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03/12/2018 | FRANCE | N°16MA04622

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 03 décembre 2018, 16MA04622


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiées (SAS) Transports Jean-Louis (TJL) a demandé au tribunal administratif de Toulon :

1°) à titre principal, de dire et juger inexistant l'arrêté n° 96/098 du maire de la commune de Lorgues du 3 octobre 1996 portant réglementation du stationnement et de la circulation (limitation de poids) sur certains chemins vicinaux de la commune, par lequel il a interdit la circulation aux poids lourds de plus de 5,5 tonnes sur le chemin des Girards ;

2°) à titre subsidia

ire, d'annuler la décision implicite du maire de la commune de Lorgues née le 30 décem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiées (SAS) Transports Jean-Louis (TJL) a demandé au tribunal administratif de Toulon :

1°) à titre principal, de dire et juger inexistant l'arrêté n° 96/098 du maire de la commune de Lorgues du 3 octobre 1996 portant réglementation du stationnement et de la circulation (limitation de poids) sur certains chemins vicinaux de la commune, par lequel il a interdit la circulation aux poids lourds de plus de 5,5 tonnes sur le chemin des Girards ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler la décision implicite du maire de la commune de Lorgues née le 30 décembre 2014 portant rejet de sa demande d'abrogation de l'arrêté précité ;

3°) d'enjoindre, conformément aux articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative, au maire de la commune de Lorgues de procéder à l'abrogation de l'arrêté du 3 octobre 1996 dans un délai de deux mois, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement.

Par un jugement n° 1500657 du 6 octobre 2016, le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision implicite du maire de la commune de Lorgues, née le 30 décembre 2014 par laquelle celui-ci a refusé de procéder à l'abrogation de l'arrêté du 3 octobre 1996 en tant qu'il interdit, en son article 1er, la circulation des véhicules excédant 5,5 tonnes sur le chemin des Girards et lui a enjoint de procéder à l'abrogation de l'arrêté du 3 octobre 1996 en tant qu'il interdit, en son article 1er, la circulation des véhicules excédant 5,5 tonnes sur le chemin des Girards, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 décembre 2016, la commune de Lorgues, représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 6 octobre 2016 ;

2°) de rejeter la requête déposée par la SAS TJL ;

3°) de mettre à la charge de la société TJL le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont inversé la charge de la preuve et par suite " rompu l'égalité des armes ", dès lors qu'aucune allégation, ni aucun moyen propre à mettre en cause le motif retenu par le maire dans son arrêté du 3 octobre 1996 n'a été soulevé par la société TJL ;

-l'arrêté en litige est suffisamment motivé ;

- il n'est pas démontré par la société requérante qu'au 3 octobre 1996, le chemin des Girards présentait des caractéristiques lui permettant de supporter le passage de véhicules d'un tonnage supérieur à 5,5 tonnes ;

- le trouble à l'ordre et à la sécurité publics est parfaitement établi ;

- l'arrêté, qui est par ailleurs proportionné à la nécessité de préserver neuf chemins ruraux, comporte des limitations spatio-temporelles dès lors qu'il ne concerne que certains véhicules et certaines voies ;

- l'arrêté en litige n'a pas perdu son objet ;

- aucun changement dans les circonstances de fait ni de droit ne pourrait être en l'espèce retenu pour justifier la demande d'abrogation de cet arrêté par la société requérante dès lors que l'état général actuel du chemin concerné impose une mesure d'interdiction au passage des poids lourds de plus de 5,5 tonnes, l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille en date du 24 octobre 2014 ne concerne nullement l'arrêté du 3 octobre 1996 et l'offre de travaux de la société requérante ne permet pas de pallier les difficultés de circulation sur le chemin concerné ;

- le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 février 2017, la SAS Transports Jean-Louis conclut à la confirmation du jugement attaqué et, au rejet de la requête de la commune de Lorgues. Elle demande, en outre, qu'il soit enjoint à cette commune d'abroger l'arrêté n° 96/098 du 3 octobre 1996 dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard et qu'il soit mis à la charge de la commune de Lorgues le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative;

Elle soutient que les autres moyens soulevés par la commune de Lorgues ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la route ;

- le code des communes ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration, notamment son article L. 243-2 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, notamment son article 16-1 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pecchioli,

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la commune de Lorgues, et de Me B..., représentant la société par actions simplifiées Transports Jean-Louis.

Une note en délibéré présentée par Me A...pour la commune de Lorgues a été enregistrée le 27 novembre 2018.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté n° 96/098 daté du 3 octobre 1996, le maire de la commune de Lorgues a réglementé le stationnement et la circulation sur certains chemins vicinaux de la commune. Il a notamment interdit la circulation des poids lourds de plus de 5,5 tonnes sur le chemin rural des Girards. Si la commune a pris le 16 février 2010 un autre arrêté n° 013/2010 portant interdiction la circulation des poids lourds de plus de 3,5 tonnes sur ce chemin rural, celui-ci a été annulé par un arrêté définitif de la cour administrative de Marseille du 24 octobre 2014, à la suite duquel l'arrêté du 3 octobre 1996 est redevenu opposable.

2. Par jugement du 6 octobre 2016, le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision implicite du maire de Lorgues, née le 30 décembre 2014 par laquelle celui-ci a refusé de procéder à l'abrogation de l'arrêté du 3 octobre 1996 en tant qu'il interdit, en son article 1er, la circulation des véhicules excédant 5,5 tonnes sur le chemin des Girards et lui a enjoint de procéder à l'abrogation de l'arrêté du 3 octobre 1996 dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. La commune relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. D'une part, les dispositions de l'article R. 411-8 du code de la route prévoient que " les dispositions du présent code ne font pas obstacle au droit conféré par les lois et règlements aux (...) maires de prescrire, dans la limite de leurs pouvoirs, des mesures plus rigoureuses dès lors que la sécurité de la circulation routière l'exige. Pour ce qui les concerne, les préfets et les maires peuvent également fonder leurs décisions sur l'intérêt de l'ordre public ". Ainsi aux termes de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, de la police municipale, de la police rurale et de l'exécution des actes de l'Etat qui y sont relatifs " ; Les dispositions de l'article L. 2212-2 du même code précisent que " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques (...) ". Les dispositions de l'article L. 2213-2 du code général des collectivités territoriales ajoutent que " Le maire peut, par arrêté motivé, eu égard aux nécessités de la circulation et de la protection de l'environnement : / 1° Interdire à certaines heures l'accès de certaines voies de l'agglomération ou de certaines portions de voie ou réserver cet accès, à certaines heures, à diverses catégories d'usagers ou de véhicules (...) " ; Enfin les dispositions de l'article L. 2213-4 du même code permettent au maire " (...) par arrêté motivé, (d')interdire l'accès de certaines voies ou de certaines portions de voies ou de certains secteurs de la commune aux véhicules dont la circulation sur ces voies ou dans ces secteurs est de nature à compromettre soit la tranquillité publique, soit la qualité de l'air, soit la protection des espèces animales ou végétales, soit la protection des espaces naturels, des paysages ou des sites ou leur mise en valeur à des fins esthétiques, écologiques, agricoles, forestières ou touristiques. Dans ces secteurs, le maire peut, en outre, par arrêté motivé, soumettre à des prescriptions particulières relatives aux conditions d'horaires et d'accès à certains lieux et aux niveaux sonores admissibles les activités s'exerçant sur la voie publique, à l'exception de celles qui relèvent d'une mission de service public. Ces dispositions ne s'appliquent pas aux véhicules utilisés pour assurer une mission de service public et ne peuvent s'appliquer d'une façon permanente aux véhicules utilisés à des fins professionnelles de recherche, d'exploitation ou d'entretien des espaces naturels ".

4. D'autre part, les dispositions de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration, prévoient que l'autorité compétente, saisie d'une demande tendant à l'abrogation d'un règlement illégal, est tenue d'y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l'illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette décision.

5. L'arrêté du 3 octobre 1996 portant réglementation de la circulation sur certains chemins vicinaux, dont le maire a refusé l'abrogation par décision implicite née le 30 décembre 2014, a interdit l'accès aux véhicules dont le poids total maximum autorisé, remorque comprise, excède 5,5 tonnes. Il se fonde sur deux motifs tirés " des dégradations occasionnées " respectivement "par les intempéries " et " par le passage de poids lourds de différents tonnages ". Une tolérance est toutefois accordée aux véhicules de secours, aux véhicules chargés de l'entretien de ce chemin ainsi qu'à ceux qui effectuent le ramassage des ordures ménagères, bien que la commune ait souhaité par la suite que ces derniers véhicules restent à l'entrée de la voie.

6. A supposer même qu'en raison de difficultés de circulation, de l'existence d'une gorge de ruissellement des eaux pluviales, frappé par le plan de prévention des risques d'inondations de la commune, de ses caractéristiques techniques, de la fragilité de deux ponceaux et de son étroitesse par endroit, le chemin des Girards visé par l'arrêté en litige du 3 octobre 1996, serait susceptible de présenter des détériorations dues au passage fréquent de véhicules de fort tonnage, notamment de 26 tonnes, et aux intempéries, aucune pièce versée aux débats ne permet de tenir pour établi, tant à la date d'adoption de l'arrêté du 3 octobre 1996 qu'à la date de la décision attaquée, l'existence de dégradations telles, qui auraient été occasionnées soit par les intempéries, soit par le passage de poids lourds d'un tonnage supérieur à 5,5 et qui justifieraient la mise en oeuvre d'une interdiction générale et absolue alors même que le chemin litigieux constitue l'unique accès, pour la société Transports Jean-Louis, à la carrière dont elle souhaite la reprise d'activité.

7. Il s'ensuit que s'il était loisible au maire de cette commune, au regard de l'état de la voie, de limiter la circulation des poids lourds, notamment en raison de leur tonnage et de leur fréquence de passage et de maintenir cette limitation face à une demande d'abrogation, l'arrêté en litige qui interdit toute circulation de véhicule d'un poids total de plus de 5,5 tonnes, toute l'année, porte une atteinte excessive à la liberté de circulation et à la liberté de commerce et d'industrie au regard des circonstances qui l'ont motivé et du but poursuivi.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Lorgues n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon, qui n'a pas inversé la charge de la preuve, a annulé la décision implicite du maire de Lorgues née le 30 décembre 2014 par laquelle celui-ci a refusé de procéder à l'abrogation de l'arrêté du 3 octobre 1996.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

9. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".

10. La société intimée demande qu'il soit enjoint à la commune de Lorgues d'abroger l'arrêté n° 96/098 du 3 octobre 1996 dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard. Il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande d'injonction dès lors qu'elle a été prononcée par les premiers juges. En revanche il convient de l'assortir d'une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter d'un délai de deux mois à partir de la notification du présent arrêt.

Sur frais de l'instance :

11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

12. Il y a lieu en application des dispositions susmentionnées de mettre à la charge de la commune de Lorgues la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SAS TJL et non compris dans les dépens.

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SAS TJL, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une quelconque somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées par la commune de Lorgues au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Lorgues est rejetée.

Article 2 : L'injonction adressée au maire de la commune de Lorgues par les premiers juges de procéder à l'abrogation de l'arrêté du 3 octobre 1996 en tant qu'il interdit, en son article 1er, la circulation des véhicules excédant 5,5 tonnes sur le chemin des Girards, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement est assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter d'un délai de deux mois à partir de la notification du présent arrêt.

Article 3 : La commune de Lorgues versera à la société Transports Jean-Louis une somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Lorgues et à la (SAS) Transports Jean-Louis (TJL)

Copie en sera adressée au préfet du Var.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2018, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- M. Pecchioli, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 décembre 2018.

2

N° 16MA04622


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA04622
Date de la décision : 03/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-02-03-02-01-01 Collectivités territoriales. Commune. Attributions. Police. Questions communes. Champ d'application des mesures de police.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Jean-Laurent PECCHIOLI
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : LLC et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-12-03;16ma04622 ?
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