.41. En ce qui concerne les cotraitants mentionnés au 1 de l'article 3 ainsi que les sous-traitants payés directement, les acomptes et les décomptes sont décomposés en autant de parties qu'il y a de personnes à payer séparément. / (...) 12.42. En cas de cotraitance, le mandataire est seul habilité à présenter les demandes d'acompte et les projets de décompte, et à accepter les décomptes ; seules sont recevables les réclamations formulées ou transmises par ses soins ". Enfin, aux termes de l'article 40.1 du même cahier : " Tout différend entre le titulaire et la personne responsable du marché doit faire l'objet, de la part du titulaire, d'un mémoire de réclamation qui doit être remis à la personne responsable du marché. La personne publique dispose d'un délai de deux mois compté à partir de la réception du mémoire de réclamation pour notifier sa décision. L'absence de décision dans ce délai vaut rejet de la réclamation ".

3. En l'absence de décompte général, il résulte des dispositions citées ci-dessus de l'article 40.1 que le différend entre le titulaire et la personne responsable du marché doit faire l'objet, préalablement à toute instance contentieuse, d'un mémoire en réclamation de la part du titulaire du marché.

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'exécution du marché, un projet de décompte concernant les prestations exécutées par la société Egis Bâtiments Méditerranée et son sous-traitant, la société Sinetic, a été adressé au maître de l'ouvrage le 9 mai 2012. Toutefois, alors que ce projet de décompte n'a fait l'objet d'aucune décision explicite de la part de la commune d'Ajaccio, le mandataire du groupement de maîtrise d'oeuvre n'a adressé aucun mémoire en réclamation contestant le refus de paiement ainsi opposé par l'administration. A cet égard, la réclamation jointe au projet de décompte final ne saurait être assimilée au mémoire exigé par les stipulations de l'article 40 du cahier des clauses administratives générales dès lors qu'il n'existait aucun différend entre les parties à la date où elle a été présentée, faute de décision intervenue à cette date sur le décompte.

5. En second lieu, contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal et à ce que soutiennent les parties, le projet de décompte adressé au maître de l'ouvrage le 20 janvier 2014 émanait de la société CFL Architecture, mandataire du groupement conjoint, qui était d'ailleurs seule habilitée à présenter ce document en vertu des stipulations de l'article 12.42 du cahier des clauses administratives générales. Il résulte toutefois de l'instruction que ce projet de décompte n'a pas davantage donné lieu à l'établissement d'un décompte de la part de la commune d'Ajaccio. Si la société Egis Bâtiments Méditerranée a adressé le 17 septembre 2015 à la commune d'Ajaccio un courrier exigeant le règlement des sommes que la société estimait lui être dues, ce document, qui se bornait à mettre en demeure la commune de régler les sommes en cause en faisant référence au décompte final du 20 janvier 2014, sans exposer les motifs de cette réclamation, notamment en ce qui concerne la demande d'honoraires supplémentaires, ne présentait pas le caractère d'un mémoire de réclamation. Ainsi que le fait valoir la commune, le refus implicite d'établir le décompte général et de régler les sommes réclamées n'a donc pas donné lieu à la présentation d'un mémoire en réclamation.

6. Il résulte de ce qui précède que la commune d'Ajaccio est fondée à soutenir que, faute de mémoire en réclamation établi par le groupement à la suite de l'intervention des deux différends relatifs aux projets de décomptes dressés par ses entreprises, la demande de la société Egis Bâtiments Méditerranée était irrecevable. Il en résulte que cette société n'est pas fondée à se plaindre que les premiers juges aient, par le jugement attaqué, rejeté sa demande. Il y a lieu dès lors de rejeter sa requête.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que la somme réclamée par la société Egis Bâtiments Méditerranée sur leur fondement soit mise à la charge de la commune d'Ajaccio, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu au contraire de mettre la somme de 2 000 euros à la charge de cette société, à verser à la commune d'Ajaccio sur le fondement de ces mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Egis Bâtiments Méditerranée est rejetée.

Article 2 : La société Egis Bâtiments Méditerranée versera une somme de 2 000 euros à la commune d'Ajaccio en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Egis Bâtiments Méditerranée et à la commune d'Ajaccio.

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2018, où siégeaient :

- M. David Zupan, président,

- M. B... Grimaud, premier conseiller,

- M. Allan Gautron, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 décembre 2018.

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N° 17MA03918


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Règlement des marchés.

Marchés et contrats administratifs - Règles de procédure contentieuse spéciales - Recevabilité.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. ZUPAN
Rapporteur ?: M. Philippe GRIMAUD
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : SELARL PARME AVOCATS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 19/12/2018
Date de l'import : 25/12/2018

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 17MA03918
Numéro NOR : CETATEXT000037841542 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-12-19;17ma03918 ?
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