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25/09/2018 | FRANCE | N°16MA02752

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 25 septembre 2018, 16MA02752


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner Alès Agglomération à lui payer la somme de 25 000 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2014, en remboursement de la somme qu'il a versée, sur le fondement de l'article 706-11 du code de procédure pénale, à Mme D... en réparation du préjudice moral subi consécutivement à l'agression dont elle a été victime en 2006.

Par un j

ugement n° 1401157 du 19 mai 2016, le tribunal administratif de Nîmes a fait droit à sa ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner Alès Agglomération à lui payer la somme de 25 000 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2014, en remboursement de la somme qu'il a versée, sur le fondement de l'article 706-11 du code de procédure pénale, à Mme D... en réparation du préjudice moral subi consécutivement à l'agression dont elle a été victime en 2006.

Par un jugement n° 1401157 du 19 mai 2016, le tribunal administratif de Nîmes a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 juillet 2016, Alès Agglomération, représentée par la société civile professionnelle d'avocats Juris Excell, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 19 mai 2016 ;

2°) à titre principal, de rejeter la demande du fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions;

3°) à titre subsidiaire, de ramener la somme qu'elle a été condamnée à lui verser à un montant de 7 500 euros ;

4°) de mettre à la charge de ce fonds de garantie la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a rejeté à tort l'exception de prescription quadriennale, dès lors que le fonds a réclamé le 23 janvier 2014 le paiement d'une créance ayant pour origine une infraction commise en 2006 et que la plainte de la victime n'a pu ici faire courir la prescription à l'encontre de la collectivité publique ;

- le tribunal n'a pas apprécié le degré de responsabilité de la collectivité publique, et par suite, la nature et l'étendue des réparations en découlant, mais le préjudice subi par la victime et ainsi commis une erreur de droit ;

- en l'espèce la gravité de la faute commise par l'agent doit exonérer Alès Agglomération de 70 % du préjudice subi par la victime.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2016, le fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions, représenté par la SELAFA Cabinet Cassel, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelante la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- les jurisprudences dont se prévaut l'appelante pour invoquer l'exception de prescription quadriennale sont obsolètes au regard des jurisprudences récentes du Conseil d'Etat, et en vertu du dépôt, par la victime, d'une plainte avec constitution de partie civile, le délai de prescription quadriennale n'était pas expiré à la date de réception par Alès Agglomération de la réclamation préalable;

- étant subrogé dans les droits de la victime qu'il a indemnisée, il est en droit de réclamer la condamnation d'Alès Agglomération à lui rembourser les sommes versées ;

- en outre, le tribunal a porté sa propre appréciation sur le quantum de la somme due, alors qu'Alès Agglomération elle-même ne prétend pas que la somme versée à la victime serait excessive en l'espèce.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Busidan,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant Alès Agglomération.

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'alors qu'elle effectuait un stage en milieu professionnel au centre nautique d'Alès, MmeE..., alors âgée de quinze ans, a été victime d'un viol commis par personne ayant autorité, en l'occurrence M. A..., maître-nageur au sein de ce centre ; qu'ayant, pour ces faits et pour d'autres, condamné M. A... à 12 ans de réclusion criminelle par arrêt du 22 juin 2012, la cour d'assises du Gard l'a également condamné civilement à verser à Mme D...la somme de 25 000 euros en réparation du préjudice moral subi ; qu'en vertu de l'article 706-5-1 du code de procédure pénale, le président de la commission d'indemnisation des victimes d'infraction près le tribunal de grande instance de Nîmes a, le 5 novembre 2012, homologué l'accord intervenu entre Mme D...et le fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions, par lequel ce fonds de garantie a versé à la victime la somme de 25 000 euros ; que, subrogé, en vertu de l'article 706-11 du code de procédure pénale, dans les droits de la victime pour obtenir des personnes responsables du dommage causé par l'infraction ou tenues à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle le remboursement de l'indemnité ou de la provision versée par lui, dans la limite du montant des réparations à la charge desdites personnes, le fonds de garantie, après une réclamation préalable restée vaine adressée à Alès Agglomération, a obtenu du tribunal administratif de Nîmes la condamnation de cet établissement à lui rembourser la somme versée à Mme D...en réparation de son préjudice, par un jugement du 19 mai 2016 ; qu'Alès-Agglomération relève appel de ce jugement ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de l'exception de prescription quadriennale doit être écarté par les mêmes motifs que ceux que les premiers juges ont retenus à bon droit aux points 2 et 3 du jugement attaqué et qu'il convient d'adopter ;

3. Considérant, en second lieu, que la victime non fautive d'un préjudice causé par l'agent d'une administration peut, dès lors que le comportement de cet agent n'est pas dépourvu de tout lien avec le service, demander au juge administratif de condamner cette administration à réparer intégralement ce préjudice, quand bien même aucune faute ne pourrait-elle être imputée au service et le préjudice serait-il entièrement imputable à la faute personnelle commise par l'agent, laquelle, par sa gravité, devrait être regardée comme détachable du service ; que cette dernière circonstance permet seulement à l'administration, ainsi condamnée à assumer les conséquences de cette faute personnelle, d'engager une action récursoire à l'encontre de son agent ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A..., agent sous contrat à durée déterminée de la communauté d'agglomération du Grand Alès, aux droits de laquelle vient Alès Agglomération, a commis le viol dont il a été reconnu coupable durant ses heures de service, à l'encontre d'une personne confiée aux services du centre nautique au sein duquel il travaillait ; que les agissements de M. A... sont constitutifs d'une faute grave commise par un agent de la communauté d'agglomération du Grand Alès dans l'exercice de ses fonctions et ne sont, par suite, pas dépourvus de tout lien avec le service ; qu'ainsi le fonds de garantie, subrogé dans les droits de MmeD..., est fondé à demander à Alès Agglomération la réparation du préjudice commis par M. A..., alors même que la faute de cet agent doit être regardée comme détachable du service ; que cette dernière circonstance permet seulement à Alès Agglomération, condamnée à assumer les conséquences de cette faute personnelle, d'engager une action récursoire contre cet agent ; qu'il résulte de l'instruction qu'en fixant à 25 000 euros la réparation du préjudice moral causé par M. A... à MmeD..., et par suite le montant de l'indemnité qu'ils ont condamné Alès Agglomération à verser au fonds de garantie, subrogé dans les droits de MmeD..., les premiers juges en ont fait une juste appréciation ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'Alès Agglomération n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes l'a condamnée à verser au fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions la somme de 25 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2014, date de réception par Alès Agglomération de la réclamation préalable de ce fonds ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'intimé, qui n'est, dans la présente instance, ni partie perdante ni tenu aux dépens, la somme qu'Alès Agglomération demande au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'appelante une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par le fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête d'Alès Agglomération est rejetée.

Article 2 : Alès Agglomération versera au fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Alès Agglomération et au fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions.

Délibéré après l'audience du 11 septembre 2018, où siégeaient :

- Mme Buccafurri, présidente,

- Mme Busidan et Mme C..., premières conseillères.

Lu en audience publique, le 25 septembre 2018.

N° 16MA02752 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA02752
Date de la décision : 25/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-05-03 Responsabilité de la puissance publique. Recours ouverts aux débiteurs de l'indemnité, aux assureurs de la victime et aux caisses de sécurité sociale. Subrogation.


Composition du Tribunal
Président : Mme BUCCAFURRI
Rapporteur ?: Mme Hélène BUSIDAN
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SELAFA CABINET CASSEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-09-25;16ma02752 ?
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