Vu la requête, enregistrée le 15 mai 2014 sur télécopie confirmée le 26 suivant, présentée pour Mme D...B..., demeurant..., par MeA... ;
Mme B...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1304794 rendu le 31 décembre 2013 par le tribunal administratif de Montpellier, qui a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 1er juillet 2013, par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer une carte de séjour temporaire au titre de son état de santé ou de sa vie privée et familiale, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation ;
4°) dans l'attente, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Elle soutient que :
- le tribunal a méconnu le principe du contradictoire en mettant en cause l'authenticité du certificat médical produit ;
- le tribunal ne pouvait écarter le caractère probant des certificats médicaux en l'absence de tout élément mettant en cause leur authenticité ; en l'espèce, ce certificat a été authentifié par le docteur qui l'a rédigé et rien ne permettait de douter de son authenticité ;
- la décision doit s'analyser comme un refus de renouvellement de titre "vie privée et familiale" ; le tribunal devait se borner à vérifier si sa situation familiale avait évolué ;
- au regard de son absence d'autonomie, de son retard mental, de la durée de sa présence sur le territoire français, de la situation régulière de son frère et de sa belle-soeur et de son absence de liens dans son pays d'origine, l'arrêté porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale et méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le refus de renouvellement de titre de séjour est insuffisamment motivé en fait ;
- il appartient à l'administration d'établir les raisons du changement d'avis du MISP qui estimait en 2011 qu'elle ne pouvait pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays et qui l'estime possible en 2013 ;
- le refus de renouvellement est entaché d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 313-11 11°, compte tenu des circonstances humanitaires exceptionnelles dont elle se prévaut ;
- l'obligation de quitter le territoire est insuffisamment motivée en droit ; elle méconnaît également l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;
- le délai de départ volontaire est insuffisant au regard de ses liens familiaux et est donc illégal pour ce motif ;
- la décision fixant le pays de renvoi est contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le jugementet l'arrêté attaqués ;
Vu la décision du 19 mars 2014 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Marseille a admis Mme B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu la lettre du 8 décembre 2014 informant les parties, en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, de la date à partir de laquelle la clôture de l'instruction sera susceptible d'être prononcée et de la date prévisionnelle de l'audience ;
Vu le mémoire, enregistré le 9 janvier 2015, présenté par le préfet de l'Hérault qui conclut au rejet de la requête ;
Il fait valoir que :
- le tribunal pouvait légitimement s'interroger sur l'authenticité du certificat, compte tenu de sa forme et des mentions qu'il aurait dû comporter au regard de l'article R. 4127-76 du code de la santé publique ;
- ce certificat conteste l'avis du MARS sur la possibilité de recevoir les soins nécessaires dans le pays d'origine mais ne dit nullement que l'intéressée devrait être impérativement traitée en France ou qu'un traitement approprié n'existerait pas dans son pays d'origine ;
- l'intéressée a sollicité le renouvellement du titre de séjour qui lui avait été accordé au titre de son état de santé ; l'administration n'était pas tenue de statuer sur le fondement de la vie privée et familiale ;
- il n'a pas été porté une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de la requérante dès lors qu'elle ne démontre pas avoir ancré le centre de ses intérêts privés et familiaux en France ;
- le refus de titre de séjour est suffisamment motivé ;
- alors que l'état de santé de l'intéressée a évolué de manière positive, le secret médical interdit de révéler les éléments qui ont permis un changement d'avis de la part du MARS ;
- la requérante ne produit aucune pièce récente et significative contredisant l'avis du MARS sur la possibilité de recevoir les soins nécessaires dans son pays d'origine ;
- le seul fait qu'il n'existe pas de centre médical spécialisé pour handicapé ne prouve pas que le traitement approprié n'existe pas en Arménie, alors que seule cette existence est requise au titre de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- si Mme B...soutient qu'elle entretient des contacts soutenus avec son frère, elle-même est célibataire, sans enfant, ni charge de famille et ne démontre pas avoir créé sa propre cellule familiale ;
- l'obligation de quitter le territoire est motivée en droit ;
- l'article L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être invoqué ;
- l'obligation de quitter le territoire ne viole pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire ne requiert pas une motivation spécifique ; la situation personnelle de la requérante ne fait pas apparaître qu'un délai supplémentaire était nécessaire ;
- la décision fixant l'Arménie comme pays de destination n'entraîne aucune violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'avis d'audience du 24 mars 2015, valant, en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-2 du code de justice administrative, clôture de l'instruction à la date de son émission ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 10 avril 2015, le rapport de Mme Busidan, premier conseiller ;
1. Considérant que MmeB..., de nationalité arménienne, relève appel du jugement rendu le 31 décembre 2013 par le tribunal administratif de Montpellier, qui a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 1er juillet 2013, par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé ;
Sur la légalité de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 1er juillet 2013 :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des certificats médicaux délivrés par le praticien hospitalier qui la suit, que la requérante, née en août 1977, réside en France depuis mai 2008, sinon juillet 2007 ; qu'elle a présenté, en lien avec une agression dont elle a été victime dans son pays d'origine, une décompensation post-traumatique grave, alors qu'elle est par ailleurs affectée de troubles d'apprentissage préexistants avec retard mental modéré ; qu'elle a bénéficié, à compter du 20 avril 2011, d'une carte de séjour temporaire d'un an au titre de son état de santé, qui a été renouvelée une fois ; que, pendant cette période, son taux d'incapacité a été évalué entre 50 et 79 % et lui a permis d'obtenir l'allocation aux adultes handicapés ; que si, dans son avis du 18 mars 2013, émis au cours de la procédure ayant conduit à l'arrêté en litige, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que Mme B...pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, il n'est pas contesté que Mme B..., dont le défaut de prise en charge médicale peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, n'est pas autonome ; que, suivie mensuellement au sein du centre hospitalier universitaire de Montpellier, elle est aidée au quotidien par son frère et sa belle-soeur, avec lesquels elle vit, en compagnie de leurs quatre enfants ;que le couple a obtenu, à la suite d'un jugement rendu 3 juillet 2012 par le tribunal administratif de Montpellier, des cartes de séjour mention "vie privée et familiale", dont le préfet de l'Hérault ne soutient, ni même n'allègue, qu'elles n'auraient pas été renouvelées depuis ; que, dans les circonstances particulières de l'espèce, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la requérante disposerait d'attaches particulières dans son pays d'origine, le préfet de l'Hérault, en prenant l'arrêté en litige, a porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme B...au respect de sa vie privée, tel que garanti par les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que ce refus et, par voie de conséquence, les décisions subséquentes portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignation du pays de renvoi en cas d'éloignement forcé, doivent être annulés, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ; que Mme B...est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, et sans qu'il soit besoin d'en examiner la régularité, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; que, par suite, il y a lieu d'annuler ce jugement et l'arrêté du préfet de l'Hérault du 1er juillet 2013 ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative: " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. "; qu'eu égard aux motifs pour lesquels il prononce l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 1er juillet 2013 et dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un changement dans les circonstances de droit ou de fait y ferait obstacle, le présent arrêt implique nécessairement la délivrance à la requérante d'une carte de séjour d'un an portant la mention "vie privée et familiale" ; que, par suite, il y a lieu pour la Cour de prescrire au préfet de l'Hérault de délivrer à Mme D...B...un tel titre dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
5. Considérant que Mme B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que l'avocat de Mme B...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de celui-ci le versement à Me A...de la somme de 1 500 euros ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 31 décembre 2013 et l'arrêté du préfet de l'Hérault du 1er juillet 2013 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer une carte de séjour portant la mention "vie privée et familiale" à Mme D...B..., dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat (ministère de l'intérieur) versera à Me A...une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...B..., au ministre de l'intérieur, au préfet de l'Hérault et à Me C...A....
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N° 14MA02112