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27/02/2017 | FRANCE | N°16MA01877

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 27 février 2017, 16MA01877


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler les décisions du 6 mai 2016 par lesquelles le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et l'a placée en rétention administrative, d'enjoindre au préfet de l'admettre au séjour et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour au titre de l'asile et de mettre à la charge du préfet des Bouches-du-Rhône une somme 800 euros à verser à son conseil en

application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler les décisions du 6 mai 2016 par lesquelles le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et l'a placée en rétention administrative, d'enjoindre au préfet de l'admettre au séjour et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour au titre de l'asile et de mettre à la charge du préfet des Bouches-du-Rhône une somme 800 euros à verser à son conseil en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1603854 du 10 mai 2016, le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille, a annulé les décisions du 6 mai 2016 du préfet des Bouches-du-Rhône portant obligation pour Mme A... de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de destination et placement en rétention administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 mai 2016, le préfet des Bouches-du-Rhône demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 10 mai 2016 ;

2°) de rejeter la demande de Mme B...A...tendant à l'annulation des décisions du 6 mai 2016 l'obligeant à quitter le territoire sans délai et la plaçant en centre de rétention.

Il soutient que :

- Mme A... pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai et d'un placement en centre de rétention, dès lors que plusieurs éléments objectifs établissaient qu'elle n'avait fait part de son intention de solliciter l'asile uniquement pour faire obstacle à l'intervention d'une mesure d'éloignement imminente ;

- les décisions en litige sont suffisamment motivées ;

- le refus implicite d'admission au séjour n'est pas entaché d'un défaut d'examen ;

- aucune erreur de droit n'a été commise ;

- il n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le placement en rétention était nécessaire et proportionné ;

- aucune erreur manifeste d'appréciation n'a été commise.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2016, Mme A...conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pecchioli a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que le préfet des Bouches-du-Rhône relève appel du jugement du 10 mai 2016 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a annulé les décisions du 6 mai 2016 par lesquelles le préfet des Bouches-du-Rhône a obligé Mme B... A..., de nationalité sénégalaise, née le 10 novembre 1978, à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure et a placé l'intéressée en rétention administrative ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Considérant que l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, stipule : " 1. Aucun des Etats contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques (...) ; qu'aux termes de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : / (...) 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 741-1 du même code : " Lorsqu'un étranger, se trouvant à l'intérieur du territoire français, demande à bénéficier de l'asile, l'examen de sa demande d'admission relève du préfet de département et, à Paris, du préfet de police [...] " ; qu'aux termes de l'articles R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "Lorsque l'étranger présente sa demande auprès de 1 'Office français de l'immigration et de 1'intégration, des services de police ou de gendarmerie ou de l'administration pénitentiaire, la personne est orientée vers l'autorité compétente. Il en est de même lorsque l'étranger a introduit directement se demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sans que sa demande ait été préalablement enregistrée par le préfet compétent. Ces autorités fournissent à l'étranger les informations utiles en vue de l'enregistrement de sa demande d'asile. Pour cela, elles dispensent à leurs personnels la formation adéquate. " ; qu'aux termes de l'article L. 742-1 du même code : " Lorsqu'il est admis à séjourner en France en application des dispositions du chapitre Ier du présent titre, l'étranger qui demande à bénéficier de l'asile se voit remettre un document provisoire de séjour lui permettant de déposer une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. L'office ne peut être saisi qu'après la remise de ce document au demandeur. Après le dépôt de sa demande d'asile, le demandeur se voit délivrer un nouveau document provisoire de séjour. Ce document est renouvelé jusqu'à ce que l'office statue et, si un recours est formé devant la Cour nationale du droit d'asile, jusqu'à ce que la cour statue. " ; qu'aux termes de l'article L. 742-3 dudit code : " L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 742-6 du code précité : " L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : 1° L'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris une décision d'irrecevabilité en application des 1° ou 2° de l'article L. 723-11 ; 2° Le demandeur a informé l'office du retrait de sa demande d'asile en application de l'article L. 723-12 ; 3° L'office a pris une décision de clôture en application de l'article L. 723-13. L'étranger qui obtient la réouverture de son dossier en application de l'article L. 723-14 bénéficie à nouveau du droit de se maintenir sur le territoire français ; 4° L'étranger n'a introduit une première demande de réexamen, qui a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité par l'office en application du 3° de l'article L. 723-11, qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement ; 5° L'étranger présente une nouvelle demande de réexamen après le rejet définitif d'une première demande de réexamen ; 6° L'étranger fait l'objet d'une décision définitive d'extradition vers un Etat autre que son pays d'origine ou d'une décision de remise sur le fondement d'un mandat d'arrêt européen ou d'une demande de remise par une cour pénale internationale. Les conditions de renouvellement et de retrait de l'attestation de demande d'asile sont fixées par décret en Conseil d'Etat. "

3. Considérant que l'ensemble de ces dispositions ont pour effet d'obliger l'autorité de police à transmettre au préfet, et ce dernier à enregistrer, une demande d'admission au séjour lorsqu'un étranger, à l'occasion de son interpellation, formule une demande d'asile ; que, par voie de conséquence, ces dispositions font également obstacle à ce que le préfet fasse usage des pouvoirs que lui confère le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en matière d'éloignement des étrangers en situation irrégulière avant que d'avoir statué sur cette demande d'admission au séjour déposée au titre de l'asile ; que ce n'est que dans l'hypothèse où la demande d'admission au séjour a été préalablement rejetée par le préfet sur le fondement des dispositions de l'article L. 741-4, 2° à 4°, ou de l'article L. 743-2 du code précité, de lui délivrer l'attestation prévue par l'article L. 741-1 précité, que ce dernier peut, le cas échéant sans attendre que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ait statué, décider l'éloignement d'un ressortissant étranger, sans toutefois pouvoir procéder à son exécution avant la notification de la décision de l'Office ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A... a indiqué, lors de sa seconde audition par les services de police le 6 mai 2016 à 12h30, qu'elle souhaitait demander l'asile en France ; qu'il appartenait donc au préfet des Bouches-du-Rhône d'examiner la demande d'admission au séjour de l'intéressée formulée lors de son audition sur le fondement de cette demande d'asile ; qu'il ne ressort pas des mentions de l'arrêté en litige, pris le 6 mai 2016 à 16h54, que le préfet des Bouches-du-Rhône se soit prononcé sur cette demande conformément aux dispositions et stipulations précitées ; que, dans ces conditions, et alors même que la demande formulée par la requérante au titre de l'asile pouvait présenter un caractère abusif et n'aurait été présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement imminente, le préfet de Bouches-du-Rhône a méconnu les stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en édictant une obligation de quitter le territoire français sans que l'administration se soit préalablement prononcée sur la demande d'admission provisoire au séjour en qualité de demandeur d'asile de Mme A... ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet des Bouches-du-Rhône n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête du préfet des Bouches-du-Rhône est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B... A....

Copie en sera adressée à préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 13 février 2017, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- M. Pecchioli, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 février 2017.

5

N° 16MA01877


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA01877
Date de la décision : 27/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Jean-Laurent PECCHIOLI
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : TCHIDOUDOUKA

Origine de la décision
Date de l'import : 14/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-02-27;16ma01877 ?
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