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03/12/2018 | FRANCE | N°16MA04636

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 03 décembre 2018, 16MA04636


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I- La société " Résidence la Cyprière " a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 31 juillet 2014 par laquelle le département de l'Hérault a refusé de donner une suite favorable à sa demande d'extension de quinze places au sein de l'EHPAD " Résidence La Cyprière " à Juvignac et de mettre à la charge du département une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

II- La société " Résidence la Cyprière " a demandé a

u tribunal administratif de Montpellier de condamner le département de l'Hérault à lui v...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I- La société " Résidence la Cyprière " a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 31 juillet 2014 par laquelle le département de l'Hérault a refusé de donner une suite favorable à sa demande d'extension de quinze places au sein de l'EHPAD " Résidence La Cyprière " à Juvignac et de mettre à la charge du département une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

II- La société " Résidence la Cyprière " a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner le département de l'Hérault à lui verser la somme de 2 344 000 euros à titre de dommages et intérêts, assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2015 et de la capitalisation des intérêts et de mettre à la charge du département une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1500209 et n°1501999, du 25 octobre 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ces demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 7 décembre 2016, 24 octobre 2018 et 9 novembre 2018, la société " Résidence la Cyprière ", représentée par Me A...et MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 25 octobre 2016 ;

2°) d'annuler la décision du 31 juillet 2014 par laquelle le département de l'Hérault a refusé de donner une suite favorable à sa demande d'extension de quinze places au sein de l'EHPAD "Résidence La Cyprière " à Juvignac ;

3°) de condamner le département de l'Hérault à lui verser la somme de 2 344 000 euros à titre de dommages et intérêts, assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2015 et de la capitalisation des intérêts ;

4°) de mettre à la charge du département de l'Hérault la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier d'une part en raison d'une erreur dans le déroulement de l'instruction devant le tribunal, et d'autre part parce que le tribunal a substitué d'office un motif à la décision en dehors des cas prévus par la jurisprudence ;

- le département s'est cru à tort lié par une décision du président de l'agence régionale de santé qui n'est en fait pas intervenue ;

- le refus du département a dessaisi l'agence régionale de santé de sa compétence en la matière ;

- le motif tiré de la satisfaction des besoins dans le département est erroné ;

- les trois décisions de refus qui lui ont été opposées sont illégales ;

- elle a subi des préjudices directs et certains du fait de ces illégalités.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 6 septembre 2018 et 31 octobre 2018, le département de l'Hérault, représenté par Me B...conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société " Résidence la Cyprière " une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la société " Résidence la Cyprière " ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marcovici,

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la société " Résidence la Cyprière ", et de MeB..., représentant le département de l'Hérault.

Considérant ce qui suit :

1. La société " Résidence La Cyprière " exploite, à Juvignac, un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de 60 lits. Elle a adressé le 23 mars 2010, au président du conseil général de l'Hérault ainsi qu'au préfet de l'Hérault, une demande d'autorisation d'extension pour une capacité de 15 lits supplémentaires. Par un jugement du 16 octobre 2012, le tribunal administratif de Montpellier a annulé le premier refus d'autorisation qui a été opposé à cette demande le 22 avril 2010 par le président du conseil général et a enjoint au département de procéder au réexamen de la demande. Par une décision du 21 décembre 2012, le président du conseil général a refusé d'instruire la demande de la société. Par un jugement du 3 juin 2014, le tribunal de Montpellier a annulé cette décision et a enjoint au président du conseil général de procéder à un examen de la demande de la société. Par une décision du 31 juillet 2014, le président du conseil général de l'Hérault a refusé l'autorisation d'extension. Le 10 mars 2015, le président du conseil général de l'Hérault a rejeté la réclamation préalable adressée le 10 janvier 2015 par la société " Résidence La Cyprière " tendant au versement d'une somme de 2 344 000 euros à titre de dommages et intérêts. La société " Résidence La Cyprière " relève appel du jugement par le lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision du 31 juillet 2014 et à la condamnation du département de l'Hérault à lui verser la somme de 2 344 000 euros en réparation de ses préjudices.

Sur la régularité :

2. Dans les deux affaires jugées le 25 octobre 2016 sous les n° 1500209 et n°1501999, le tribunal administratif a communiqué un mémoire en défense du département de l'Hérault, reçu au greffe le 18 juillet 2016. Ces mémoires n'ont été reçus par le destinataire qu'après la clôture de l'instruction par ordonnances du 20 juillet 2016. Ils discutaient de manière substantielle le mémoire communiqué précédemment et comportaient certains éléments supplémentaires par rapport à ceux déjà débattus. L'instruction, comme en atteste les mentions du jugement, n'a pas été rouverte. Si la société requérante a répondu à ces mémoires au mois de septembre 2016, le tribunal s'est borné à les viser sans les analyser. Dans ces conditions la procédure n'a pas été contradictoirement suivie. Le jugement ne peut qu'être annulé. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu pour la Cour de statuer par la voie de l'évocation.

Sur la légalité de la décision du 31 juillet 2014 :

3. La création, la transformation ou l'extension des établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionnés à l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles sont soumises à autorisation. Aux termes de l'article L. 313-3 de ce même code, dans sa rédaction applicable au litige : " L'autorisation est délivrée : a) Par le président du conseil général, pour les établissements et services mentionnés aux 1°, 6°, 7°, 8°, 11° et 12° du I et au III de l'article L. 312-1 lorsque les prestations qu'ils dispensent sont susceptibles d'être prises en charge par l'aide sociale départementale ou lorsque leurs interventions relèvent d'une compétence dévolue par la loi au département ; b) Par le directeur général de l'agence régionale de santé pour les établissements et services mentionnés aux 2°, b du 5°, 6°, r, 9°, 11° et 12 du I de l'article L. 312-1 et pour les lieux de vie et d'accueil mentionnés au III du même article, lorsque les prestations qu'ils dispensent sont susceptibles d'être prises en charge par les organismes d'assurance maladie, ainsi que pour les établissements et services mentionnés au a du 5° du 1 du même article ; (...) d) Conjointement par le président du conseil général et le directeur général de l'agence régionale de santé pour les établissements et services dont l'autorisation relève simultanément du a et du b du présent article (...) ". Dans sa version en vigueur à la date de la demande d'autorisation, l'article L. 313-3 du code de l'action sociale et des familles prescrivait qu'en cas d'autorisation conjointe, celle-ci devait être délivrée conjointement par l'autorité compétente de l'Etat, à savoir le préfet du département, et le président du conseil général. Enfin, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 313-2 du code de l'action sociale et des familles : " L'absence de réponse dans le délai de six mois suivant la date de dépôt de la demande vaut rejet de celle-ci. ".

4. La décision attaquée du président du département de 1'Hérault est fondée d'une part, sur ce que le préfet ayant opposé un refus à la demande d'autorisation d'extension, il ne pouvait que rejeter la demande que lui avait adressée la société " Résidence La Cyprière" et d'autre part, sur ce que les besoins en la matière dans le bassin de Montpellier sont satisfaits.

5. Aux termes de l'article L. 313-4 du code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction alors applicable : " L'autorisation est accordée si le projet : 1° Est compatible avec les objectifs et répond aux besoins sociaux et médico-sociaux fixés par le schéma d'organisation sociale et médico-sociale dont il relève et, pour les établissements visés au b du 5° du I de l'article L. 312-1, aux besoins et débouchés recensés en matière de formation professionnelle ; 2° Satisfait aux règles d'organisation et de fonctionnement prévues par le présent code et prévoit les démarches d'évaluation et les systèmes d'information respectivement prévus aux articles L. 312-8 et L. 312-9; 3° Répond au cahier des charges établi, dans des conditions .fixées par décret, par les autorités qui délivrent l'autorisation, sauf en ce qui concerne les projets visés au II de l'article L. 313-1-1 ; 4° Est compatible, lorsqu'il en relève, avec le programme interdépartemental mentionné à l'article L. 3I 2-5-1, et présente un coût de fonctionnement en année pleine compatible avec le montant des dotations mentionnées, selon le cas, aux articles L. 312-5-2, L. 313-8, L. 314-3, L. 314-3- 2 et L. 314-4, au titre de l'exercice au cours duquel prend effet cette autorisation. "

6. Aux termes de la quatrième orientation du schéma gérontologique 2013-2015 " Le nombre de places apparait suffisant au regard des besoins des personnes en perte d'autonomie " et " les priorités portent sur l'amélioration de la qualité de 1'accueil et des prises en charge, le renforcement des dispositifs d'accueil et d'hébergement existants et 1'accessibilité financière de ces dispositifs ". Le schéma mentionne également que " Le taux d'équipement du département en EHPAD est supérieur à la moyenne régionale, ne rendant pas l'Hérault prioritaire en matière de création d'établissement sur les prochaines années. Le département et l'ARS estiment que si des places doivent être créées, il s'agira essentiellement d'augmentation de places dans les EHPAD existants et particulièrement sur le secteur de Béziers ". Dans ces conditions, pour rejeter la demande d'extension qui lui était adressée, le président du département de l'Hérault, a pu à bon droit, estimer que les besoins dans le secteur de Montpellier étaient satisfaits. Ce motif justifie, à lui seul, la décision prise par le président du conseil général. A supposer même que ce dernier se croit cru lié par la décision négative du préfet née le 23 septembre 2010 en raison de son absence de réponse pendant un délai de six mois, ce motif ne peut qu'être neutralisé, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le président du conseil général aurait pris une autre décision s'il ne s'était fondé que sur le motif tiré de l'application du schéma gérontologique.

7. Il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 31 juillet 2014.

Sur les conclusions indemnitaires :

8. La société " Résidence la Cyprière " demande l'indemnisation des préjudices qu'elle a subis à raison de l'illégalité des trois décisions de refus d'extension de son établissement.

9. Tout d'abord, comme il a été dit, la décision du 31 juillet 2014 n'est pas illégale. Elle n'a donc pas de caractère fautif et ne saurait engager la responsabilité du département.

10. Ensuite, l'annulation de la décision du 22 avril 2010 est fondée sur l'irrégularité, pour vice de procédure d'une délibération du 14 décembre 2009 modifiant le schéma gérontologique. L'annulation de la décision du 21 décembre 2012 résulte de ce que le département a opposé à tort le défaut de saisine, par la société requérante, d'une nouvelle demande à 1'agence régionale de santé. Si ces illégalités ont la nature de fautes administratives, le préjudice dont se prévaut la société " Résidence La Cyprière " n'a pas de lien direct et certain avec ces fautes, la société ne démontrant pas le bien-fondé de sa demande d'extension. La société n'est donc pas fondée à soutenir que c'est tort que le tribunal a rejeté ses conclusions indemnitaires.

Sur les frais de l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la société requérante, le département de l'Hérault n'ayant pas la qualité de partie perdante à l'instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société " Résidence la Cyprière " une somme de 2 000 euros au titre de ces mêmes dispositions, à verser au département de l'Hérault.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 25 octobre 2016 est annulé.

Article 2 : Les demandes de la société " Résidence la Cyprière " sont rejetées.

Article 3 : La société " Résidence la Cyprière " versera au département de l'Hérault une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société " Résidence la Cyprière " et au département de l'Hérault.

Copie en sera délivrée au préfet de l'Hérault et au président de l'agence régionale de santé de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2018, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- M. Pecchioli, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 décembre 2018.

2

N° 16MA04636


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

04-03-02-01 Aide sociale. Institutions sociales et médico-sociales. Dispositions spéciales relatives aux établissements privés. Autorisation de création, de transformation ou d'extension.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Laurent MARCOVICI
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : SCP VINSONNEAU-PALIES NOY GAUER et ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 03/12/2018
Date de l'import : 11/12/2018

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 16MA04636
Numéro NOR : CETATEXT000037706780 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-12-03;16ma04636 ?
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