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20/09/2018 | FRANCE | N°16MA03914

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 20 septembre 2018, 16MA03914


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... F...B...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 23 mai 2016 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligé à quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays de destination, et l'arrêté du même jour le plaçant en rétention.

Par un jugement n° 1602708 du 26 mai 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le

13 octobre 2016, M. B..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du trib...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... F...B...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 23 mai 2016 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligé à quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays de destination, et l'arrêté du même jour le plaçant en rétention.

Par un jugement n° 1602708 du 26 mai 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 octobre 2016, M. B..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 26 mai 2016 ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet de l'Hérault du 23 mai 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans le délai de huit jours à compter de l'arrêt à l'intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à Me A...sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- sa présence continue sur le territoire français est établie depuis 2009 ;

- le courrier du 2 mai 2016 adressé par la préfecture de l'Hérault à un parlementaire sur sa situation administrative, qui constitue une décision de refus de titre de séjour, est insuffisamment motivé ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée, dès lors qu'elle ne vise pas le courrier du 2 mai 2016 ;

- elle méconnaît également l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste au regard de sa situation professionnelle ;

- l'absence de délai de départ volontaire est illégale, dès lors que le préfet n'a pas spécifiquement motivé son arrêté pour justifier s'être abstenu de l'astreindre à se présenter à l'autorité administrative ;

- le motif tiré de l'absence d'un domicile fixe, stable et personnel est matériellement inexact ;

- elle est entachée d'erreur de droit, dès lors que le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée ;

- elle méconnaît le principe de proportionnalité et est entachée d'erreur d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la mesure de rétention méconnaît le principe de proportionnalité et est entachée d'erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 janvier 2018, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 septembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Merenne a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., ressortissant guinéen né en 1980, est entré en France le 28 novembre 2009 sous couvert d'un visa de court séjour. Il s'est vu refuser l'asile par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 19 novembre 2010, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 3 octobre 2011. Par un arrêté du 7 octobre 2011, le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français. Suite à un contrôle d'identité réalisé le 23 mai 2016 à Montpellier, le préfet de l'Hérault, par deux arrêtés du 23 mai 2016, a de nouveau obligé M. B...à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et l'a placé en rétention pour une durée de cinq jours. M. B... interjette appel du jugement du 26 mai 2016 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande dirigée contre ces deux arrêtés.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

2. Il résulte du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité administrative peut obliger par une décision motivée un étranger à quitter le territoire français : " 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré. "

3. Par un courrier du 8 février 2016, Mme E...C..., alors députée de la deuxième circonscription de l'Hérault, a attiré l'attention du préfet de l'Hérault sur la situation de M. B... et l'a invité à lui délivrer un titre de séjour. Le préfet a refusé d'y donner une suite favorable par un courrier du 2 mai 2016. Ainsi qu'il a été indiqué au point 1, M. B... avait précédemment fait l'objet d'un refus de titre de séjour par un arrêté du 7 octobre 2011. Il résulte des motifs de la décision contestée que le préfet, pour estimer que M. B... se trouvait dans le cas prévu au 3° du I de l'article 511-1 cité ci-dessus et l'obliger à quitter le territoire français, s'est fondé sur le refus opposé par l'arrêté du 7 octobre 2011 et non sur son courrier du 2 mai 2016. A supposer même que ce dernier soit regardé comme une décision de refus de titre de séjour comme le soutient M. B..., la décision contestée n'est pas prise pour son application et n'y trouve pas non plus sa base légale. M. B...ne peut en conséquence utilement invoquer l'illégalité dont celui-ci serait prétendument entaché à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français.

4. Les erreurs affectant les visas d'un acte administratif sont sans incidence sur sa légalité. Le moyen tiré de ce que la décision contestée serait irrégulière faute de viser le courrier du 2 mai 2016 doit donc être écarté.

5. M.B..., âgé de trente-six ans à la date de la décision préfectorale, est célibataire et sans enfant. Il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire après l'arrêté du 7 octobre 2011 qui l'obligeait à quitter le territoire français. Il est constant qu'il ne dispose d'aucune attache familiale en France. S'il soutient être désormais dépourvu d'attache en Guinée, son pays d'origine, les pièces du dossier ne sont pas de nature à étayer cette affirmation. Elles ne font pas non plus ressortir l'exercice d'une activité professionnelle. La circonstance que M. B...soit engagé dans une activité associative en faveur des logiciels libres, pour digne d'intérêt qu'elle soit, ne suffit pas pour lui reconnaître un droit au séjour en France au titre de sa vie privée et familiale. En l'obligeant de nouveau à quitter le territoire français, le préfet de l'Hérault n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de cette décision. Il n'a dès lors pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La décision contestée n'est pour les mêmes raisons pas entachée d'erreur manifeste au regard de la situation personnelle de M. B....

Sur l'absence de délai de départ volontaire :

6. Il résulte du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur que l'autorité administrative peut par une décision motivée décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : " f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 ".

7. Aucun élément du dossier ne permet de retenir que le préfet de l'Hérault se serait à tort cru en situation de compétence liée pour obliger celui-ci à quitter sans délai le territoire français. Ce moyen doit en conséquence être écarté.

8. Le préfet de l'Hérault a indiqué de façon circonstanciée les motifs pour lesquels il a estimé que M. B...ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes en application du f) du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité. Le préfet a ce faisant satisfait à l'obligation de motivation résultant des mêmes dispositions, sans qu'aucun texte ni principe ne l'ait obligé à indiquer spécifiquement les raisons pour lesquelles il n'a pas accordé un délai de départ volontaire assorti d'une astreinte sur le fondement de l'article L. 513-4 du même code.

9. M. B...a initialement précisé lors de son audition être domicilié.... Il s'est ensuite prévalu d'une attestation manuscrite établie le lendemain des décisions contestées par laquelle une ressortissante française a déclaré l'héberger depuis le 1er août 2015 à son domicile dans le quartier de Boutonnet à Montpellier. Les autres pièces du dossier, qui ne font pas apparaître que M. B...ait recouru à cette adresse postale ou qu'il y ait effectivement établi son domicile personnel, ne corroborent pas cette attestation. Il ressort en outre du point 15 du jugement attaqué que l'intéressé n'a pu indiquer précisément lors de l'audience au tribunal administratif l'adresse à laquelle il aurait résidé depuis 2013. Le motif par lequel le préfet de l'Hérault a énoncé que M. B...ne disposait pas d'un domicile fixe, stable et personnel n'est donc pas matériellement inexact.

10. M. B...s'était soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement. Il ne disposait pas d'un document d'identité ou de voyage en cours de validité, et n'avait pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente lors de son audition par les forces de police. Ainsi, alors même que l'intéressé disposait d'un titre de voyage périmé et à supposer que sa nouvelle adresse déclarée ait effectivement correspondu à son domicile réel, le préfet de l'Hérault a pu à bon droit l'obliger à quitter sans délai le territoire français sur le fondement du f) du II de l'article L. 511-1 cité ci-dessus.

Sur la décision fixant le pays de destination :

11. M. B...soutient que la décision fixant le pays de destination méconnaitrait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'assortit pas ce moyen des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Celui-ci doit donc être écarté.

Sur le placement en rétention :

12. Il résulte des dispositions des articles L. 551-1, L. 553-1 et L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'une décision de placement en rétention ne sera considérée comme légale que dans la mesure où elle est proportionnée aux buts qui lui sont assignés. Elle doit ainsi être justifiée par la perspective d'un éloignement effectif et l'insuffisance des garanties de représentation. Au sens et pour l'application des dispositions des articles précités, la notion de garanties de représentation effectives, suffisantes pour prévenir un risque de fuite, doit être appréciée non seulement au regard des conditions de résidence et de logement de l'étranger mais également au regard, notamment, de la possession ou non de documents d'identité ou de voyage en cours de validité ou encore du respect ou non, par l'étranger, des décisions prises à son encontre et des obligations lui incombant en matière de police des étrangers.

13. M. B...n'a, ainsi qu'il a été indiqué au point 10, pas déféré à la précédente obligation de quitter le territoire français qui lui a été faite. Il n'a transmis à l'autorité administrative qu'un passeport dont la validité était expirée. Il ne justifiait pas d'une adresse stable. Le préfet de l'Hérault a en conséquence pu à bon droit estimer que l'intéressé ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes pour faire l'objet d'une assignation à résidence plutôt que d'une rétention administrative. Eu égard à la nécessité de prendre les mesures qu'exigeait l'organisation matérielle du retour de M. B... dans le pays dont il a la nationalité, le préfet n'a pas pris une mesure disproportionnée ou commis une erreur d'appréciation en le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement.

14. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

15. L'Etat n'est pas tenu aux dépens et n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font en conséquence obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par Me A...sur le fondement des dispositions combinées de cet article et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... F...B..., à Me A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 6 septembre 2018, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure,

- M. Merenne, premier conseiller.

Lu en audience publique le 20 septembre 2018.

N° 16MA03914 2

kp


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. ARGOUD
Avocat(s) : CABINET MAZAS - ETCHEVERRIGARAY

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 20/09/2018
Date de l'import : 02/10/2018

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 16MA03914
Numéro NOR : CETATEXT000037445805 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-09-20;16ma03914 ?
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