La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/04/2011 | FRANCE | N°09MA02044

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 14 avril 2011, 09MA02044


Vu la requête, enregistrée le 11 juin 2009, présentée pour Mme Laurence A, élisant domicile ... à Bastia (20600), par Me Leccia ; Mme Laurence A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 16 avril 2009 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté en date du 27 février 2008 par lequel le maire de la commune de Lucciana a procédé au retrait du permis de construire tacite dont elle bénéficiait ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Lucciana la s

omme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administra...

Vu la requête, enregistrée le 11 juin 2009, présentée pour Mme Laurence A, élisant domicile ... à Bastia (20600), par Me Leccia ; Mme Laurence A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 16 avril 2009 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté en date du 27 février 2008 par lequel le maire de la commune de Lucciana a procédé au retrait du permis de construire tacite dont elle bénéficiait ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Lucciana la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

..............................

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré au greffe de la cour le 29 juillet 2010, le mémoire présenté pour la commune de Lucciana par Me Muscatelli ; la commune de Lucciana conclut au rejet de la requête ;

.............................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions, et notamment son article 2 ;

Vu l'arrêté du 27 janvier 2009 pris par le vice-président du Conseil d'Etat autorisant la cour administrative d'appel de Marseille à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mars 2011 :

- le rapport de M. Massin, rapporteur ;

- les conclusions de M. Bachoffer, rapporteur public ;

Considérant que par un jugement du 16 avril 2009, le tribunal administratif de Bastia a rejeté la demande de Mme Laurence A dirigée contre l'arrêté en date du 27 février 2008 par lequel le maire de la commune de Lucciana a procédé au retrait du permis de construire tacite dont Mme Laurence A bénéficiait ; que Mme Laurence A interjette appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que Mme Laurence A avait notamment soulevé en première instance le moyen tiré de la méconnaissance par l'arrêté du 27 février 2008, retirant le permis de construire tacite dont elle bénéficiait, de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ; que le jugement du tribunal administratif de Bastia en date du 16 avril 2009 rejette la demande de Mme Laurence A sans avoir statué sur ce moyen qui n'était pas inopérant ; qu'ainsi, il est irrégulier et, par suite, doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer sur la demande présentée par Mme Laurence A devant le tribunal administratif de Bastia ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.424-5 du code de l'urbanisme : (...) Le permis de construire, d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peut être retiré que s'il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision. Passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire. ; qu'aux termes de l'article R.423-19 du code de l'urbanisme : Le délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet. ; qu'aux termes de l'article R.423-23 du code de l'urbanisme : Le délai d'instruction de droit commun est de : a) Un mois pour les déclarations préalables ; b) Deux mois pour les demandes de permis de démolir et pour les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle, au sens du titre III du livre II du code de la construction et de l'habitation, ou ses annexes ; c) Trois mois pour les autres demandes de permis de construire et pour les demandes de permis d'aménager ; qu'aux termes de l'article R.423-38 du code de l'urbanisme : Lorsque le dossier ne comprend pas les pièces exigées en application du présent livre, l'autorité compétente, dans le délai d'un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie, adresse au demandeur ou à l'auteur de la déclaration une lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou, dans le cas prévu par l'article R.423-48, un courrier électronique, indiquant, de façon exhaustive, les pièces manquantes. ; qu'aux termes de l'article R.423-39 du code de l'urbanisme : L'envoi prévu à l'article R.423-38 précise : a) Que les pièces manquantes doivent être adressées à la mairie dans le délai de trois mois à compter de sa réception ; b) Qu'à défaut de production de l'ensemble des pièces manquantes dans ce délai, la demande fera l'objet d'une décision tacite de rejet en cas de demande de permis ou d'une décision tacite d'opposition en cas de déclaration ; c) Que le délai d'instruction commencera à courir à compter de la réception des pièces manquantes par la mairie. ; qu'aux termes de l'article R.424-1du code de l'urbanisme : A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction déterminé comme il est dit à la section IV du chapitre III ci-dessus, le silence gardé par l'autorité compétente vaut, selon les cas : a) Décision de non-opposition à la déclaration préalable ; b) Permis de construire, permis d'aménager ou permis de démolir tacite. ; qu'aux termes de l'article R.424-2 du code de l'urbanisme : Par exception au b) de l'article R.424-1, le défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction vaut décision implicite de rejet dans les cas suivants : a) Lorsque les travaux sont soumis à l'autorisation du ministre de la défense ou à une autorisation au titre des sites classés ou des réserves naturelles ; b) Lorsque le projet fait l'objet d'une évocation par le ministre chargé des sites ou par le ministre chargé des monuments historiques et des espaces protégés ; c) Lorsque le projet porte sur un immeuble inscrit ou un immeuble adossé à un immeuble classé au titre des monuments historiques (...) ; ; qu'aux termes de l'article R.424-3 du code de l'urbanisme : Par exception au b de l'article R.424-1, le défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction vaut décision implicite de rejet lorsque la décision est soumise à l'accord de l'architecte des bâtiments de France et que celui-ci a notifié, dans le délai mentionné à l'article R.423-67, un avis défavorable ou un avis favorable assorti de prescriptions. ;

Considérant que, lorsque le projet faisant l'objet d'une demande de permis de construire une maison individuelle n'entre dans aucun des cas prévus par les articles du code de l'urbanisme fixant des délais d'instruction différents, un permis tacite naît au profit du pétitionnaire, à défaut de notification d'une décision expresse de l'autorité compétente pour statuer, à l'expiration du délai d'instruction de droit commun de l'article R.423-23 du code de l'urbanisme qui a commencé à courir à compter de la réception en mairie d'un dossier complet ;

Considérant que la notification du délai d'instruction adressée le 18 décembre 2007 par le maire de la commune de Lucciana à Mme Laurence A ne pouvait être fondée sur l'article R.421-19 du code de l'urbanisme dont les dispositions avaient été abrogées à compter du 1er octobre 2007 ; que la mention erronée de ce délai n'a pu avoir aucune incidence sur le délai d'instruction commun fixé pour les maisons individuelles à deux mois par l'article R.423-23 du code de l'urbanisme ;

Considérant que le maire aurait pu justifier la prolongation à trois mois de ce délai par la consultation de services que les particularités de l'instruction du dossier aurait rendu nécessaire ; que, toutefois, la seule mention de cette nécessité, sans citer les consultations estimées nécessaires et sans en produire de justificatifs, alors que le refus de permis de construire ne vise aucune consultation, ne permettait pas au maire de prolonger discrétionnairement ce délai à trois mois ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'un permis tacite est né au profit de Mme Laurence A le 14 février 2008, à l'expiration du délai de deux mois à compter de la réception en mairie le 14 décembre 2007 d'un dossier complet ; que, par suite, l'arrêté attaqué du 27 février 2008 doit être regardé comme procédant au retrait de cette autorisation ; que, pour être régulier, ce retrait, qui devait intervenir dans le délai prescrit par l'article L.424-5, ne pouvait porter que sur un permis de construire tacite illégal, et, le cas échéant, après qu'ait été respectée la procédure contradictoire prévue par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, sauf à ce que le maire soit tenu de procéder à ce retrait ou qu'une situation d'urgence ou des circonstances exceptionnelles ne l'en dispensent ;

Considérant qu'aux termes de l'article UA 11 du règlement du plan d'occupation des sols : Les constructions doivent respecter l'harmonie créée par les bâtiments existants et le site. Les couvertures seront en lauze, à l'exception des couvertures existantes exécutées en d'autre matériaux. Toutes les toitures devront être, autant que faire se peut, de couleur grise. Les enduits de couleur blanche sont interdits. Les abus d'arcades en façades sont déconseillés. Une attention particulière sera apportée au traitement entre la rue et l'entrée de l'habitation. Il devra être présenté les photos permettant de juger, suivant différents angles, de l'intégration correcte du projet dans le plan d'épanelage des constructions de l'agglomération. Les styles régionaux ne relevant pas de la région sont proscrits, en particulier le style néo-provençal ; qu'il ressort des pièces du dossier et notamment de la photographie présentant la façade sud de la maison de Mme Laurence A, que cette construction est encastrée entre deux maisons qui la dépassent d'une hauteur équivalent au moins à un étage ; que les précisions apportées par la pétitionnaire sur le formulaire de demande de permis de construire indiquent : le crépi sera apparent avec pierres sur le modèle et le coloris de l'église du village ; volets coloris vert ; rampe terrasse fer forgé ; cette maison sera restaurée à l'usu anticu (...) ; ; que le permis de construire tacite en litige, qui respecte l'harmonie créée par les bâtiments existants et le site ne méconnaît pas l'article UA 11 du règlement du plan d'occupation des sols comme le lui reproche l'arrêté attaqué ; que, dès lors qu'il n'était pas illégal, le maire ne pouvait procéder à son retrait ;

Considérant, au surplus, qu'en l'absence d'une situation d'urgence ou de circonstances exceptionnelles, le maire de Lucciana ne pouvait, en tout état de cause, contrairement à ce qu'il a fait, procéder à ce retrait sans respecter la procédure contradictoire prévue par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

Considérant que, pour l'application de l'article L.600-4-1 du code de l'urbanisme, en l'état du dossier soumis à la cour, aucun autre moyen n'est susceptible d'entraîner l'annulation de l'arrêté en date du 27 février 2008 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Lucciana une somme de 1 500 euros à payer à Mme Laurence A au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bastia en date du 16 avril 2009 est annulé.

Article 2 : L'arrêté en date du 27 février 2008, par lequel le maire de la commune de Lucciana a procédé au retrait du permis de construire tacite dont Mme Laurence A bénéficiait, est annulé.

Article 3 : La commune de Lucciana versera à Mme Laurence A une somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Laurence A et à la commune de Lucciana.

''

''

''

''

N° 09MA020442


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09MA02044
Date de la décision : 14/04/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Légalité interne du permis de construire.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Régime d'utilisation du permis - Retrait du permis.


Composition du Tribunal
Président : M. LAMBERT
Rapporteur ?: M. Olivier MASSIN
Rapporteur public ?: M. BACHOFFER
Avocat(s) : LECCIA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-04-14;09ma02044 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award