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11/07/2016 | FRANCE | N°16MA00847

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 11 juillet 2016, 16MA00847


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement n° 0601567 du 28 février 2008, le tribunal administratif de Bastia a rejeté la demande de M. A...E...tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Piobetta a refusé de désigner un lieu de dépôt pour les animaux en état de divagation, à ce qu'il soit enjoint à cette même autorité de désigner un tel lieu dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard et à la mise à la char

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement n° 0601567 du 28 février 2008, le tribunal administratif de Bastia a rejeté la demande de M. A...E...tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Piobetta a refusé de désigner un lieu de dépôt pour les animaux en état de divagation, à ce qu'il soit enjoint à cette même autorité de désigner un tel lieu dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard et à la mise à la charge de la commune de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un arrêt n° 08MA02224 du 10 décembre 2009, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement, la décision implicite du maire de Piobetta, enjoint à cette même autorité de désigner le lieu de dépôt pour le bétail en état de divagation sur le territoire de la commune dans le délai de six mois à compter de la date de notification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard et mis à la charge de la commune de Piobetta la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une lettre, enregistrée le 16 novembre 2015, M. et Mme E...ont saisi la Cour d'une demande tendant à la liquidation de l'astreinte décidée par l'arrêt de la Cour du 10 décembre 2009.

Par une ordonnance du 14 mars 2016, le président de la cour administrative d'appel de Marseille a, en application de l'article R. 921-6 du code de justice administrative, procédé à l'ouverture d'une procédure juridictionnelle.

Par des mémoires enregistrés au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille les 14 avril 2016 et 8 juin 2016, M. et Mme E...demandent à la Cour :

1°) d'enjoindre au maire de Piobetta de réaliser un lieu de dépôt validé par l'Etat dans ses aspects sanitaire et environnemental, d'exercer ses pouvoirs de police pour supprimer l'état de divagation du bétail, de leur rembourser la somme de 1 000 euros ;

2°) d'enjoindre au préfet de Haute-Corse d'exercer ses pouvoirs de contrôle sanitaire sur la structure recevant des animaux d'élevage, de contrôle de l'exécution de la police municipale en matière de divagation d'animaux, de contrôle de l'utilisation des fonds publics, de saisine du ministère public sur ce point, d'ordonner le règlement de dommages et intérêts à M. E... à hauteur de 703 899 euros, somme versée conjointement par la commune de Piobetta et l'Etat, d'enjoindre au maire de la commune de Piobetta d'exécuter l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille sous une nouvelle astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de saisir le pôle financier du ministère public de Marseille pour détournement d'argent public empêchant d'assurer une mission de police ordonnée par une Cour d'appel ;

4°) de liquider l'astreinte correspondant à 1 997 jours de retard dans l'exécution de l'arrêté de la cour administrative d'appel de Marseille du 10 décembre 2009 à hauteur de 100 euros par jour de retard, et de prononcer une nouvelle astreinte jusqu'à la mise à disposition par le maire de Piobetta d'un lieu de dépôt conforme et opérationnel ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Piobetta une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la délibération du 10 avril 2016 du conseil municipal donnant mandat au maire pour ester en justice n'étant pas sincère, les écritures en défense de la commune seront rejetées comme irrecevables ;

- l'avocat de la commune et la commune ne justifient pas agir au nom et au bénéfice de l'administration préfectorale ;

- la mesure d'injonction en litige n'est ni obscure ni ambiguë ;

- le lieu de dépôt n'existe toujours pas ;

- le préfet n'exerce pas le contrôle de légalité sur la conformité sanitaire, environnementale et financière ni sur l'exercice de la police municipale ;

- ils ont subi des préjudices tirés de la perte d'exploitation, la perte des aides forestières, l'érosion des sols, la dégradation des murs et un préjudice moral tiré du saccage d'aménagements agraires anciens, qui doivent être réparés conjointement par la commune et l'Etat à hauteur de 703 899 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mai 2016, la commune de Piobetta, représentée par MeF..., conclut à titre principal au rejet de la requête, subsidiairement elle demande de préciser la portée de l'injonction faite à la commune de créer un lieu de dépôt, en explicitant notamment les caractéristiques que doit présenter celui-ci, de lui accorder un délai qui ne saurait être inférieur à six mois pour l'exécution de l'arrêté de son maire du 6 juin 2010, et que soit mise à la charge conjointe et solidaire de M et Mme E...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au maire d'exercer son pouvoir de police, à la commune de rembourser la somme de 1 000 euros qui lui a été allouée en première instance au titre des frais irrépétibles, et les conclusions dirigées contre l'Etat, sont irrecevables ;

- les autres moyens soulevés par M. et Mme E...ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 25 mai 2016, l'association syndicale libre de gestion forestière (ASLGF) " Les Hauts d'Orezza ", représentée par son directeur-président, M.B... D..., a présenté des observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné M. C... Pocheron en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pocheron,

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,

- et les observations de M.E..., et de M.D..., représentant l'ASLGF " Les Hauts d'Orezza ".

Une note en délibéré présentée pour M. et Mme E...et l'ASLGF " Les Hauts d'Orezza " a été enregistrée le 20 juin 2016.

Sur la recevabilité de la requête :

1. Considérant que les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au maire de Piobetta d'exercer ses pouvoirs de police pour supprimer l'état de divagation du bétail, de rembourser à M. et Mme E...la somme de 1 000 euros allouée à la commune de Piobetta par le jugement

sus-analysé du 28 février 2002, et les conclusions dirigées contre l'Etat, qui sont étrangères au présent litige, ne peuvent qu'être rejetées comme irrecevables ;

Sur l'intervention :

2. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'intervention de l'ASLGF " Les Hauts d'Orezza " qui, en vertu de l'article 3 de ses statuts, a pour mission de veiller à la protection des intérêts patrimoniaux de ses adhérents, a intérêt à ce que la requête de M. et Mme E... soit accueillie par la Cour de céans, ne peut cependant être admise qu'en tant qu'elle s'associe aux conclusions recevables de ladite requête ;

Sur la recevabilité des écritures en défense de la commune :

3. Considérant que par délibération du 10 avril 2016, le conseil municipal de Piobetta a autorisé son maire a ester en justice dans la présente affaire et désigné Me F...comme avocat de la commune ; que M. et MmeE..., en se bornant à douter de la sincérité de ladite délibération, n'établissent pas qu'elle serait irrégulière ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à opposer une fin de non-recevoir aux écritures en défense de la commune pour défaut de qualité pour agir du maire de Piobetta ;

4. Considérant que la commune ne représentant pas l'Etat dans la présente instance, le moyen tiré de ce qu'elle devrait justifier de son action au nom et dans l'intérêt de l'administration préfectorale ne peut qu'être écarté comme inopérant ;

Sur les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au maire de Piobetta de réaliser un lieu de dépôt validé par l'Etat dans ses aspects sanitaire et environnemental :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ; qu'aux termes de article L. 911-4 du même code : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution.(...) Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. (...). " ;

6. Considérant que si le juge de l'exécution saisi, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 911-4 du code de justice administrative d'une demande d'exécution d'une décision juridictionnelle comportant déjà des mesures d'exécution édictées sur le fondement de l'article L. 911-1 peut préciser la portée de ces mesures dans l'hypothèse où elles seraient entachées d'une obscurité ou d'une ambiguïté, et éventuellement les compléter, notamment en fixant un délai d'exécution et en assortissant ces mesures d'une astreinte, il ne saurait en revanche les remettre en cause ; que, dans les circonstances de l'espèce, aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoyant que le lieu de dépôt des animaux non gardés prévu par les articles L. 211-1 et L. 211-20 du code rural et de la pêche maritime doit faire l'objet d'une validation par les services de l'Etat de ses conditions de fonctionnement sanitaires et environnementales, les conclusions sus-analysées ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à la liquidation de l'astreinte :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-7 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée./Sauf s'il est établi que l'inexécution de la décision provient d'un cas fortuit ou de force majeure, la juridiction ne peut modifier le taux de l'astreinte définitive lors de sa liquidation./Elle peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution constatée. " ; qu'aux termes de l'article L. 211-20 du code rural ou de la pêche maritime : " Lorsque des animaux errants sans détenteur, ou dont le détenteur refuse de se faire connaître, sont trouvés pacageant sur des terrains appartenant à autrui, sur les accotements ou dépendances des routes, canaux, chemins ou sur des terrains communaux, le propriétaire lésé, ou son représentant, a le droit de les conduire ou de les faire conduire immédiatement au lieu de dépôt désigné par l'autorité municipale. (...). " ;

8. Considérant que l'arrêt de la Cour du 10 décembre 2009 a enjoint au maire de Piobetta de désigner le lieu de dépôt pour le bétail en état de divagation sur le territoire de la commune dans le délai de six mois à compter de la date de notification dudit arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; qu'il résulte de l'instruction que cet arrêt a été notifié à la commune de Piobetta le 15 décembre 2009 ; que, dés le 20 décembre 2009, le maire de cette commune a demandé par un courrier resté sans réponse adressé au préfet de la Haute-Corse de lui indiquer avec précision de quelle manière les services de l'Etat pourraient apporter une aide pratique pour réaliser cette structure et assurer son fonctionnement ; que, par arrêté du 6 juin 2010, le maire a cependant décidé la création d'un lieu de dépôt pour animaux en divagation destiné à recevoir temporairement les animaux errants capturés par les propriétaires victimes de dégradations à leurs propriétés du fait desdits animaux ; que la réalisation de ce lieu de dépôt dans le délai prescrit par l'arrêt de la Cour du 10 décembre 1999 n'est pas contesté par M. et MmeE... ; que les circonstances que l'enclos ne serait pas utilisé par les propriétaires victimes de dégradations de la part d'animaux errants et que ses installations seraient rudimentaires et mal entretenues ne sont pas de nature par elles-mêmes à démontrer que le maire de Piobetta n'aurait pas exécuté, ou n'aurait exécuté que partiellement, la mesure d'injonction en cause ; que le maire de Piobetta doit, par suite, être regardé comme ayant exécuté l'arrêt de la Cour du 10 décembre 2009 ; qu'il n'y a, dès lors, pas lieu de procéder à la liquidation de l'astreinte ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de M. et Mme E...le versement de la somme réclamée par la commune de Piobetta au titre des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : L'intervention de l'ASLGF " Les Hauts d'Orezza " est admise en tant qu'elle porte sur les conclusions recevables de la requête de M. et MmeE....

Article 2 : La requête de M. et Mme E...est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Piobetta tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...E..., à l'association syndicale libre de gestion forestière " Les Hauts d'Orezza " et à la commune de Piobetta.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2016, où siégeaient :

- M. Pocheron, président-assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Hameline, premier conseiller,

- Mme Marchessaux, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 juillet 2016.

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N° 16MA00847


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exécution décision justice adm

Analyses

54-06-07-01-02 Procédure. Jugements. Exécution des jugements. Astreinte. Rejet au fond.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Michel POCHERON
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : MUSCATELLI

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 11/07/2016
Date de l'import : 02/08/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 16MA00847
Numéro NOR : CETATEXT000032937092 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-07-11;16ma00847 ?
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