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09/05/2017 | FRANCE | N°16MA00833

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 09 mai 2017, 16MA00833


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...C..., agissant en qualité de représentante légale de son fils mineur, a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision du 16 avril 2014 par laquelle le préfet des Bouches du Rhône a refusé de lui délivrer à nouveau un passeport français, ensemble la décision implicite de rejet résultant du silence gardé sur le recours gracieux formé le 24 juin 2014 et, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 8 000 euros en réparation du préjudice qu'ell

e considère avoir subit en raison du refus de délivrance du passeport de son fil...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...C..., agissant en qualité de représentante légale de son fils mineur, a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision du 16 avril 2014 par laquelle le préfet des Bouches du Rhône a refusé de lui délivrer à nouveau un passeport français, ensemble la décision implicite de rejet résultant du silence gardé sur le recours gracieux formé le 24 juin 2014 et, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 8 000 euros en réparation du préjudice qu'elle considère avoir subit en raison du refus de délivrance du passeport de son fils ;

Par un jugement n° 1406779 du 9 février 2016, le tribunal administratif de Marseille, a rejeté la demande de Mme C....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 29 février 2016, 1er et 2 mars ainsi que le 18 avril 2017, Mme C..., agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale de son fils mineur M. E... B..., devenu majeur le 31 août 2016, intervenant volontaire, représentée par Me D... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 février 2016 ;

2°) d'annuler la décision du 16 avril 2014 par laquelle le préfet des Bouches du Rhône a refusé de leur délivrer un passeport français, ensemble la décision implicite de rejet résultant du silence gardé sur le recours gracieux formé le 24 juin 2014 ;

3°) de condamner l'Etat à leur verser, à chacun, la somme de 4 000 euros en réparation du préjudice qu'ils considèrent avoir subi en raison du refus de délivrance du passeport ;

4°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer un passeport français à M. E... B...dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

5°) d'enjoindre, à titre subsidiaire, au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder à une nouvelle instruction de la demande afin de prendre une décision dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- M. E... B...s'est vu régulièrement délivrer un passeport français le 3 septembre 2007 ;

- aucune poursuite ou début de poursuites ne semble avoir été engagée contre le père de M. E... B...;

- le refus de délivrance est illégal, dès lors que la filiation à l'égard de M. E... B...né en 1998, son identité et sa nationalité française n'ont pas été, à ce jour, remis en cause ;

- rien ne s'oppose à la délivrance d'un passeport pour M. E... B...au nom de sa mère ;

- le comportement de l'administration est fautif en raison de l'illégalité du refus opposé à la demande de délivrance d'un passeport ;

- la décision litigieuse leur cause un préjudice qu'il convient de réparer.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 1er mars et 12 avril 2017, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 avril 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;

- le décret n° 2005-1726 du 30 décembre 2005 modifié ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience par un avis d'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pecchioli,

- et les conclusions de M. Revert, rapporteur public.

1. Considérant que, par jugement du 9 février 2016, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de Mme C... tendant à l'annulation de la décision du 16 avril 2014, portant refus d'octroi d'un passeport pour M. E... B..., ensemble la décision implicite de rejet née du silence gardé sur le recours gracieux formé le 24 juin 2014 et à la condamnation de l'Etat à leur verser la somme totale de 8 000 euros en raison du préjudice familial qu'ils considèrent avoir subi ; que Mme C... et son fils,E... B..., devenu majeur entre temps, relèvent appel de ce jugement ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu et d'une part, qu'aux termes de l'article 4 du décret n° 2005-1726 du 30 décembre 2005 modifié : " Le passeport est délivré, sans condition d'âge, à tout Français qui en fait la demande. / Il a une durée de validité de dix ans. Lorsqu'il est délivré à un mineur, sa durée de validité est de cinq ans " ; que l'article 5 du décret dispose que : " I. - En cas de première demande, le passeport est délivré sur production par le demandeur : / a) De sa carte nationale d'identité délivrée en application du décret n° 87-178 du 19 mars 1987 (...) La production de cette carte nationale d'identité dispense le demandeur d'avoir à justifier de son état civil et de sa nationalité française ; / b) Ou de sa carte nationale d'identité délivrée en application des articles 2 à 5 du décret du 22 octobre 1955 (...) ; / c) Ou, à défaut de produire l'une des cartes nationales d'identité mentionnées aux deux alinéas précédents, de son extrait d'acte de naissance de moins de trois mois, comportant l'indication de sa filiation ou, lorsque cet extrait ne peut pas être produit, de la copie intégrale de son acte de mariage. / Lorsque la nationalité française ne ressort pas des pièces mentionnées aux deux alinéas précédents, elle peut être justifiée dans les conditions prévues au II. (...) " ; qu'aux termes de l'article 22 du même texte : " Pour l'instruction des demandes de passeport, il est vérifié, par la consultation du fichier des personnes recherchées, qu'aucune décision judiciaire ni aucune circonstance particulière ne s'oppose à sa délivrance. Il est également procédé à une consultation du système de fabrication et de gestion informatisée des cartes nationales d'identité et du système de traitement automatisé prévu à l'article 18, afin de vérifier si des titres ont déjà été sollicités ou délivrés sous l'identité du demandeur " ; que, d'autre part, les dispositions de l'article 22-1 du code civil prévoit que " L'enfant mineur dont l'un des deux parents acquiert la nationalité française, devient français de plein droit s'il a la même résidence habituelle que ce parent ou s'il réside alternativement avec ce parent dans le cas de séparation ou divorce. Les dispositions du présent article ne sont applicables à l'enfant d'une personne qui acquiert la nationalité française par décision de l'autorité publique ou par déclaration de nationalité que si son nom est mentionné dans le décret ou dans la déclaration. " ; que les dispositions de l'article 30 du code civil précise que " La charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause " ;

3. Considérant que, pour l'application de ces dispositions, il appartient aux autorités administratives de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que les pièces produites à l'appui d'une demande de passeport ou d'une carte nationale d'identité sont de nature à établir l'identité et la nationalité du demandeur ; que seul un doute suffisant sur l'identité ou la nationalité de l'intéressé peut justifier le refus de délivrance ou de renouvellement de passeport ; que, par ailleurs, la délivrance d'un passeport ou d'une carte nationale d'identité ne crée par elle-même aucun droit à la nationalité française en faveur du titulaire de ces documents ;

4. Considérant que M. E... B...a dès sa naissance pu bénéficier de la nationalité française à raison de celle de son père qui avait présenté une carte nationale d'identité au nom d'Ali B...; que, toutefois, il ressort du dossier, notamment d'un courrier du ministre de l'intérieur en date du 24 septembre 2001 que l'identité de M. A... B...a été revendiqué par plusieurs individus différents, lesquels ont tenté d'obtenir ou obtenu auprès de l'administration des titres d'identité ou de voyage ; qu'à la suite d'une enquête le véritable Ali B... a été identifié ; que, le préfet des Bouches-du-Rhône a, dès lors, saisi le procureur de la République sur le fondement de l'article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale ; que le père de l'enfant a été, par suite, inscrit sur le fichier des personnes recherchées ; que, tant en première instance qu'en appel, Mme C... et son filsE..., se bornent à arguer de la délivrance d'un précédent passeport en 2007, d'un jugement du juge des affaires familiales qui accorde à la mère l'autorité parentale exclusive et d'un certificat de naissance ; qu'ils n'apportent ainsi aucun élément de nature à infirmer les résultats de l'enquête diligentée par les services de police qui établissent l'existence d'un doute suffisant sur la nationalité du père, suspecté d'usurpation d'identité, et par suite de l'enfant ; que les appelants n'établissent pas non plus avoir accompli des diligences, notamment devant le tribunal de grande instance de Marseille, afin de contester la réalité de l'usurpation ; qu'il s'ensuit que le préfet des Bouches-du-Rhône était, en présence d'un doute suffisant au regard de la fraude constatée par les services compétents, fondé à ne pas procéder à la délivrance du passeport ;

5. Considérant enfin que les appelants ne peuvent se prévaloir de la nationalité française de la mère de l'enfant, Mme C..., dès lors que celle-ci a été naturalisée après sa naissance et que son fils E...n'est pas mentionné sur le décret de naturalisation ; que, par suite, le préfet des Bouches du Rhône, qui a, en outre, indiqué dans ses écritures que l'enfant, étant né en 1998, avait la possibilité de souscrire une déclaration de nationalité française à raison de sa naissance et de sa résidence habituelle en France conformément aux dispositions de l'article 21-1 du code civil, ne pouvait faire droit à la demande de délivrance d'un passeport français au nom de l'enfant ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté les conclusions à fin d'annulation ;

Sur les conclusions indemnitaires :

7. Considérant que les conclusions indemnitaires doivent être rejetées par voie de conséquences du rejet des conclusions d'excès de pouvoir mentionné ci-dessus ;

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

8. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de la décision litigieuse, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par les appelants ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du

10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de

condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d' aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

10. Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance soit condamné à verser une quelconque somme aux appelants ou à leur conseil, au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... et de M. E... B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...C..., à M. E... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 24 avril 2017, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- M. Pecchioli, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 mai 2017.

2

N° 16MA00833


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA00833
Date de la décision : 09/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-01-01 Droits civils et individuels. État des personnes. Nationalité.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Jean-Laurent PECCHIOLI
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : RODRIGUEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-05-09;16ma00833 ?
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