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08/11/2012 | FRANCE | N°11MA01304

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 08 novembre 2012, 11MA01304


Vu la requête, enregistrée le 4 avril 2011 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 11MA01304, présentée pour M. Antoine Joseph B, demeurant ... à Ajaccio (20090), par Me Romani ; M. B demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000385 du 10 février 2011 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 26 février 2010 par laquelle le ministre de l'intérieur a constaté la perte de validité de son permis de conduire pour solde de points nul, à ce qu'il soit enjoint à cett

e même autorité de lui restituer l'intégralité des points retirés de son...

Vu la requête, enregistrée le 4 avril 2011 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 11MA01304, présentée pour M. Antoine Joseph B, demeurant ... à Ajaccio (20090), par Me Romani ; M. B demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000385 du 10 février 2011 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 26 février 2010 par laquelle le ministre de l'intérieur a constaté la perte de validité de son permis de conduire pour solde de points nul, à ce qu'il soit enjoint à cette même autorité de lui restituer l'intégralité des points retirés de son permis de conduire ainsi que son titre de conduite, et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler ladite décision ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui restituer l'intégralité des points de son permis de conduire ainsi que son titre de conduite ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu le jugement attaqué ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son protocole additionnel n° 7 ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de la route ;

Vu l'arrêté du 29 juin 1992 fixant les supports techniques de la communication par le ministère public au ministère de l'intérieur des informations prévues à l'article L. 30 (4°, 5°, 6° et 7°) du code de la route ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 octobre 2012 :

le rapport de M. Pocheron, président assesseur ;

1. Considérant que M. B relève appel du jugement en date du 10 février 2011 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande dirigée contre la décision en date du 26 février 2010 par laquelle le ministre de l'intérieur a constaté que le solde de points de son titre de conduite était nul ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 223-3 du code de la route : " Lorsque l'intéressé est avisé qu'une des infractions entraînant retrait de points a été relevée à son encontre, il est informé des dispositions de l'article L. 223-2, de l'existence d'un traitement automatisé de ces points et de la possibilité pour lui d'exercer le droit d'accès conformément aux articles L. 225-1 à L. 225-9. Lorsqu'il est fait application de la procédure de l'amende forfaitaire ou de la procédure de composition pénale, l'auteur de l'infraction est informé que le paiement de l'amende ou l'exécution de la composition pénale entraîne le retrait du nombre de points correspondant à l'infraction reprochée, dont la qualification est dûment portée à sa connaissance ; il est également informé de l'existence d'un traitement automatisé de ces points et de la possibilité pour lui d'exercer le droit d'accès. Le retrait de points est porté à la connaissance de l'intéressé par lettre simple quand il est effectif. " ; qu'aux termes de l'article R. 223-3 du même code : " I.- Lors de la constatation d'une infraction entraînant perte de points, l'auteur de celle-ci est informé qu'il encourt un retrait de points si la réalité de l'infraction est établie dans les conditions définies à l'article L. 223-1. II.- Il est informé également de l'existence d'un traitement automatisé des retraits et reconstitutions de points et de la possibilité pour lui d'accéder aux informations le concernant. Ces mentions figurent sur le document qui lui est remis ou adressé par le service verbalisateur. Le droit d'accès aux informations ci-dessus mentionnées s'exerce dans les conditions fixées par les articles L. 225-1 à L. 225-9 ... " ;

Sur l'absence de notification du courrier du ministre de l'intérieur informant le titulaire d'un permis de conduire que le capital de celui-ci a atteint six points et l'incitant à suivre un stage de sensibilisation à la sécurité routière pour bénéficier d'une récupération d'au maximum quatre points :

3. Considérant que M. B ne saurait utilement se prévaloir de l'absence de notification, à la supposer même établie, de ce courrier, l'administration n'étant pas tenue par les dispositions du code de la route de lui délivrer une telle information ;

Sur la violation du principe du non bis in idem et de l'article 4 du protocole additionnel n° 7 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

4. Considérant que si les retraits de points de permis de conduire sont infligés à l'occasion de la commission de certaines infractions réprimées par des contraventions ou condamnations pénales prévues par le code de la route, ces retraits sont des sanctions de nature administrative et non pas une nouvelle peine ; que, par suite, lesdites décisions ne méconnaissent pas le principe du non bis in idem ni l'article 4 du protocole additionnel n° 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prohibant la double répression d'une même infraction ;

Sur l'absence d'information préalable :

5. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées des articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route que l'administration ne peut légalement prendre une décision retirant des points affectés à un permis de conduire, à la suite d'une infraction dont la réalité a été établie, que si l'auteur de l'infraction s'est vu préalablement délivrer par elle un document contenant les informations qu'elles prévoient, lesquelles constituent une garantie essentielle lui permettant, avant de reconnaître la réalité de l'infraction par le paiement d'une amende forfaitaire ou l'exécution d'une composition pénale, d'en mesurer les conséquences sur la validité de son permis et éventuellement d'en contester la réalité devant le juge pénal ;

6. Considérant qu'aux termes des articles R. 49-1 et R. 49-10 du code de procédure pénale, quand est constatée une infraction au code de la route à laquelle est applicable la procédure d'amende forfaitaire, un avis de contravention et une carte de paiement dont le modèle est fixé par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, sont remis immédiatement au conducteur ou adressés postérieurement au titulaire du certificat d'immatriculation ; que si les procès-verbaux établis par les officiers ou agents de police judiciaire pour constater des infractions au code de la route font foi jusqu'à preuve contraire en ce qui concerne la constatation des faits constitutifs des infractions, il appartient au juge d'apprécier, au vu des divers éléments de l'instruction, et notamment des mentions du procès-verbal, si le contrevenant a reçu l'information prévue par l'article L. 223-3 du code de la route la réalité de l'infraction et d'en mesurer les conséquences sur la validité de son permis : que si l'intervention de l'arrêté du 5 octobre 1999, dont les dispositions pertinentes ont été codifiées aux articles A. 37 à 37-4 du code de procédure pénale, ne garantit pas que des formulaires établis selon un modèle antérieur, où le document comportant les informations requises et celui nécessaire au paiement étaient entièrement distincts, n'aient pas continué à être utilisés pour la constatation des infractions, il en va différemment, sauf élément contraire apporté par le contrevenant, pour les infractions constatées postérieurement au 1er janvier 2002, date à compter de laquelle, du fait du passage à l'euro, les formulaires libellés en francs sont devenus caducs et les services de police et de gendarmerie ont utilisé exclusivement des carnets de contravention libellés en euros dont l'avis de contravention comporte toutes les informations requises ; que l'administration doit ainsi être regardée comme ayant apporté la preuve qu'elle a satisfait à son obligation d'information en ce qui concerne les infractions constatées les 3 mars 2004 et 12 avril 2006, qui ont donné lieu au paiement d'une amende forfaitaire ;

7. Considérant que lorsqu'une contravention est relevée avec interception du véhicule et donne lieu au paiement immédiat de l'amende entre les mains de l'agent verbalisateur, le contrevenant se voit remettre non les documents régis par les dispositions des articles A. 37 à 37-4 du code de procédure pénale, mais, en application de l'article R. 49-2 du même code, une quittance de paiement ; que le modèle de cette quittance comporte une information suffisante au regard des exigences résultant des articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route, qui doit être regardée comme ayant été délivrée préalablement au paiement de l'amende dés lors que le contrevenant conserve la faculté de renoncer à la modalité du paiement immédiat de l'amende avant de procéder à la signature de la quittance ou, la cas échéant, d'inscrire sur celle-ci une réserve sur les modalités selon lesquelles l'information lui avait été délivrée ; qu'en conséquence, il incombe à l'administration d'apporter la preuve, par la production de la souche de la quittance dépourvue de réserve sur la délivrance de l'information, que celle-ci est bien intervenue préalablement au paiement ; que les infractions constatées les 18 décembre 2007, 28 novembre 2008 et 5 novembre 2009, ont, selon les déclarations elles-mêmes du ministre de l'intérieur, fait l'objet d'un paiement immédiat des amendes forfaitaires correspondantes entre les mains des agents verbalisateurs ; que, cependant, l'administration, qui ne produit par les souches des quittances relatives au paiement de ces amendes, n'apporte pas la preuve que l'information exigée par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route a bien été délivrée préalablement aux paiements des trois amendes forfaitaires ; que, par suite, M. B est fondé à soutenir que les retraits de deux, deux et deux points décidés par le ministre de l'intérieur suite aux infractions respectivement constatées les 18 décembre 2007, 28 novembre 2008 et 5 novembre 2009, sont intervenues au terme d'une procédure irrégulière et sont par ce motif entachées d'illégalité ;

8. Considérant que, s'agissant de l'infraction constatée le 11 décembre 2008, qui a fait l'objet de l'émission d'un titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée, le ministre de l'intérieur a produit le procès-verbal de contravention qui mentionne la qualification de l'infraction et l'information suivant laquelle un retrait de points est encouru ; qu'il porte également sous la mention " le contrevenant reconnaît avoir reçu la carte de paiement et l'avis de contravention " la signature de M. B, dont il doit être déduit que le contrevenant a nécessairement pris connaissance au préalable du contenu du document, et, notamment de la mention relative à la délivrance de la carte de paiement et de l'avis de contravention, ces derniers documents étant établis sur les modèles du centre d'enregistrement et de révision des formulaires administratifs (CERFA) qui comportent les mentions exigées par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route ; que, par suite, l'administration doit être regardée comme ayant apporté la preuve que l'information requise par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route a été régulièrement délivrée à M. B ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, six points ayant été irrégulièrement retirés du permis de conduire de M. B suite aux infractions constatées les 18 décembre 2007, 28 novembre 2008 et 5 novembre 2009, le solde de points du titre de conduite de l'intéressé était égal à un à la date de la décision litigieuse ; que M. B est par suite fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 26 février 2010 du ministre de l'intérieur en tant qu'elle a constaté l'invalidité de son permis de conduire pour solde de points nul et lui a opposé les retraits de six points intervenus suite aux infractions sus-évoquées ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de restituer à M. B les six points illégalement retirés au capital de son permis de conduire et d'en tirer toutes les conséquences à la date de la nouvelle décision sur le capital de points et le droit de conduire de M. B ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme réclamée par M. B au titre des frais exposés par celui-ci et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La décision 48 SI en date du 26 février 2010 du ministre de l'intérieur, en tant qu'elle a invalidé le permis de conduire de M. A pour solde de points nul et lui a opposé les retraits de deux, deux et deux points suite aux infractions respectivement constatées les 18 décembre 2007, 28 novembre 2008 et 5 novembre 2009, est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de restituer à M. B les six points illégalement retirés au capital de son permis de conduire et d'en tirer toutes les conséquences à la date de sa nouvelle décision sur le capital de points et le droit de conduire de M. B.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Bastia du 10 février 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Antoine Joseph B et au ministre de l'intérieur.

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N° 11MA01304

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11MA01304
Date de la décision : 08/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-04-01-04 Police administrative. Police générale. Circulation et stationnement. Permis de conduire.


Composition du Tribunal
Président : M. FERULLA
Rapporteur ?: M. Michel POCHERON
Rapporteur public ?: M. SALVAGE
Avocat(s) : SCP ROMANI CLADA MAROSELLI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-11-08;11ma01304 ?
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