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11/05/2018 | FRANCE | N°17MA01513

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 11 mai 2018, 17MA01513


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Piana a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision du 30 mai 2013 par laquelle le préfet de la Corse-du-Sud a rejeté sa demande tendant à la réduction du périmètre de la zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) " Capo Rosso, côte rocheuse et îlots ", ensemble la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique formé contre cette décision devant la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, ainsi que d'enjoindr

e au préfet de la Corse-du-Sud ou au ministre chargé de l'environnement de procé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Piana a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision du 30 mai 2013 par laquelle le préfet de la Corse-du-Sud a rejeté sa demande tendant à la réduction du périmètre de la zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) " Capo Rosso, côte rocheuse et îlots ", ensemble la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique formé contre cette décision devant la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, ainsi que d'enjoindre au préfet de la Corse-du-Sud ou au ministre chargé de l'environnement de procéder au déclassement partiel de la ZNIEFF " Capo Rosso, côte rocheuse et îlots " dans un délai de deux mois à compter du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 1500511 du 9 février 2017, le tribunal administratif de Bastia a annulé la décision du préfet de la Corse-du-Sud du 30 mai 2013 et la décision implicite de rejet de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer et a enjoint au préfet de la Corse-du-Sud et au ministre chargé de l'environnement de procéder au réexamen de la demande de la commune de Piana dans un délai de six mois suivant la notification du jugement.

Procédure devant la Cour :

Par un recours, enregistré le 10 avril 2017, et un mémoire, enregistré le 24 novembre 2017, la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1500511 du tribunal administratif de Bastia du 9 février 2017 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la commune de Piana devant le tribunal.

Elle soutient à titre principal que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- le tribunal administratif ne pouvait faire droit à la demande qui lui était présentée dans la mesure où le refus de déclassement de la ZNIEFF " Capo Rosso, côte rocheuse et îlots " était un acte insusceptible de recours pour excès de pouvoir ;

- le refus de déclassement de la ZNIEFF " Capo Rosso, côte rocheuse et îlots " n'est pas fondé sur les dispositions du schéma d'aménagement de la Corse comme l'ont estimé à tort les premiers juges ;

Elle sollicite à titre subsidiaire une substitution de motifs tendant à ce que le refus contesté soit également fondé sur l'intérêt écologique, faunistique et floristique de la zone en litige.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 6 juillet 2017 et le 5 décembre 2017, la commune de Piana, représentée par Me C..., conclut, au rejet du recours, à la réformation de l'article 2 du jugement attaqué et à ce qu'il soit enjoint à l'Etat de procéder au déclassement de la parcelle en litige dans le délai d'un mois sous astreinte et à ce qu'il soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens du recours n'est fondé.

Par un mémoire en intervention volontaire, enregistré le 23 novembre 2017, l'association " U Levante ", représentée par Me A..., demande qu'il soit fait droit aux conclusions du recours n° 17MA01513 de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.

Elle soutient que :

- la demande présentée en première instance par la commune de Piana est tardive ;

- le jugement est irrégulier en tant qu'il a enjoint à l'Etat de réexaminer la demande de la commune, un tel réexamen ne pouvant conduire à la date à laquelle il a été ordonné qu'au rejet de cette demande ;

- le refus de déclassement peut être légalement fondé, comme le demande la ministre, sur l'intérêt écologique, faunistique ou géologique des parcelles incluses dans la zone.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 relative à la Corse ;

- le décret n° 92-129 du 7 février 1992, portant approbation du schéma d'aménagement de la Corse ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Maury, premier conseiller,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me B... substituant Me C..., représentant la commune de Piana.

Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier du 17 septembre 2012, le maire de la commune de Piana a demandé au préfet de la Corse-du-Sud, de " déclasser " treize hectares du secteur d'Arone de la ZNIEFF " Capo Rosso, côte rocheuse et îlots ". A la suite d'un avis du conseil scientifique régional du patrimoine naturel (CSRPN), rendu le 10 décembre 2012, la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Corse a transmis, en février 2013, au muséum national d'histoire naturelle (MNHN) le nouveau zonage de la ZNIEFF " Capo Rosso " faisant droit à la demande de la commune de Piana. Le 9 avril 2013, le MNHN a mis à jour le nouveau périmètre de ladite ZNIEFF sur le site Internet de l'inventaire national du patrimoine naturel (INPN). La ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer a alors demandé au MNHN de réintégrer les treize hectares du secteur d'Arone dans le périmètre de la ZNIEFF " Capo Rosso ". Le MNHN a, le 16 avril 2013 rétabli l'ancien périmètre sur le site Internet de l'INPN. Par courrier du 28 mai 2013, le maire de la commune de Piana a demandé au préfet de la Corse-du-Sud des éclaircissements sur cette réintégration, et, par un courrier du 30 mai 2013, le préfet a confirmé la position de l'Etat compte tenu des dispositions particulières du schéma d'aménagement de la Corse. Par courrier du 4 septembre 2013, le maire de la commune de Piana a adressé la même demande au directeur du MNHN, qui lui a répondu le 15 septembre 2013, en indiquant au maire de la commune de Piana que les conclusions et le vote des membres du CSRPN ne permettaient pas d'entériner formellement le déclassement des treize hectares dans le secteur d'Arone. Par courrier du 12 novembre 2013, reçu le 25 novembre 2013, le maire de la commune de Piana a introduit un recours hiérarchique auprès du ministre chargé de l'environnement, resté sans réponse. Le maire de la commune de Piana a alors demandé l'annulation de la décision du préfet de la Corse-du-Sud du 30 mai 2013 ainsi que de la décision implicite de rejet du ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer. Par jugement du 9 février 2017, le tribunal administratif de Bastia a annulé la décision du préfet de la Corse-du-Sud du 30 mai 2013 et la décision implicite de rejet du ministre l'environnement, de l'énergie et de la mer et a enjoint au préfet de la Corse-du-Sud et au ministre chargé de l'environnement de procéder au réexamen de la demande de la commune de Piana dans un délai de six mois suivant la notification du jugement. La ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer en charge des relations internationales sur le climat relève appel de ce jugement.

Sur l'intervention de l'association " U Levante " :

2. L'association " U Levante " a intérêt au regard de son objet social à l'annulation du jugement attaqué. Ainsi son intervention est recevable.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 411-5 du code de l'environnement : " L'inventaire du patrimoine naturel est institué pour l'ensemble du territoire national terrestre, fluvial et marin. On entend par inventaire du patrimoine naturel l'inventaire des richesses écologiques, faunistiques, floristiques, géologiques, minéralogiques et paléontologiques ".

4. D'autre part, le schéma d'aménagement de la Corse, approuvé par décret en Conseil d'Etat du 7 février 1992, demeuré applicable jusqu'à l'entrée en vigueur du plan d'aménagement et de développement durable de la Corse, ainsi que le prévoit l'article 13 de la loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse, dispose que " sont considérés comme espaces naturels exceptionnels, (...), les zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique de type I. (...) Il paraît nécessaire que dans les zones qui ne font pas déjà l'objet d'une protection particulière, les autorités responsables usent de leur pouvoir de préservation spécifique pour les garantir, notamment contre les constructions susceptibles de les dénaturer (... ) ".

5. Il résulte des dispositions de l'article L. 411-5 du code de l'environnement que les zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) constituent un outil d'inventaire scientifique du patrimoine naturel conduit sous la responsabilité scientifique du muséum national d'histoire naturelle. Cet inventaire comporte, notamment, des zones naturelles d'intérêt écologique, floristique et faunistique de type I, qui comprennent des secteurs de superficie généralement limitée, défini par la présence d'espèces, d'associations d'espèces ou de milieux rares, caractéristiques du patrimoine naturel national ou régional. Un tel inventaire, s'il est un élément d'expertise qui signale la présence d'habitats naturels et d'espèces remarquables ou protégées par la loi, n'emporte par lui-même aucun effet juridique ni sur le territoire ainsi délimité, ni sur les activités humaines qui s'y exercent.

6. Si les auteurs du schéma d'aménagement de la Corse ont entendu instituer des mesures de protection des espaces naturels en s'inspirant des zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique délimitées par les services du ministère de l'environnement, ils ne se sont pas estimés liés par ces délimitations, dont ils se sont d'ailleurs écartés dans certains cas. Les ZNIEFF n'ayant ainsi servi que de simple référence, la modification du périmètre d'une de ces zones, postérieurement à l'approbation du schéma d'aménagement de la Corse, ne saurait avoir pour objet ou pour effet de modifier corrélativement, selon un régime que ni la loi ni le schéma lui-même n'ont d'ailleurs prévu, les prescriptions de ce document de planification tel qu'il a été approuvé par décret en Conseil d'Etat. Il s'ensuit que le refus de modifier le périmètre de la ZNIEFF de " Capo Rosso " n'emporte par lui-même aucun effet juridique. Ainsi, un tel refus ne constitue pas une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.

7. Il résulte de ce qui précède que la demande d'annulation dont la commune de Piana a saisi le tribunal était irrecevable. La ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat est, par suite, fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a fait droit à cette demande et à demander l'annulation du jugement attaqué.

Sur les conclusions incidentes de la commune de Piana et ses conclusions aux fins d'injonction :

8. Une décision juridictionnelle de rejet n'appelle aucune mesure d'exécution. Le présent arrêt annule le jugement déféré à la Cour et rejette les conclusions de première instance de la commune de Piana tendant à l'annulation de la décision du 30 mai 2013 par laquelle le préfet de la Corse-du-Sud a rejeté sa demande tendant à la réduction du périmètre de la zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) " Capo Rosso, côte rocheuse et îlots ". Il revêt le caractère d'une décision de rejet et n'appelle donc aucune mesure d'exécution portant sur le périmètre de la ZNIEFF de " Capo Rosso ". Par suite les conclusions incidentes de la commune de Piana tendant à ce que l'article 2 du jugement attaqué, qui s'est borné à prescrire un réexamen de la demande de la commune, soit réformé, ainsi que celles tendant à ce qu'il soit enjoint à l'Etat de procéder au déclassement de la parcelle en litige dans le délai d'un mois sous astreinte ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : L'intervention de l'association " U Levante " est admise.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bastia n° 1500511 du 9 février 2017 est annulé.

Article 3 : La demande présentée par la commune de Piana devant le tribunal administratif de Bastia et le surplus de ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et solidaire, à la commune de Piana et à l'association " U Levante ".

Copie en sera adressée au préfet de la Corse du Sud.

Délibéré après l'audience du 27 avril 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222 26 du code de justice administrative,

- M. Maury, premier conseiller,

- M. Coutier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 mai 2018.

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N° 17MA01513


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA01513
Date de la décision : 11/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Nature et environnement.

Procédure - Introduction de l'instance - Décisions pouvant ou non faire l'objet d'un recours - Actes ne constituant pas des décisions susceptibles de recours.

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles générales d'utilisation du sol - Règles générales de l'urbanisme - Prescriptions d'aménagement et d'urbanisme - Schéma d'aménagement de la Corse.


Composition du Tribunal
Président : M. GUIDAL
Rapporteur ?: M. André MAURY
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : BUSSON

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-05-11;17ma01513 ?
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