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18/01/2011 | FRANCE | N°08MA04004

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 18 janvier 2011, 08MA04004


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 29 août 2008, présentée par la SCP d'avocats Le Bret-Desache pour M. Léon A, demeurant les ... ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703480 du 1er juillet 2008 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 24 352,80 euros augmentée des intérêts au taux légal, ensemble la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité

de 24 352,80 euros augmentée des intérêts au taux légal et du produit de leur cap...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 29 août 2008, présentée par la SCP d'avocats Le Bret-Desache pour M. Léon A, demeurant les ... ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703480 du 1er juillet 2008 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 24 352,80 euros augmentée des intérêts au taux légal, ensemble la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 24 352,80 euros augmentée des intérêts au taux légal et du produit de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites ;

Vu le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 instituant une aide financière en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre exceptionnel, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 novembre 2010 :

- le rapport de M. Brossier, rapporteur,

- les conclusions de M. Dubois, rapporteur public ;

Considérant que le décret susvisé du 13 juillet 2000 a institué une mesure de réparation prenant la forme d'une indemnité en capital ou d'une rente viagère, en faveur de toute personne dont la mère ou le père a été déporté à partir de la France dans le cadre des persécutions antisémites durant l'Occupation et a trouvé la mort en déportation lorsqu'elle était mineure de vingt et un ans au moment où la déportation est intervenue ; que le décret du 27 juillet 2004 a, quant à lui, institué une mesure de réparation similaire en faveur des personnes mineures au moment des faits, dont la mère ou le père a été déporté à partir du territoire national, durant l'Occupation pour les motifs et dans les conditions mentionnées aux articles L. 272 et L. 286 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et a trouvé la mort en déportation, ainsi qu'en faveur des personnes, mineures de vingt et un ans au moment des faits, dont le père ou la mère a, durant l'Occupation, été exécuté dans les circonstances définies aux articles L. 274 et L. 290 du même code ;

Considérant que le Premier ministre a accordé à M. A, sur le fondement des dispositions du décret du 27 juillet 2004, une aide sous forme de rente viagère à compter du 1er septembre 2004 ; que celui-ci demande réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait qu'il n'a pu bénéficier de l'aide qu'à compter de cette date, alors que les bénéficiaires du décret du 13 juillet 2000 ont, quant à eux, obtenu réparation dès l'entrée en vigueur de ce décret,

ce qui constituerait à ses yeux une différence de traitement injustifiée et méconnaîtrait ainsi

l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958, l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958: La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion (...) ; qu'aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ; et qu'en vertu des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens./ Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer 1'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. ;

Considérant que ni les dispositions précitées de la Constitution, ni les stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention, ne s'opposent à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations objectivement différentes, ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit, dans l'un comme l'autre cas, en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier ;

Considérant que les personnes tombant sous le coup des mesures antisémites pendant l'Occupation de la France ont fait l'objet, sur cette période, d'une politique d'extermination systématique qui s'étendait même aux enfants ; qu'ainsi, eu égard à l'objet de la mesure qu'il avait décidée, le gouvernement a pu, sans méconnaître le principe constitutionnel d'égalité, ni la prohibition des discriminations fondées sur la race, regarder les mineurs dont le père ou la mère a été déporté dans le cadre des persécutions antisémites pendant l'Occupation comme placés dans une situation objectivement différente de celle des orphelins des déportés politiques ou résistants ; que la différence de traitement pratiquée au bénéfice des premiers, qui ne touche qu'à l'application dans le temps du bénéfice de la réparation, une réparation financière analogue ayant été accordée aux seconds quatre ans plus tard, n'est pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier, et des situations particulières dans lesquelles ils se sont trouvés ; que, par suite, l'Etat n'a pas commis de faute en refusant de verser à l'appelant une rente viagère à compter de l'année 2000, l'intéressé bénéficiant de la réparation instituée par le décret du 27 juillet 2004 dont l'article 5 prévoit le versement de la rente à compter du premier jour du mois suivant celui au cours duquel la demande a été reçue ; qu'il ne peut, dès lors, être accordé à l'appelant aucune indemnisation de ce chef ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a refusé de faire droit à sa demande d'indemnisation ; que l'Etat n'étant pas, en l'espèce, la partie perdante, les conclusions de l'appelant tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Léon A et au premier ministre.

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N° 08MA040042


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08MA04004
Date de la décision : 18/01/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste BROSSIER
Rapporteur public ?: M. DUBOIS
Avocat(s) : SCP LE BRET - DESACHE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-01-18;08ma04004 ?
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