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17/01/2011 | FRANCE | N°08MA00362

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 17 janvier 2011, 08MA00362


Vu I°), sous le n° 0800362, la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 25 janvier 2008, présentée pour la VILLE DE CANNES, représentée par son maire, par la Selarl Soler-Couteaux/Llorens ;

La VILLE DE CANNES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0604714 du 19 octobre 2007 par lequel le Tribunal Administratif de Nice a, d'une part, ordonné une expertise afin d'apprécier le préjudice subi par la société Eurest France du fait de la résiliation de la convention de délégation de service public en date du 28 juille

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Vu I°), sous le n° 0800362, la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 25 janvier 2008, présentée pour la VILLE DE CANNES, représentée par son maire, par la Selarl Soler-Couteaux/Llorens ;

La VILLE DE CANNES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0604714 du 19 octobre 2007 par lequel le Tribunal Administratif de Nice a, d'une part, ordonné une expertise afin d'apprécier le préjudice subi par la société Eurest France du fait de la résiliation de la convention de délégation de service public en date du 28 juillet 1994, par laquelle elle a délégué à la société Eurest France la gestion du service public de la restauration scolaire et municipale de la ville et, d'autre part, rejeté les conclusions présentées par Eurest France tendant à la condamnation de la Ville de CANNES à réparer le préjudice qu'elle a subi résultant du paiement des loyers de crédit bail versés du 1er septembre 2003 au 31 août 2004 à la société Cinergie en vertu d'une convention en date du 10 octobre 1994 ;

2°) de réformer le jugement afin que l'expert apprécie le préjudice subi sur le fondement de l'enrichissement sans cause ;

3°) d'étendre la mission de l'expert afin qu'il détermine la nature et le montant des investissements financés par recours au crédit-bail auprès de la société Cinergie ;

........................................................................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers, notamment le rapport d'expertise déposé au greffe du Tribunal administratif de Nice le 31 mars 2009 ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 décembre 2010 :

- le rapport de Mme E. Felmy, rapporteur,

- les conclusions de M. Marcovici, rapporteur public,

- et les observations de Me Llorens représentant la Ville de CANNES, et les observations de Me Seng représentant la société Compass Group France ;

Considérant que les requêtes n° 0800362 et n° 1001410 présentées pour la VILLE DE CANNES sont dirigées contre les jugements par lesquels le tribunal administratif de Nice a retenu la responsabilité contractuelle de la ville de CANNES du fait de la résiliation de la convention de concession de la restauration scolaire et municipale, signée le 28 juillet 1994 pour une durée de quinze ans à compter de la mise en service de la cuisine centrale et des points de distribution, avec la société anonyme Eurest France et évalué le préjudice de cette dernière ; qu'elles présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Considérant que par la convention susmentionnée, la commune de CANNES a délégué à la société Eurest France la conception, la construction et l'équipement d'une cuisine centrale, ainsi que la gestion du service public de la restauration scolaire et municipale de la ville ; que cette convention prévoyant la possibilité pour le concessionnaire de recourir au crédit-bail pour le financement de la cuisine centrale, une convention d'occupation du domaine public et une convention de crédit-bail relative au financement de l'ensemble des investissements nécessaires à la gestion du service public ont été conclues les 4 août et 10 octobre 1994 entre la ville, la société Eurest et la société Cinergie ; que le 17 février 2003, le conseil municipal de CANNES a décidé de prononcer la résiliation de la convention pour un motif d'intérêt général ; que par un jugement avant dire droit en date du 19 octobre 2007, le tribunal administratif de Nice a refusé de constater l'irrégularité de la convention ainsi que le lui demandait la ville de CANNES, a admis la responsabilité contractuelle de la ville, a refusé de voir un lien de causalité entre un manquement de la Ville de CANNES et le préjudice résultant du versement des loyers de crédit bail par la société Eurest France du 1er septembre 2003 au 31 août 2004 à la société Cinergie, et a enfin ordonné une expertise afin d'apprécier le préjudice subi par la société Eurest France du fait de la résiliation de cette convention de délégation de service public ; que l'expert désigné par le tribunal, M. Jean-Marie Verrando, a reçu pour mission notamment de déterminer le montant des investissements et renouvellements de matériels et équipements effectués par la société Eurest France sur fonds propres, et non amortis à la date de la résiliation de la convention litigieuse, les bénéfices dont a été privée la société Eurest France du fait de cette résiliation et le préjudice commercial que lui a occasionné cette résiliation ; que ce rapport a été déposé au greffe du tribunal administratif de Nice le 31 mars 2009 ; que par jugement du 30 décembre 2009, le tribunal administratif de Nice a condamné la Ville de CANNES à verser à la société Compass Group France venant aux droits de la société Eurest la somme de 1 254 154 euros en réparation de son préjudice ;

Sur la régularité des jugements attaqués :

Considérant, d'une part, que les premiers juges ont, par le jugement avant dire droit attaqué, relevé que la convention en cause n'était pas entachée de nullité en écartant tous les moyens qui avaient été invoqués à cet effet ; qu'il ne ressort pas des mémoires produits en première instance par la ville que celle-ci ait invoqué le moyen tiré de l'absence, dans la convention litigieuse, de stipulation fixant le tarif des redevances dues par les usagers ;

Considérant, d'autre part, que si la Ville soutient que les premiers juges n'ont pas répondu à la demande d'expertise complémentaire afin de déterminer la valeur des prestations effectuées par la société DPL tant sur la cuisine centrale que sur les points de distribution, ces derniers ont estimé que la ville de CANNES ne contestait pas que l'équipement frigorifique en cause a été livré et installé, et n'apportait aucun élément de nature à permettre de chiffrer cet investissement à un montant autre que celui résultant de la facture litigieuse, de sorte qu'il y avait lieu dans ces conditions de prendre en compte le montant de ladite facture pour chiffrer les investissements réalisés par la société Eurest France et les amortissements correspondant ; que, dans ces conditions, en accueillant la demande d'indemnisation portant sur cette facture et en rejetant implicitement la demande d'expertise complémentaire précitée, les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'une omission à statuer ;

Sur les conclusions de la Ville de CANNES :

En ce qui concerne la validité de la convention :

Considérant que par la convention du 28 juillet 1994 précitée, la société Eurest France a été chargée de financer et de construire une cuisine centrale ainsi que de préparer et de livrer les repas aux différents points de distribution scolaires et municipaux ; qu'elle a obtenu l'autorisation de produire des repas destinés à d'autres personnes de droit public ou à des organismes privés sans but lucratif chargés d'une mission de service public ; que le prix des repas a été fixé sur la base d'un nombre annuel de 750 000 repas ; que la rémunération de la société a résulté des tarifs, non fixés dans le contrat lui-même, des repas payés par les usagers du service scolaire et municipal, la ville prenant en charge la différence entre ces redevances versées par les usagers et le prix unitaire des repas et, à certaines conditions, les impayés ; qu'au cas où le nombre de repas fabriqués en cuisine centrale se serait révélé inférieur au nombre annuel de repas prévus, aucune redevance n'était perçue sur les repas fabriqués pour les tiers ; qu'en revanche, au cas où les repas aurait excédé le nombre de 750 000, la société devait verser une redevance de 10% du chiffre d'affaires hors taxes sur les repas préparés pour les tiers ; que le contrat contient une clause de révision du prix en cas de variation de 20% du nombre effectif de repas produits pour le service public de restauration scolaire et municipale par rapport au nombre de repas de référence ;

Considérant que la Ville de CANNES soutient que le contrat en litige doit être qualifié de marché et non de délégation de service public, de sorte que la nullité qui serait ainsi constatée en raison des irrégularités de procédure ayant précédé sa conclusion et de l'erreur sur la nature du contrat, ferait obstacle à l'indemnisation, sur le fondement contractuel, du préjudice que la société cocontractante a subi du fait de la résiliation dudit contrat ;

Considérant que les parties à un contrat administratif peuvent, à l'occasion d'un litige relatif à l'application de ce contrat, invoquer sa nullité ; qu'il appartient alors au juge, lorsqu'il constate l'existence d'irrégularités, d'en apprécier l'importance et les conséquences, après avoir vérifié que les irrégularités dont se prévalent les parties sont de celles qu'elles peuvent, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, invoquer devant lui ; qu'il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité commise et en tenant compte de l'objectif de stabilité des relations contractuelles, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues entre les parties, soit de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, la résiliation du contrat ou, en raison seulement d'une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, son annulation ;

Considérant qu'il est constant que la délibération portant approbation de la délégation de service public était irrégulière en l'absence de consultation du comité technique paritaire ; que, toutefois, ce vice tenant aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement ne saurait être regardé, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles rappelée ci-dessus, comme étant d'une gravité telle que le juge doive écarter le contrat et que le litige qui oppose les parties ne doive pas être tranché sur le terrain contractuel ; que si la Ville fait état de son incompétence à déléguer, par la convention litigieuse, des prestations relevant de la responsabilité d'autres personnes morales, et de ce que son consentement aurait été vicié du fait d'une éventuelle surévaluation de la part d'investissement incluse dans le prix des repas, l'exigence de loyauté des relations contractuelles fait obstacle à ce qu'elle puisse utilement s'en prévaloir alors qu'elle ne s'est jamais opposée pendant neuf années à l'exécution de ce contrat ; que, par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que le contrat en litige présenterait un contenu illicite ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en résiliant le contrat pour un motif d'intérêt général, la Ville de CANNES était tenue par les clauses de ce contrat fixant les conditions financières d'une telle résiliation ; qu'elle n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement avant-dire-droit attaqué, le Tribunal Administratif de Nice a retenu la responsabilité de la commune sur ce fondement ;

En ce qui concerne la mission de l'expert :

Considérant que le 10 octobre 1994, la société Eurest et la société Cinergie ont conclu un contrat de crédit-bail relatif au financement de l'ensemble des investissements nécessaires à la gestion du service public ci-dessus désigné, lequel prévoyait des droits et obligations à l'égard de la ville de CANNES et notamment dans l'hypothèse d'une rupture anticipée du contrat de concession ; qu'en vertu de l'article 16.2 de la convention du 28 juillet 1994, la ville doit dans cette dernière hypothèse, prendre en charge les obligations issues du crédit-bail et en cas d'absence de substitution au concessionnaire, indemniser la société Cinergie du montant prévu au contrat de crédit-bail ; que la Ville soutient que la mission de l'expert devait être étendue à l'évaluation du montant des investissements financés par la société concessionnaire par recours au crédit-bail afin de vérifier qu'elle ne l'aurait pas contrainte à prendre en charge, à la suite de la résiliation de la convention, un crédit bail pour des investissements étrangers au service public ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, la convention conclue en juillet 1994 doit s'appliquer, de sorte que le moyen tiré de son éventuelle nullité ne peut qu'être écarté ; qu'en vertu de l'article 53 de cette convention, l'indemnité de résiliation ne peut porter que sur les matériels financés par le concessionnaire hors recours au crédit-bail, dont l'étendue a été examinée par l'expert et dont la nature est justifiée par les pièces du dossier sans contestation sérieuse de la part de la Ville ; que la société Eurest a d'ailleurs demandé l'indemnisation des biens non amortis financés sur ses fonds propres, prévue à la convention et a abandonné ses demandes relatives aux biens financés par recours au crédit-bail, de sorte que les conclusions à fin d'extension de la mission d'expertise présentées par la Ville de CANNES se rapportent exclusivement au litige qui l'oppose à la société Cinergie, porté devant le juge judiciaire ; que les conclusions de la ville sur ce point ne peuvent dès lors qu'être rejetées ;

Sur le préjudice de la société EUREST :

Considérant que l'article 53 de la convention litigieuse stipule : La ville peut mettre fin au contrat au terme de chaque année scolaire pour des motifs d'intérêt général... Dans ce cas, le concessionnaire a droit à l'indemnisation intégrale du préjudice subi, du fait de la seule activité principale objet de l'article 3 du présent contrat. Les indemnités dues correspondent notamment aux éléments suivants : - bénéfices raisonnables prévisionnels - part non amortie sur la base d'un amortissement financier des investissements et renouvellements des matériels et équipements effectués par le concessionnaire en accord avec la ville, autres que ceux financés par crédit-bail pour lesquels s'appliquent les dispositions des articles 16 et 17 du présent contrat ;

En ce qui concerne l'indemnité de résiliation due au titre des investissements et renouvellements de matériels et équipements non amortis :

Considérant, en premier lieu, que si la Ville de CANNES soutient que l'indemnité correspondant aux investissements non amortis par le concessionnaire doit être limitée à la part de l'activité de ce dernier consacrée au service public, à l'exclusion de l'activité de production de repas à des tiers, soit 82,37 % de l'ensemble de son activité, il résulte du rapport d'expertise que l'activité principale de la société a nécessité la totalité des investissements réalisés par elle, indépendamment de l'activité au bénéfice de tiers qu'elle a poursuivie et alors même que les installations du service auraient été conçues dès l'origine pour en permettre l'exercice ; qu'ainsi, par les moyens qu'elle invoque, la Ville de CANNES ne conteste pas utilement l'avis de l'expert précité et n'est pas fondée à soutenir que l'indemnisation de son concessionnaire devrait être réduite à hauteur de la part de son activité dévolue au service public ;

Considérant, en deuxième lieu, que la Ville soutient qu'elle n'a pas donné son accord en ce qui concerne le remplacement, à brève échéance, de matériel de récupération provenant d'autres cuisines ; qu'il résulte toutefois de l'instruction, et notamment de l'attitude de la ville après la réception des comptes-rendus techniques produits par la société, lesquels précisent les investissements réalisés, que la ville n'a pas remis en cause le remplacement du matériel précité alors même qu'elle était en mesure de le contrôler ; qu'elle doit par suite être regardée comme ayant donné son accord pour la réalisation des investissements en cause ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que la facture DPL en date du 15 décembre 1995 d'un montant de 306 422,52 euros HT correspondant à des équipements frigorifiques ne comporte aucun détail des éléments et prix facturés et des prestations réalisées ; que, toutefois, cette dépense a été comptabilisée dans les dépenses d'Eurest en application du contrat conclu entre cette société et la société DPL, et a été attestée par le gérant de la société DPL le 3 juillet 2009 ; que la ville de CANNES, qui ne conteste pas que l'équipement frigorifique en cause a été livré et installé, n'établit pas la surévaluation du montant de la facture qu'elle allègue ; que, par suite, la totalité du montant de cette facture doit être prise en compte et la demande d'expertise formée par la Ville afin d'évaluer la valeur de cet équipement doit être rejetée ;

Considérant, en quatrième lieu, que l'indemnité de résiliation due au concessionnaire prévu par l'article 53 de la convention est calculée sur la base d'un amortissement financier des investissements et renouvellements des matériels et équipements du cocontractant ; qu'en application de cette clause, l'expert désigné par le tribunal a calculé cette part selon une méthode de calcul financier et non comptable et a considéré que pour calculer la part non amortie des investissements, il convenait d'affecter leur montant d'un taux d'intérêt représentatif du gain financier que la société aurait réalisé en plaçant les sommes correspondantes ; que la ville ne critique pas le choix de cette méthode ni la circonstance que l'activité de la société a nécessité la totalité des investissements réalisés par elle ; que la circonstance que la société n'ait pas eu recours à l'emprunt est sans influence sur ce mode de calcul ; qu'ainsi, la ville de CANNES n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé qu'il y avait lieu d'appliquer aux investissements réalisés par la société Eurest France, aux droits de laquelle vient la société Compass Group, le taux des emprunts d'Etat proposé par l'expert ;

Considérant, en cinquième lieu, que la convention de délégation de service public conclue entre la ville de CANNES et la société Eurest France prévoit en son article 3 portant sur le prix des repas de la restauration scolaire et municipale, une décomposition du prix unitaire des repas avec une composante investissements ; que la ville de CANNES soutient que le montant perçu au titre de la part investissements du prix du repas durant l'exécution de la convention est supérieur aux investissements réalisés tant sur fonds propres que par financement par crédit bail par la société Eurest France et demande dès lors à la société Compass Group, d'une part, de déduire cette somme du montant de l'indemnité allouée au titre de la part non amortie des investissement et, d'autre part, par des conclusions reconventionnelles, de lui restituer la différence ;

Considérant toutefois qu'il ne résulte pas des termes de la convention litigieuse que la part relative à l'investissement incluse dans le repas, d'ailleurs pour partie prélevée sur les usagers, devrait être reversée à la ville en cas de résiliation anticipée ou déduite de l'indemnité relative à la part non amortie des investissements allouée au cocontractant ; que le mode d'évaluation du prix du repas entre diverses composantes ainsi prévu dans le contrat n'impliquait pas l'affectation de la somme prélevée dans un compte d'investissement et est par suite sans conséquence sur les droits des parties en cas de rupture anticipée de la convention ; qu'aucune clause du contrat n'exigeait que la part du prix relative à la composante investissement soit en adéquation avec le montant des investissements effectivement réalisés ; que la ville de CANNES n'est dès lors pas fondée à demander la déduction de la somme correspondant au total de la part investissement du prix des repas collecté par la société de l'indemnité de résiliation ni la condamnation de la société Compass Group à lui reverser les sommes perçues au motif que le délégataire n'aurait pas effectué les investissements à hauteur du montant résultant de la composante investissement du prix unitaire des repas ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Ville de CANNES n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice l'a condamnée au paiement d'une indemnité de résiliation au bénéfice de son cocontractant et a rejeté ses conclusions reconventionnelles ;

En ce qui concerne les bénéfices raisonnables prévisionnels dus au titre de l'indemnité de résiliation :

Considérant qu'aux termes des articles 44 et suivants de la convention en litige : Article 44 comptes rendus annuels Pour permettre à la ville de suivre et contrôler le fonctionnement du service public, le concessionnaire fournit chaque année, dans un délai de six mois après la fin de chaque exercice, un compte-rendu technique et un compte-rendu financier... 44-2 compte rendu financier Ce document retrace pour le service concédé les conditions économiques générales de l'année d'exploitation. Il présente les comptes de la concession tenus de façon individualisée au sein de la comptabilité du concessionnaire. Il précise - en dépenses, le détail par nature des charges de matière première (denrées) de fonctionnement (personnel, entretien et réparations) et des charges d'investissement et leur évolution par rapport à l'exercice antérieur. - en recettes, le détail des recettes d'exploitation réparties suivant leur type et leur évolution par rapport à l'exercice antérieur ; pour les recettes provenant des activités annexes, il précise les quantités de repas servis à des tiers et l'identité de ces derniers. (...) Article 46 : Contrôles effectués par la ville La ville a le droit de contrôler les renseignements donnés dans les comptes rendus techniques et financiers. A cet effet, ses agents accrédités peuvent procéder sur place et sur pièces à toute vérification utile pour s'assurer du fonctionnement du service dans les conditions du présent contrat et prendre connaissance de tous documents techniques, comptables ou autres, nécessaires à l'accomplissement de leur mission... ; qu'eu égard à l'évolution de tendance sur les deux dernières années d'exécution de la convention de délégation de service public, l'expert a proposé une projection à partir d'une moyenne non pondérée de recettes sur les quatre derniers exercices, dont il résulte que les bénéfices sur la durée du contrat restant à courir à la date de la résiliation auraient été négatifs ; qu'en soutenant que l'expert a procédé à des évaluations contestables de divers postes comptables et n'aurait pas dû appliquer un coefficient de probabilité de réalisation de 0,8, la société Compass Group ne conteste pas sérieusement l'analyse de l'expert ; que, par suite, ses conclusions d'appel incident formées contre le jugement du 30 décembre 2009 ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Compass Group France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal Administratif de Nice a limité le montant de l'indemnité de résiliation à la somme de 1 254 154 euros ;

En ce qui concerne le remboursement des loyers de crédit-bail :

Considérant que la société conclut, par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement du 19 octobre 2007 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de la Ville de CANNES à lui verser une somme au titre des loyers de crédit-bail versés du 1er septembre 2003 au 31 août 2004 à la société Cinergie et à la condamnation de la Ville au versement de la somme de 256 049,12 euros, assortie des intérêts aux taux légaux et de leur capitalisation et soutient que sur le fondement de l'enrichissement sans cause, il importe peu qu'elle ait été contrainte ou non de payer les loyers de crédit-bail pour le compte de la ville de CANNES postérieurement à la résiliation de la convention dès lors que la ville était informée de ce qu'elle continuait à payer les loyers de crédit-bail pour son compte postérieurement à la résiliation de la convention et que ces dépenses ont été utiles à la commune ;

Considérant que le cocontractant de l'administration dont le contrat a été résilié peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé, dès lors que cette collectivité a consenti à la poursuite de l'exécution du contrat ;

Considérant qu'en vertu de l'article 16.2 de la convention litigieuse, la Ville devait prendre en charge les obligations issues du crédit-bail ou indemniser la société Cinergie du montant prévu au contrat de crédit-bail ; qu'elle n'ignorait donc pas qu'elle était redevable des loyers à cette société ; qu'il résulte de l'instruction que la société Eurest a toutefois continué à payer à la société Cinergie les loyers pour la période comprise entre le 1er septembre 2003 et le 31 août 2004, alors même que la convention du 28 juillet 1994 était résiliée et que la Ville avait décidé de lever par anticipation l'option d'achat du crédit-bail ; que si la société Eurest a poursuivi irrégulièrement l'exécution du contrat en dépit de sa résiliation, la Ville a elle-même consenti à ce suivi d'exécution en continuant notamment d'utiliser les équipements de la société Eurest ; que la Ville ne soutient pas que ces mensualités n'auraient pas été prises en compte au titre de l'indemnité de rachat due par la Ville de CANNES à la société Cinergie ; que, dans ces conditions, la société Compass Group France est fondée à demander l'indemnisation des dépenses utiles ainsi exposées au bénéfice de la Ville de CANNES ; que, par suite, il y a lieu de condamner la Ville de CANNES à rembourser à la société Compass Group France la somme non contestée de 256 049,12 euros au titre de ces loyers, de réformer le jugement du 19 octobre 2007 en ce qu'il rejette la demande reconventionnelle présentée par la société Eurest, et de porter, en conséquence, à 1 510 203,12 euros la somme que, par son jugement du 30 décembre 2009, le Tribunal administratif de Nice a condamné la commune de CANNES à verser à la société Compass Group France, venant aux droits de la société Eurest ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Compass Group France, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la ville de CANNES au titre des frais qu'elle a supportés et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas davantage lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société au titre des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La commune de CANNES est condamnée à verser à la société Compass Group venant aux droits de la société Eurest la somme de 1 510 203,12 euros.

Article 2 : Les jugements du Tribunal Administratif de Nice des 19 octobre 2007 et 30 décembre 2009 sont réformés en ce qu'ils ont de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la VILLE DE CANNES et de la société Compass Group France est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la VILLE DE CANNES, à la société Compass group France venant aux droits de la société Eurest France et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

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N° 08MA00362,10MA01410


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08MA00362
Date de la décision : 17/01/2011
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: Mme Emilie FELMY
Rapporteur public ?: M. MARCOVICI
Avocat(s) : SELARL SOLER - COUTEAUX-LLORENS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-01-17;08ma00362 ?
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