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01/12/2009 | FRANCE | N°07MA00546

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 01 décembre 2009, 07MA00546


Vu la requête, enregistrée le 16 février 2007, présentée pour M. Pierre A, demeurant ...), par Me Georges ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0300037 du 16 novembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux cotisations sociales, ainsi que des pénalités y afférentes, auxquelles il a été assujetti au titre des années 1997 et 1998 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;
>3) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 ...

Vu la requête, enregistrée le 16 février 2007, présentée pour M. Pierre A, demeurant ...), par Me Georges ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0300037 du 16 novembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux cotisations sociales, ainsi que des pénalités y afférentes, auxquelles il a été assujetti au titre des années 1997 et 1998 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

...............................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative et l'arrêté d'expérimentation du vice-président du Conseil d'Etat du 27 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 novembre 2009,

- le rapport de Mme Haasser, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Emmanuelli , rapporteur public ;

Considérant que M. A a fait l'objet, pour l'année 1997, d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle et, pour l'année 1998, d'un contrôle sur pièces de son dossier fiscal ; qu'au terme de ces contrôles, l'administration l'a imposé, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, à raison des avantages occultes que lui a procurés l'une des sociétés qu'il dirige au sein du groupe constitué par la SA APR Consultants, la SARL Setotel et la SCI APR Immobilier ; qu'il demande, dans le cadre de la présente instance, la décharge des droits supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui ont été mis à sa charge ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'ainsi que le relève le jugement, la SCI APR Immobilier, dont M. A est associé-gérant, a souscrit, le 29 mars 1989, auprès du Crédit d'équipement des petites et moyennes entreprises (CEPME), un emprunt de 7 900 000 F afin de financer la construction d'un hôtel sur le territoire de la commune de Sète ; que l'immeuble, une fois édifié, a été donné en location, en vue de son exploitation à la SARL Setotel, laquelle n'a toutefois pu régler les loyers dus à la SCI ; qu'afin que la SCI puisse honorer les échéances de remboursement du prêt CEPME, M. A a versé des sommes, s'élevant au moment des faits à 3 614 000 F, sur un compte courant ouvert chez la SCI ; que l'absence de rentabilité de l'investissement se prolongeant, les parties se sont entendues pour procéder à la cession, le 24 octobre 1996, pour le franc symbolique, de l'intégralité des parts de la SCI APR Immobilier au profit des consorts Charbonnel, repreneurs ; que cette cession emportait désintéressement du CEPME, ainsi que le prévoit un protocole d'accord en date du 31 juillet 1996, moyennant la résiliation, intervenue le 22 juillet 1996, du bail commercial conclu entre la SCI et la SARL Setotel, laquelle a cessé, par suite, son exploitation ; qu'ainsi, qu'il le reconnaît dans sa réponse à une notification et dans son mémoire de première instance, le requérant a dû renoncer, en exécution de la cession de parts du 24 octobre 1996, à sa créance de compte courant envers la société civile immobilière, le cessionnaire des parts de la SCI APR Immobilier ayant été subrogé dans ses droits sur le compte courant dont il s'agit ;

Considérant qu'aux termes d'un accord du 26 juin 1996, antérieur aux protocoles susvisés, M. A, la SA APR, la SAR Setotel et la SCI APR ont convenu que la SA APR prendra en charge à hauteur de 7 MF le passif de Setotel, celle-ci s'engageant à renoncer à son bail pour être dégagée de toute obligation, notamment de paiement de loyers, envers la SCI, et que la SA APR versera une somme de 2 750 000 F avant le 30 septembre 1997 pour permettre à la SARL Setotel de se libérer au moins partiellement de ses engagements à l'égard de la SCI APR ; que quelques jours plus tard, le 2 juillet 1996, la SCI APR Immobilier, qui était créancière de la SARL Setotel à concurrence du montant des loyers demeurés impayés, a délégué son débiteur à M. A, dans la mesure où le requérant était créancier envers elle d'une somme de 3 614 000 F correspondant à ses apports en compte courant ;

Considérant que, nonobstant la cession intervenue fin octobre 1996, la SARL Setotel a constaté, dans ses écritures comptables, l'existence d'une dette envers le requérant et a procédé, au cours des années 1997 et 1998, au remboursement de la somme de 3 864 000 F, en deux versements d'un montant respectif de 2 750 000 F et 1 114 000 F, au moyen de fonds qui lui avaient été transférés par la SA APR Consultants en exécution du protocole du 26 juin 1996 ; que l'administration a estimé que la SA APR Consultants, qui détenait la quasi-totalité des parts de la SARL Setotel, ne tirait aucune contrepartie du règlement de la somme en litige, et avait, en fait, entendu accorder à M. A un avantage occulte en lui permettant de disposer d'une somme équivalente à celle à laquelle il avait dû renoncer sur la SCI APR Immobilier ; qu'elle a, en conséquence, imposé entre ses mains le montant litigieux sur le fondement de l'article 111 c du code général des impôts ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que M. A soutient que le tribunal a modifié la motivation du rappel en regardant les avantages occultes comme accordés par la SA APR et non par la SARL Setotel, contrairement à la motivation de la notification de redressements ; que la notification, produite en appel, énonce que la SA APR (vérifiée parallèlement ainsi que la SARL) a déduit à titre de charges, les participations aux pertes dans la société Setotel pour les montants de 2 750 000 F fin 1996 et 2 470 143 F fin 1997 ; ces décisions ont été confirmées par les versements effectués à la SARL Setotel, de 2 750 000 F en octobre 1997 et 2 450 000 F en février 1998 ; à ces mêmes dates, la SARL Setotel vous a reversé immédiatement les fonds perçus à hauteur de la délégation de créance (2 750 000 F et 1 114 000 F)... ; qu'il suit de là que dès la notification de redressements, l'administration a indiqué que les fonds provenaient de la SA, puis avaient transité par la SARL avant d'être versés à M. A ; que le jugement, pour examiner la cause des transferts de fonds de la SA vers la SARL, et les actes passés, s'est borné à relater ces différentes étapes et en a conclu que ces versements effectués par société interposée constituaient un avantage occulte accordé à M. A ; que, par suite, le jugement n'est pas en contradiction avec la motivation de la notification ; qu'il ne peut être considéré comme irrégulier ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant que M. A soutient que l'administration aurait dû mettre en oeuvre la procédure de l'article L.64 du livre des procédures fiscales pour critiquer la délégation de paiement du 2 juillet 1996 : qu'aux termes dudit article :Ne peuvent être opposés à l'administration, les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : (...) qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus (...). L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité dont les avis rendus feront l'objet d'un rapport annuel. Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification. ; qu'il résulte de ces dispositions que l'administration sera regardée comme ayant entendu se fonder sur la procédure des abus de droit seulement si sa démarche a eu pour objet soit de démontrer que les actes juridiques critiqués sont fictifs, soit qu'ils ont pour seul but d'éluder les impositions dont était passible l'opération réelle ;

Considérant que l'administration a fondé son redressement sur l'existence d'un acte anormal de gestion motivé par l'extinction, au moment des versements de 1997 et 1998, de la dette de loyers de la SARL Setotel, ainsi que par la circonstance que le versement litigieux opéré par la SA APR Consultants était dépourvu pour celle-ci de tout intérêt commercial ou financier ; que si le service fait référence à l'existence d'un montage juridique, il ne prétend pas que celui-ci répondrait à un objectif purement fiscal, puisque, bien au contraire, il fait valoir que la finalité essentielle de l'opération consistait à ne pas faire supporter à M. A le coût financier de l'échec du projet d'exploitation de l'hôtel de Sète, en lui permettant de récupérer sa mise de fonds en compte courant ; que si l'administration a estimé, par ailleurs, que la délégation de paiement du 2 juillet 1996 ne pouvait produire d'effets, ce n'est pas en raison de la fictivité de cet acte, dont la nature juridique n'est pas contestée, mais en raison des conditions dans lesquelles il avait été passé, et de la finalité poursuivie ; qu'elle s'est en fait attachée à déterminer les effets réels de la délégation de paiement, sans remettre en cause sa nature juridique ; qu'il suit de là que l'administration ne peut être regardée comme s'étant placée, même implicitement, sur le terrain de l'abus de droit ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article 111 du code général des impôts :Sont notamment considérés comme revenus distribués :...c. les rémunérations et avantages occultes. ; que les avantages consentis à des associés ou des tiers, revêtent, lorsqu'ils n'ont pas été inscrits de manière explicite en comptabilité, le caractère d'avantages occultes ; qu'ils doivent, dès lors, être considérés comme des revenus distribués, qu'ils aient ou non été prélevés sur les bénéfices ;

Considérant que M A soutient que les versements litigieux ne constituent pas des avantages occultes dés lors qu'au vu de la chronologie des événements, la délégation de paiement du 2 juillet 1996 ne peut pas être purement et simplement écartée par le jugement comme dépourvue d'objet ; qu'en effet, la compensation des dettes et créances réciproques, et donc la disparition de la dette de la SARL Setotel, s'est faite postérieurement au 2 juillet ; que la créance de loyers de la SCI sur la SARL Setotel n'a disparu au mieux que le 22 juillet, en fait seulement le 24 octobre ; qu'il était parfaitement légitime dès lors que le 2 juillet, M. A accepte une délégation instaurant comme son nouveau débiteur la société Setotel en lieu et place de la SCI ;

Considérant que cette délégation doit être replacée dans son contexte global ; que le CEPME s'est inquiété très en amont des difficultés d'exploitation de l'hôtel, comme le prouve un courrier du 8 février 1996 dans lequel il donne son accord sur le nom du repreneur, et a mené des négociations avec l'ensemble des parties, au cours desquelles il est apparu à M. A que la SCI serait cédée pour une faible valeur, que Setotel abandonnerait son droit au bail, ce qui signifiait la liquidation à brève échéance des deux sociétés, par ailleurs exsangues ; qu'enfin, qu'en contrepartie certes d'un faible versement de sa part, il perdrait son compte courant dans la SCI, les parties s'opposant à son remboursement ainsi qu'il l'admet dans sa requête introductive de première instance ; qu'il a alors conclu avec la SA APR, la SCI et la SARL Setotel, sociétés dont il est l'associé principal, l'accord du 26 juin 1996, qu'il a été le seul à signer au nom de chaque partie, organisant le renflouement de la société Setotel par la SA APR au moyen d'un versement de 2 750 000 F devant intervenir avant septembre 1997, soit plus d'un an plus tard ; qu'une semaine plus tard, le 2 juillet, il a instauré la société Setotel comme son nouveau débiteur, sachant qu'elle disposerait des fonds de la SA APR, alors que son débiteur initial, la SCI, allait disparaître suite à la cession imminente de ses parts pour le franc symbolique ; qu'une telle succession de faits et d'actes ne s'explique que par la volonté qu'avait M. A de récupérer sa mise dans la SCI, le CEPME ayant refusé de le rembourser directement ;

Considérant que le service n'a cependant pas fondé son rappel sur l'irrégularité ou la fictivité de la délégation de paiement du 2 juillet, mais sur le caractère anormal de l'acte de gestion de la SA APR acceptant, sans que son propre intérêt économique ou financier le justifie, de verser de fortes sommes à la SARL Setotel fin 1997 et début 1998, alors qu'elle avait connaissance de ce que Setotel avait cessé toute exploitation depuis juillet 1996, et que les dettes et créances s'étaient compensées par les accords passés avec le CEPME et le repreneur, de sorte que ni la SCI, ni Setotel, n'avaient plus de dettes et ne nécessitaient donc plus d'être renflouées ; que, dans ces conditions, reste sans incidence sur le bien-fondé de l'imposition, le point de savoir si la SARL Setotel a, en contrepartie de la résiliation du bail commercial dont elle bénéficiait, cessé ou non d'être redevable des loyers impayés ;

Considérant que le versement à la société Setotel ayant été regardé, à juste titre, lors de son contrôle comme dépourvu de motif légitime, le reversement équivalent de Setotel à M. A constitue un avantage occulte au sens des dispositions de l'article 111 c du code ; qu'en effet, il n'est pas établi, ni même d'ailleurs allégué par M. A que l'opération litigieuse aurait été comptabilisée, dans les écritures de la SA APR Consultants, sous un libellé permettant de l'identifier comme le bénéficiaire réel ou de connaître son objet réel ; que le caractère d'avantages occultes des sommes en question étant établi, il n'y a pas lieu de se placer sur le terrain de la libéralité ;

Considérant ainsi qu'en procédant, sans y être tenue et sans en tirer une contrepartie, au versement par société interposée d'une somme correspondant au montant du solde du compte courant au remboursement duquel M. A avait dû renoncer, la SA APR Consultants a consenti à ce dernier, qui possède avec son fils et sa compagne l'intégralité de son capital social, un transfert de fonds indirect constitutif d'un avantage au sens de l'article 111 c du code général des impôts ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. A la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Pierre A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

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N° 07MA00546


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 07MA00546
Date de la décision : 01/12/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme FELMY
Rapporteur ?: Mme Anita HAASSER
Rapporteur public ?: M. EMMANUELLI
Avocat(s) : GEORGES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2009-12-01;07ma00546 ?
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