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15/06/2017 | FRANCE | N°16MA01922

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 15 juin 2017, 16MA01922


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Délice a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 et 2009, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009 et des majorations qui ont assorti ces impositions.

Par un jugement n° 1304631 du 24 mars 2016, le tribunal administratif de Nice a prononcé un non-lieu partiel à s

tatuer et a rejeté le surplus de la demande de la SARL Délice.

Procédure suivie devant...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Délice a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 et 2009, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009 et des majorations qui ont assorti ces impositions.

Par un jugement n° 1304631 du 24 mars 2016, le tribunal administratif de Nice a prononcé un non-lieu partiel à statuer et a rejeté le surplus de la demande de la SARL Délice.

Procédure suivie devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 mai 2016 et le 18 janvier 2017, la SARL Délice, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) de réformer ce jugement du 24 mars 2016 du tribunal administratif de Nice en tant qu'il a partiellement rejeté sa demande ;

2°) de lui accorder la décharge des impositions et pénalités demeurant à... ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement, qui n'a pas tenu compte d'un mémoire qu'elle a produit après la clôture de l'instruction, est irrégulier ;

- sa comptabilité n'est pas informatisée et ne pouvait être rejetée suivant les critères propres aux comptabilités informatisées ;

- le taux de perte retenu pour la reconstitution de ses recettes est insuffisant ;

- les majorations pour manquement délibéré ne sont pas fondées ;

- les pénalités prévues à l'article 1759 du code général des impôts ont été établies en méconnaissance de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er septembre 2016, le ministre des finances et des comptes publics demande à la Cour de rejeter la requête de la SARL Délice.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Délice ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Paix,

- et les conclusions de M. Maury, rapporteur public.

1. Considérant que la SARL Délice relève appel du jugement du 24 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Nice a partiellement rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 et 2009, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009 ainsi que des majorations qui ont assorti ces impositions, à la suite d'une vérification de comptabilité de son activité de restauration ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " (...) La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge (...) " ;

3. Considérant que la SARL Délice utilisait, au cours des années vérifiées, une caisse enregistreuse de type Sharp dotée d'un logiciel permettant l'acquisition des données, le traitement des informations et la restitution des résultats, qui, selon elle, ne servait qu'à l'impression des tickets clients et ne disposait ni d'un système d'exploitation des données de caisse ni d'un progiciel comptable ; que la société soutient de ce fait que sa comptabilité ne pouvait être regardée comme irrégulière au regard des exigences applicables à une comptabilité informatisée au sens de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que la société n'a pas été en mesure de produire des documents sur support papier de nature à justifier le détail et l'exactitude de ses recettes quotidiennes, qui étaient globalisées mensuellement au grand-livre comptable au cours des deux années 2008 et 2009, que les recettes des mois de juin, juillet et août 2009 ont donné lieu à l'édition d'un ticket unique et que les notes des clients n'ont pas été présentées ; que ces irrégularités justifiaient, à elles seules, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le caractère informatisé ou non de la comptabilité, le rejet de celle-ci et la reconstitution des recettes de l'établissement ;

En ce qui concerne la reconstitution des recettes :

4. Considérant que, pour reconstituer les recettes de l'établissement, le vérificateur a procédé à la reconstitution du secteur " kebab ", prépondérant dans l'activité du restaurant, dont il a déterminé le chiffre d'affaires à partir des achats de viande et des pertes ; qu'à la suite des dégrèvements opérés par l'administration fiscale, la SARL Délice ne conteste plus que le poids de la viande dans les sandwichs et le taux de perte retenus par l'administration fiscale ;

5. Considérant, d'une part, que les données chiffrées retenues par le vérificateur résultent d'une visite sur place, effectuée le 18 mai 2011, en présence du gérant ; qu'à cette occasion, le poids de viande contenu dans chaque sandwich a été fixé à 125 grammes ; que si la SARL Délice soutient que le poids ainsi déterminé serait excessivement faible et serait dû à une balance défectueuse ainsi qu'à l'impréparation de l'employé ayant confectionné les sandwichs, son affirmation ne s'appuie sur aucun élément probant alors que, au cours de la visite sur place, le gérant n'a formulé aucune observation ; que la circonstance que d'autres quantités de viande seraient admises pour les sandwichs confectionnés dans d'autres établissements exploités par le même gérant demeure à cet égard indifférente dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que les conditions d'exploitation de ces différents établissements seraient identiques ;

6. Considérant, d'autre part, que le pourcentage de pertes de 35 % admis par l'administration fiscale ne peut être considéré comme insuffisant au seul motif qu'un constat d'huissier réalisé en 2011, dans des conditions d'exploitation différentes et en retenant un mode de cuisson autre que celui pratiqué par la SARL Délice, aurait admis un taux de perte supérieur ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 6 que l'administration fiscale, à qui il revient d'établir, en l'absence de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, le bien-fondé des impositions, doit être réputée apporter cette démonstration ;

Sur l'application des pénalités :

En ce qui concerne les majorations pour manquement délibéré :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (sa charge) " ;

9. Considérant qu'eu égard aux irrégularités graves et répétées constatées au cours des deux années vérifiées dans la comptabilité de la SARL Délice, tenant notamment à l'absence de justificatifs des recettes, l'administration doit être regardée comme établissant la volonté délibérée de la société d'éluder l'impôt ; que le moyen tiré de ce que les pénalités pour manquement délibéré ne seraient pas justifiées doit être écarté ;

En ce qui concerne l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts :

10. Considérant qu'aux termes de l'article 1759 du code général des impôts : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées (sa charge) " et qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observations " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'administration a l'obligation, au moins trente jours avant la mise en recouvrement de pénalités visées par le second alinéa de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, d'adresser au contribuable un document comportant la motivation des pénalités qu'elle envisage de lui appliquer, et indiquant qu'il dispose d'un délai de trente jours pour présenter ses observations ;

11. Considérant qu'il résulte de l'instruction que par lettre du 14 novembre 2011, le gérant de la SARL Délice a été informé que, compte tenu de l'absence de désignation par la société des bénéficiaires des distributions tant dans ses observations du 26 août 2011 que dans une lettre du 18 octobre 2011 adressée au service, l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts serait appliquée ; que cette correspondance n'indiquait pas à la SARL Délice qu'elle disposait d'un délai de trente jours pour présenter ses observations ; que la SARL Délice a ainsi été privée, comme elle le soutient, d'une garantie, les circonstances, d'une part, que les dispositions susvisées de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales n'auraient pas pour objet de permettre l'instauration d'un nouveau débat contradictoire avec l'administration fiscale et, d'autre part, que l'amende n'a été mise en recouvrement que le 20 décembre 2011, après l'expiration du délai de trente jours ouvert à compter de l'envoi de la lettre du 14 novembre 2011, étant sans incidence à cet égard ; que la société est, par suite, fondée à demander la décharge de cette amende irrégulièrement établie ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement en ce qu'il aurait omis de prendre en compte un mémoire relatif à la seule contestation de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts, la SARL Délice est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge de cette amende pour des montants de 121 161 euros au titre de l'année 2008 et de 26 788 euros au titre de l'année 2009 ;

13. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la SARL Délice tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : La SARL Délice est déchargée de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts à concurrence des sommes de 121 161 euros au titre de l'année 2008 et de 26 788 euros au titre de l'année 2009.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nice est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Délice est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Délice et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.

Délibéré après l'audience du 1er juin 2017, où siégeaient :

- M. Bédier, président,

- Mme Paix, président assesseur,

- M. Haïli, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 juin 2017.

2

N° 16MA01922


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA01922
Date de la décision : 15/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. BEDIER
Rapporteur ?: Mme Evelyne PAIX
Rapporteur public ?: M. MAURY
Avocat(s) : PIOZIN

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-06-15;16ma01922 ?
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