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14/12/2018 | FRANCE | N°17MA04225

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 14 décembre 2018, 17MA04225


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL La Réserve et M. A... ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 26 novembre 2013 par laquelle le conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) a rejeté leur demande indemnitaire préalable et de le condamner ainsi que l'Etat à leur verser, respectivement, les sommes de 28 305 euros et de 6 500 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis.

Par un jugement n° 1400211 du 28 septembre 2017, le tribunal administratif de Toulon a rej

eté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL La Réserve et M. A... ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 26 novembre 2013 par laquelle le conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) a rejeté leur demande indemnitaire préalable et de le condamner ainsi que l'Etat à leur verser, respectivement, les sommes de 28 305 euros et de 6 500 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis.

Par un jugement n° 1400211 du 28 septembre 2017, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 octobre 2017 et 6 octobre 2018, sous le n° 17MA04225, la SARL La Réserve et M. A..., représentés par Me D... demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 28 septembre 2017 ;

2°) d'annuler la décision du 26 novembre 2013 ;

3°) de condamner le CNAPS et l'Etat à verser, respectivement, à la SARL La Réserve et à M. A..., les sommes de 28 305 euros et de 6 500 euros ;

4°) de mettre à la charge du CNAPS et de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à la SARL La Réserve en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

5°) de mettre à la charge du CNAPS et de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le CNAPS et l'Etat ont commis une faute en raison du délai anormalement long du traitement de leur demande ;

- aucun élément du dossier ne permet de justifier qu'ils n'auraient pas été diligents ni même que leur demande présentait une complexité particulière ;

- il ne peut leur être reproché de ne pas avoir contesté la décision implicite de rejet de leur demande dès lors qu'aucun courrier ne leur a été adressé mentionnant la naissance d'une telle décision ;

- la société La Réserve a subi un préjudice financier correspondant au coût du recours à un prestataire extérieur d'un montant de 21 805 euros ;

- ils ont engagé des frais d'avocats pour faire valoir leur droit devant la juridiction pénale à hauteur de 1 500 euros chacun :

- M. A... a subi un préjudice moral en raison de cette procédure pénale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2018, le conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la société La Réserve et de M. A... la somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la société La Réserve et M. A... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2018, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête de la société La Réserve et de M. A....

Il soutient que les moyens soulevés par la société La Réserve et M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le décret n° 2011-1919 du 22 décembre 2011 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de M. B...,

- et les observations de Me C... substituant Me D... pour la SARL La Réserve et M. A....

Considérant ce qui suit :

1. La SARL La Réserve et M. A... relèvent appel du jugement du 28 septembre 2017 du tribunal administratif de Toulon qui a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 26 novembre 2013 par laquelle le conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) a rejeté leur demande indemnitaire préalable et leur demande tendant à sa condamnation ainsi qu'à celle de l'Etat à leur verser respectivement les sommes de 28 305 et de 6 500 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat et du CNAPS :

2. D'une part, aux termes de l'article 91 du décret du 22 décembre 2011 : " Le Conseil national des activités privées de sécurité et les commissions régionales ou interrégionales d'agrément et de contrôle exercent les compétences qui leur sont dévolues par les articles 33-2, 33-5 et 33-8 de la loi du 12 juillet 1983 susvisée à compter du 1er janvier 2012 ". Aux termes de l'article 33-2 de cette loi, dans sa version applicable en l'espèce : " Le Conseil national des activités privées de sécurité, personne morale de droit public, est chargé : / 1° D'une mission de police administrative. Il délivre, suspend ou retire les différents agréments, autorisations et cartes professionnelles prévus par la présente loi (...) ". L'article L. 633-1 du code de la sécurité intérieure, créé par ordonnance du 12 mars 2012 dispose que : " Dans chaque région, une commission régionale d'agrément et de contrôle est chargée, au nom du Conseil national des activités privées de sécurité : / 1° De délivrer les autorisations, agréments et cartes professionnelles prévus aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-9, L. 612-11, L. 612-12, L. 612-20, L. 612-22, L. 612-23, L. 612-24, L. 612-25, L. 613-3, L. 622-6, L. 622-7, L. 622-9, L. 622-11, L. 622-12, L. 622-13, L. 622-19, L. 622-21 et L. 622-22 ; (...) ". Selon les dispositions de l'article L. 633-3 du même code : " Tout recours contentieux formé par une personne physique ou morale à l'encontre d'actes pris par une commission régionale d'agrément et de contrôle est précédé d'un recours administratif préalable devant la Commission nationale d'agrément et de contrôle, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux. "

3. D'autre part, aux termes de l'article de l'article 19 de la loi du 12 avril 2000 : " Toute demande adressée à une autorité administrative fait l'objet d'un accusé de réception délivré dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. ". En vertu de l'article 1er du décret n° 2001-492 du 6 juin 2001, cet accusé réception doit indiquer si la demande est susceptible de donner lieu à une décision implicite de rejet ou à une décision implicite d'acceptation. Dans le premier cas, l'accusé de réception mentionne les délais et les voies de recours à l'encontre de la décision. Aux termes de l'article 20 de la loi précitée : " Lorsqu'une demande est adressée à une autorité administrative incompétente, cette dernière la transmet à l'autorité administrative compétente et en avise l'intéressé. / Le délai au terme duquel est susceptible d'intervenir une décision implicite de rejet court à compter de la date de réception de la demande par l'autorité initialement saisie. (...) ". En vertu de l'article 21 de la loi du 12 avril 2000, sauf dans les cas où un régime de décision implicite d'acceptation est institué dans les conditions prévues à l'article 22, le silence gardé pendant plus de deux mois par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet.

4. Il résulte de l'instruction que, le 7 avril 2011, la société La Réserve a sollicité du préfet du Var la délivrance d'un agrément de fonctionnement d'un service interne de sécurité. Le 24 avril 2011, elle a informé le préfet de la modification de la liste de ses salariés par l'ajout d'un employé. Le préfet lui a demandé, le 16 mai 2011, un complément de dossier auquel elle a répondu le 24 octobre 2011, soit six mois plus tard. Le 2 octobre 2011, le préfet a également sollicité la production d'un extrait d'acte de naissance avec filiation de l'un des employés qu'elle lui a adressé le 31 janvier 2012, soit trois mois plus tard. Ainsi, il est constant que le dossier de la société La Réserve pouvait être estimé complet à la date du 31 janvier 2012. Par ailleurs, le préfet l'a informée, par courrier du 18 février 2012, de l'intervention du décret du 22 décembre 2011 et du transfert de compétence, à compter du 1er janvier 2012, du contrôle des activités de sécurité privée aux délégations territoriales du CNAPS et de ce que la commission interrégionale d'agrément de contrôle Sud (CIAC) devrait débuter ses missions à partir du mois d'avril 2012. Si une décision implicite de rejet de la demande de la société requérante est née le 31 mars 2012, il n'est pas contesté et ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait reçu un accusé de réception de sa demande prévue par l'article 19 de la loi du 12 avril 2000. Il ne peut dès lors lui être reproché de ne pas avoir contesté cette décision devant la commission nationale d'agrément et de contrôle. Par ailleurs, le préfet du Var a transmis le 28 août 2012 la demande d'agrément de la société La Réserve à la commission interrégionale d'agrément de contrôle Sud, laquelle a délivré l'agrément sollicité par délibération du 27 mai 2013, dont le duplicata n'a été notifié que le 4 octobre 2013. Ainsi, un tel retard mis par la commission précitée à traiter la demande de la société La Réserve, qui ne revêtait pas de complexité particulière, présente un caractère abusif constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité du CNAPS. En revanche, il ne saurait être reproché à l'Etat, compte tenu des délais imputables aux requérants pour la constitution de leur complet dossier et du contexte de changement institutionnel intervenu au cours de l'année 2012, un quelconque retard dans le traitement de cette demande.

En ce qui concerne les préjudices :

5. La société La Réserve demande la réparation de son préjudice financier constitué par la somme de 21 805 euros correspondant au recours, depuis août 2012, à un prestataire extérieur pour assurer son service de sécurité intérieure en l'absence d'autorisation de fonctionnement, ainsi que des frais à hauteur de 1 500 euros engagés devant le tribunal de grande instance de Draguignan. M. A... se prévaut également d'un préjudice moral évalué à 5 000 euros et des mêmes frais d'instance. Il résulte tant de l'attestation de l'expert-comptable de l'entreprise du 20 septembre 2013 que du jugement du tribunal correctionnel de Draguignan du 23 juin 2014 que la société La Réserve et son gérant ont en fait employé des agents de sécurité titulaires d'une carte professionnelle pour assurer un service interne de sécurité privée en méconnaissance des articles L. 611-1, L. 612-9, L. 612-25 et L. 617-4 du code de la sécurité intérieure. Ils n'ont donc pas sous-traité l'activité privée de sécurité à une entreprise spécialisée agréée mais ont fait appel à un une " sous-traitance de main d'oeuvre " selon les termes du jugement précité et à une facturation " d'heures de travail " d'après l'attestation comptable. Les vigiles mis à disposition de l'entreprise relevaient ainsi du service interne de sécurité privée qui fonctionnait illégalement en l'absence d'autorisation. Dès lors la responsabilité du CNAPS ne saurait être engagée pour la réparation de ces dommages qui ne trouvent pas leur cause dans l'illégalité commise mais découlent directement et exclusivement de la situation irrégulière dans laquelle la SARL La Réserve et M. A... se sont eux-mêmes placés. Par suite en l'absence de lien de causalité entre les préjudices invoqués et la faute du CNAPS, les conclusions indemnitaires présentées par la société La Réserve et par M. A... ne peuvent qu'être rejetées.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la société La Réserve et M. A... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 26 novembre 2013 du CNAPS et à la condamnation de ce dernier et de l'Etat à leur verser respectivement les sommes de 28 305 euros et de 6 500 euros.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CNAPS et de l'Etat, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, la somme demandée par la société La Réserve et M. A... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du CNAPS présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL La Réserve et de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du conseil national des activités privées de sécurité présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL La Réserve, à M. A..., au conseil national des activités privées de sécurité et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 30 novembre 2018, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- Mme E..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 14 décembre 2018.

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N° 17MA04225

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA04225
Date de la décision : 14/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Police - Polices spéciales.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Agissements administratifs susceptibles d'engager la responsabilité de la puissance publique - Retards.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : CARLHIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-12-14;17ma04225 ?
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