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25/09/2018 | FRANCE | N°17MA03733

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 25 septembre 2018, 17MA03733


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier :

- d'une part, d'annuler les deux arrêtés du 11 juin 2015 par lesquels le ministre de la culture et de la communication l'a maintenue en disponibilité d'office pour raison de santé du 26 avril au 25 juillet 2015 inclus, puis du 26 juillet au 25 octobre 2015 inclus,

- d'autre part, d'enjoindre au ministre de la placer en congé de longue maladie du 26 avril au 25 octobre 2015 sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier :

- d'une part, d'annuler les deux arrêtés du 11 juin 2015 par lesquels le ministre de la culture et de la communication l'a maintenue en disponibilité d'office pour raison de santé du 26 avril au 25 juillet 2015 inclus, puis du 26 juillet au 25 octobre 2015 inclus,

- d'autre part, d'enjoindre au ministre de la placer en congé de longue maladie du 26 avril au 25 octobre 2015 sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1505250 du 28 juin 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 août 2017, Mme C..., représentée par la Selarl Callon Avocat et Conseil, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 28 juin 2017 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 11 juin 2015 du ministre de la culture et de la communication ;

3°) d'enjoindre au ministre, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir, de la placer rétroactivement sous le bénéfice d'un congé de longue maladie du 26 avril au 25 octobre 2015 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son profit de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les arrêtés sont insuffisamment motivés, notamment au regard des considérations factuelles qui les ont fondés ;

- ils sont entachés d'un vice de procédure, dès lors que le comité médical départemental qui a émis un avis sur sa situation était irrégulièrement composé en raison de l'absence d'un spécialiste de l'affection psychique dont elle souffre ;

- l'avis du comité médical n'est pas motivé ;

- le ministre a agi comme s'il était en situation de compétence liée par l'avis du comité médical ;

- les critères posés par le législateur pour bénéficier d'un congé de longue maladie étant remplis, les arrêtés sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle doit être placée en congé de longue maladie pour la période du 26 avril au 25 octobre 2015.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juillet 2018, la ministre de la culture conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés sont infondés.

Par lettre du 14 juin 2018, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et indiquant la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.

Un avis d'audience portant clôture immédiate de l'instruction a été émis le 31 juillet 2018.

Un mémoire présenté pour Mme C... a été enregistré le 3 août 2018, postérieurement à la clôture d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'État et à certaines modalités de cessation définitive de fonctions ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réformes, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Busidan,

- et les conclusions de M. Roux, rapporteur public.

1. Considérant que Mme C..., fonctionnaire titulaire du grade d'adjointe technique d'accueil, de surveillance et de magasinage de 2ème classe, a été placée en congé de longue maladie (CLM) du 26 avril 2010 au 25 juillet 2011, puis en congé de maladie ordinaire (CMO) du 27 juillet 2011 au 25 juillet 2012, enfin en disponibilité d'office pour raisons de santé du 26 juillet 2012 au 26 avril 2015 ; qu'elle relève appel du jugement rendu le 28 juin 2017 par le tribunal administratif de Montpellier, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de deux arrêtés du 11 juin 2015, par lesquels le ministre de la culture et de la communication l'a maintenue en disponibilité d'office pour raison de santé du 26 avril au 25 juillet 2015 inclus et du 26 juillet au 25 octobre 2015 inclus ;

Sur les conclusions en annulation :

2. Considérant, d'une part, que l'article 43 du décret du 16 septembre 1985 dispose : " La mise en disponibilité ne peut être prononcée d'office qu'à l'expiration des droits statutaires à congés de maladie prévus au premier alinéa du 2°, au premier alinéa du 3° et au 4° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée et s'il ne peut, dans l'immédiat, être procédé au reclassement du fonctionnaire dans les conditions prévues à l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. L'intéressé conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence.//(...)// Le fonctionnaire qui a obtenu un congé de longue maladie ne peut bénéficier d'un autre congé de cette nature, s'il n'a pas auparavant repris l'exercice de ses fonctions pendant un an ;// 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence.//(...)// Sauf dans le cas où le fonctionnaire ne peut être placé en congé de longue maladie à plein traitement, le congé de longue durée n'est attribué qu'à l'issue de la période rémunérée à plein traitement d'un congé de longue maladie. Cette période est réputée être une période du congé de longue durée accordé pour la même affection. Tout congé attribué par la suite pour cette affection est un congé de longue durée. // Sur demande de l'intéressé, l'administration a la faculté, après avis du comité médical, de maintenir en congé de longue maladie le fonctionnaire qui peut prétendre à l'octroi d'un congé de longue durée ;//(...) " ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des certificats médicaux établis par son docteur psychiatre traitant le 7 mars 2012, le 9 juillet 2012, le 7 janvier 2014 et le 9 septembre 2015 que Mme C... a été suivie depuis juin 2011 pour un syndrome anxio-dépressif majeur caractérisé et chronique évoluant sur un trouble grave de la personnalité, son état ayant nécessité son hospitalisation en milieu spécialisé et un suivi en centre de jour ; que, dans son expertise menée le 24 mars 2014, l'expert psychiatre agréé près la direction des affaires sanitaires et sociales de l'Hérault relève que " par rapport au précédent examen réalisé le 23 septembre 2013, l'état psychique de Madame C...n'a malheureusement pas évolué ", et " constate la persistance d'un état anxio-dépressif particulièrement sévère " ; que, le 8 avril 2015, ce même expert constate, par rapport à ses précédents examens et notamment le dernier en date du 25 août 2014, la chronicisation de l'état dépressif sévère de l'intéressée ; que même si le comité médical départemental, dans ses avis émis les 7 septembre 2011 et 12 décembre 2012, était défavorable à l'attribution d'un CLD, ces mêmes avis confirment que l'intéressée n'était, en tout état de cause, pas en mesure de reprendre ses fonctions ; que, dès lors, il ressort des pièces du dossier qu'à la date des arrêtés en litige, l'état de santé mentale de Mme C... était de nature à lui donner droit à un CLM ou un CLD, l'administration n'étant pas liée par les avis précités du comité médical départemental, lequel s'est d'ailleurs prononcé favorablement à l'attribution d'un CLD " si l'agent en fait la demande " dans son avis du 13 mai 2015 ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que l'article 30 du décret du 14 mars 1986 dispose que le fonctionnaire atteint, comme en l'espèce, d'une maladie mentale, " qui est dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions et qui a épuisé, à quelque titre que ce soit, la période rémunérée à plein traitement d'un congé de longue maladie, peut demander à être placé ou maintenu en congé de longue maladie.(...)// Si l'intéressé obtient le bénéfice du congé de longue maladie, il ne peut plus bénéficier d'un congé de longue durée au titre de l'affection pour laquelle il a obtenu ce congé, s'il n'a pas recouvré auparavant ses droits à congé de longue maladie à plein traitement. " ;

6. Considérant que, dès lors que Mme C... avait épuisé la période rémunérée à plein traitement du CLM accordé entre le 26 avril 2010 et le 25 juillet 2011, et n'ayant pas repris ses fonctions depuis, n'avait pas recouvré ses droits à CLM à plein traitement, les dispositions précitées de l'article 30 du décret du 14 mars 1986 s'opposaient à ce qu'elle pût bénéficier d'un congé de longue durée au titre de l'affection mentale qui lui avait permis le bénéfice du CLM ; qu'en revanche, ces mêmes dispositions permettaient à Mme C..., qui n'avait pas épuisé ses droits statutaires à congé de longue maladie prévus par le premier alinéa du 3° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, d'être placée en congé de longue maladie ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en continuant de placer, pour la période du 26 avril au 25 octobre 2015 inclus, Mme C... en disponibilité d'office pour raison de santé, l'administration a entaché les arrêtés en litige d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées de la loi du 11 janvier 1984 et des décrets du 16 septembre 1985 et 14 mars 1986 ; qu'ils doivent, dès lors, être annulés pour ce motif ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté l'ensemble de ses conclusions ; qu'elle est, dès lors, fondée à obtenir l'annulation de ce jugement, comme celle des arrêtés du 11 juin 2015 en litige ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; qu'eu égard au motif d'annulation qui le fonde, le présent arrêt implique nécessairement que le ministre, dans le délai d'un mois à compter de sa notification, prenne un arrêté plaçant Mme C... en congé longue maladie pour la période du 26 avril au 25 octobre 2015 ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

10. Considérant qu'il y a lieu, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais que Mme C... a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 28 juin 2017 du tribunal administratif de Montpellier et les arrêtés du 11 juin 2015 du ministre de la culture et de la communication sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de la culture, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, de prendre un arrêté plaçant Mme C... en congé longue maladie pour la période allant du 26 avril 2015 au 25 octobre 2015.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à Mme C... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C...et à la ministre de la culture.

Délibéré après l'audience du 11 septembre 2018, où siégeaient :

- Mme Buccafurri, présidente,

- Mme Busidan et Mme B..., premières conseillères.

Lu en audience publique, le 25 septembre 2018.

N°17MA03733 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA03733
Date de la décision : 25/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Congés. Congés de maladie.


Composition du Tribunal
Président : Mme BUCCAFURRI
Rapporteur ?: Mme Hélène BUSIDAN
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : CALLON AVOCAT ET CONSEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-09-25;17ma03733 ?
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