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07/11/2016 | FRANCE | N°16MA00488

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 07 novembre 2016, 16MA00488


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...veuve A...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 9 octobre 2015 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1508886 du 12 janvier 2016, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 3 février 2016, Mme B... veuveA..., représen

tée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marsei...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...veuve A...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 9 octobre 2015 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1508886 du 12 janvier 2016, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 3 février 2016, Mme B... veuveA..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 janvier 2016 ;

2°) d'annuler les décisions du préfet des Bouches-du-Rhône du 9 octobre 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les décisions du préfet méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle démontre sa présence continue en France depuis 2004 par de nombreux documents probants, et justifie de ses attaches familiales et de son insertion socioprofessionnelle ;

- sa situation personnelle et l'ancienneté de son séjour justifiaient qu'un délai de départ supérieur à trente jours lui soit accordé pour quitter le territoire français.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Hameline a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que, par un arrêté du 9 octobre 2015, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté la demande de titre de séjour formée par Mme D... veuveA..., ressortissante haïtienne, et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; que l'intéressée a saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande d'annulation de cet arrêté ; que Mme B... veuve A...interjette appel du jugement en date du 12 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande ;

Sur la légalité de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...). " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " -1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

3. Considérant que Mme B... veuveA..., entrée en France le 2 décembre 2004 à l'âge de 47 ans, établit par de nombreuses pièces dont le caractère probant n'est pas valablement contesté son séjour habituel sur le territoire français depuis cette date, soit une durée de près de onze années à la date de l'arrêté en litige ; qu'elle produit en particulier des avis d'imposition à l'impôt sur le revenu pour les années 2006, 2008, 2009, 2010, 2011 et 2014 attestant, pour la majorité d'entre eux, de la perception de revenus salariaux, et des avis de taxe d'habitation pour les années 2011 à 2014 à Marseille ; qu'elle démontre louer un logement personnel depuis le 19 janvier 2009, et avoir travaillé à domicile pour le compte d'un même particulier employeur dans le cadre du dispositif du chèque emploi service universel certains mois de chacune des années 2008 à 2015 ; que sa présence en France durant la période concernée est en outre corroborée par de nombreuses pièces médicales dont l'authenticité n'est pas mise en doute, y compris, selon les nouveaux éléments produits en appel, durant certains des mois de l'année 2007 pour laquelle les premiers juges avaient relevé une absence de justificatifs ; qu'il est constant que l'époux de la requérante est décédé dans son pays d'origine ; qu'il ressort des pièces du dossier que celle-ci a rejoint à Marseille ses deux frères dont l'un a la nationalité française et l'autre est titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2025 ; que si le préfet des Bouches-du-Rhône a fait valoir devant les premiers juges que Mme A... ne fournissait pas de document d'état civil, hormis son acte de mariage, susceptible de prouver l'étendue exacte de sa famille, il n'est toutefois ni démontré ni même sérieusement soutenu que l'intéressée aurait conservé en Haïti des attaches familiales au moins équivalentes à celles dont elle dispose en France, alors qu'elle déclare sans être valablement contredite ne pas avoir d'enfants ni d'autres frères et soeurs, et que sa demande aux services préfectoraux mentionne que ses deux parents sont décédés ; que, dans les circonstances de l'espèce ainsi rappelées, et eu égard à la durée et aux conditions du séjour de Mme B... veuve A...sur le territoire français, le préfet des Bouches-du-Rhône a porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis en refusant de lui délivrer un titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français ; qu'il a ainsi méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de sa requête, que Mme B... veuve A...est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 9 octobre 2015 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;

6. Considérant qu'eu égard à son motif, et dès lors qu'il n'est fait état d'aucun changement dans les circonstances de droit et de fait concernant la situation de l'intéressée, l'annulation, par le présent arrêt, des décisions du préfet des Bouches-du-Rhône du 9 octobre 2015 implique que celui-ci délivre à la requérante le titre de séjour sollicité ; qu'il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à Mme B... veuve A...dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B... veuve A...et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1508886 du 12 janvier 2016 et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 9 octobre 2015 refusant la demande de titre de séjour de Mme B... veuve A...et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à Mme B... veuve A...dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à Mme B... veuve A...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... veuve A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Marseille.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2016, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- Mme Hameline, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 novembre 2016.

N° 16MA00488


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Marie-Laure HAMELINE
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : JEGOU-VINCENSINI

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 07/11/2016
Date de l'import : 22/11/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 16MA00488
Numéro NOR : CETATEXT000033422869 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-11-07;16ma00488 ?
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